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cier les ressources immenses, à faire comprendre quelques-unes des belles qualités du nègre... mon but sera rempli.

E. MAGE (Voyage dans le Soudan occidental
Sénégambie Niger, 1868).

« Vous êtes de ceux qui croient plus que jamais à l'avenir de notre établissement à la côte d'Afrique et à l'utilité de la race noire sur la surface du globe, sans qu'il soit nécessaire de la priver de ses droits imprescriptibles à la famille et à la liberté individuelle...

<< Si ce n'est pas l'enthousiasme religieux, si ce n'est pas le culte exclusif de la science qui vous guidaient, c'étaient des motifs aussi généreux et d'une utilité plus immédiate et plus pratique, car l'occupation et la domination françaises, c'est-à-dire la rédemption de ces malheureuses contrées, doivent suivre, sans beaucoup tarder, le sillon que vous leur avez tracé. »

(Le général FAIDHERBE à M. Mage. Bône, le 1er mai 1868.)

Leur lecture eût épargné quelques-unes des fautes, d'ailleurs réparables, qui déparent notre œuvre en Afrique occidentale.

Sans doute il y a des taches, même dans le soleil des tropiques, mais elles disparaissent dans l'éclat de l'œuvre accomplie, encore trop inconnue en France.

C'est très beau, c'est très réconfortant de sentir tous ces peuples qui se rapprochent de nous.

Leur effort pendant la guerre témoigne de leurs sentiments pour la métropole. C'est sans aucune préparation qu'il a été utilisé, car les services compétents s'étaient obstinément refusés à envisager l'emploi des noirs en cas de guerre européenne ; les levées d'hommes furent faites irrégulièrement, par à-coups; et malgré ces conditions fâcheuses, l'Afrique occidentale nous a fourni 164 000 hommes, qui ont montré la vaillance de leur race et leur amour du drapeau français. Jamais nous ne devons oublier le sang qu'ils ont généreusement versé avec le nôtre.

En mars 1919, j'habitais à Mayence le palais du grand-duc de Hesse et je recevais chaque soir à ma table l'officier de garde. Le général Gouraud, de passage, avait bien voulu s'y arrêter; c'était un peloton sénégalais qui venait de lui rendre les honneurs, c'était un officier sénégalais qui s'asseyait à table au milieu de nous, grand, mince, avec un visage fin et intelligent, du plus beau noir. Je lui ai demandé son nom. « Touré, me dit-il. Mais c'est le nom de famille de l'almamy Samory. Je suis son fils, me répondit-il. Trois de mes frères ont été tués dans cette guerre. » Je réunissais, par hasard, le général Gouraud et son ancien prisonnier, l'un des enfants dont il avait remarqué le groupe << qui avait fort bon air ». Mais je crois bien que c'est là un fait unique, qu'on n'a jamais pu voir dans une autre armée que l'armée française, et il m'a

semblé que le cadre ajoutait même un peu à la valeur et à la signification de ce spectacle.

Nous faisions la guerre sans haine ; les populations délivrées accueillaient avec joie leurs libérateurs, mais, dans les ennemis mêmes, nous avons toujours vu nos soldats de demain.

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La forêt équatoriale est un redoutable obstacle. Dans la zone tropicale, la chaleur et l'humidité donnent à la végétation une violence inconnue dans nos climats. Les arbres y atteignent une hauteur double et même triple des nôtres; sur les lisières, où le soleil peut darder ses rayons, ce sol riche donne une végétation de lianes entremêlées et souvent épineuses, un sous-bois très touffu; dans certains parages, au contraire, les arbres poussent verticalement, et leurs troncs s'élèvent, lisses et nus, à trente ou quarante mètres du sol, portant leurs dernières frondaisons jusqu'à 80 ou 100 mètres de hauteur. Là, le silence et l'ombre atteignent l'absolu pas un rayon de soleil, pas un bruit sauf le murmure constant et monotone des hautes branches agitées par le vent. La vie végétale a tué la vie animale. C'est en se courbant à travers les taillis en bordure qu'on pénètre dans le désert de ce temple

(1) Conférence prononcée à la Société des Conférences le 21 mars 1923.

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naturel où tout être vivant éprouve une oppression singulière.

La caravane de porteurs loangos qui part de la côte est gaie, rieuse, comme une bande d'écoliers en vacances; les cris, les chants, les grosses plaisanteries, fusent d'un bout à l'autre de la colonne, où le moindre incident soulève une hilarité communicative. Mais dès l'entrée dans la forêt, le silence se fait tout d'un coup; les mines s'allongent, les yeux s'arrondissent: il semble que les charges aient doublé de poids.

Donc, pas d'habitants dans la forêt; quelques villages seulement dans les clairières, craintifs, sauvages, et plus difficiles à apprivoiser que partout ailleurs. Parfois s'étendent de vastes marécages, dont l'étendue varie selon la saison, mais qui forment souvent un obstacle infranchissable; parfois le sol est seulement recouvert d'une mousse épaisse de plusieurs dizaines de centimètres, imbibée d'eau ; c'est une éponge, les pieds glissent sur les racines, la fatigue devient extrême, la marche se ralentit. Mais les grands fleuves, les chemins qui marchent, font dans la forêt de larges trouées. Leurs bords se peuplent par endroits; les indigènes défrichent pour planter le manioc, le bananier, et plus au nord l'igname, la patate, le papayer. Les clairières s'élargissent; elles gagnent sur la forêt, qui se réduit à des bois isolés quand on s'éloigne de l'équateur. Les groupements humains sont plus nombreux, moins craintifs, mais sont aussi sauvages. La mouche tsétsé va chercher dans les grands fauves les trypanosomes

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