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La découverte du Sénégal par les Dieppois date du quatorzième siècle. Dès cette époque, des relations s'établissent entre nos ports et la côte occidentale d'Afrique, et à partir du dix-septième siècle des Compagnies de commerce l'exercent sous des régimes divers (1). C'est dans une île du Sénégal que s'élève le premier établissement durable, le Fort Saint-Louis, mais la capitale de ces établissements est sur la côte, dans l'îlot de Gorée, autrefois occupé par les Portugais et qui fut enlevé aux Hollandais en 1677 par l'amiral Jean d'Estrées. Les guerres maritimes, en nous privant à plusieurs reprises de ce comptoir, en arrêtèrent l'essor.

Après le traité de Vienne, qui mettait fin à l'occupation anglaise du Senégal, la Restauration commença la pénétration dans l'intérieur, le long du fleuve, et dota la nouvelle colonie d'un commencement d'organisation, et c'est de 1820 que date la création du poste de Bakel.

Le capitaine de corvette Bouet-Villaumez (18431845) ne reste pas assez longtemps dans le poste de gouverneur pour pouvoir réaliser ses excellentes

(1) 1626. Compagnie normande (Association privée entre les armateurs de Dieppe et de Rouen) qui vend ses établissements à la Compagnie des Indes occidentales, créée par Colbert (1664). On voit lui succéder la Compagnie d'Afrique (1681), puis la Compagnie du Sénégal (1685), Compagnie Royale du Sénégal (1694), Nouvelle compagnie du Sénégal (1709), Compagnie des Indes (1718), Compagnie de la Guyane, devenue Compagnie de la Gomme, en 1784, avec privilège pour ce commerce pendant neuf années. Le premier gouverneur qui représente l'autorité royale est nommé en 1763.

idées sur la colonisation mais, comme chef de la station navale dans ces parages, il activa la pénétration française dans les rivières du Sud, où elle rencontrait l'action britannique menée activement par le gouverneur de Sierra-Leone. Aucun des gouverneurs français ou anglais ne s'intéressait réellement à la question, malgré le zèle de leurs représentants sur place, mais Bouet-Villaumez choisit pour la France des bases dont nous devions plus tard profiter.

Il était réservé au chef de bataillon du génie Faidherbe, le futur commandant de l'armée du Nord qui sauva l'honneur en 70, revenu au Sénégal comme gouverneur après avoir construit des postes sur le fleuve, de donner l'essor à la nouvelle colonie et à notre pénétration en Afrique occidentale (1854-1861, 1863-1865). Fait unique dans nos annales coloniales, il est nommé chef de bataillon et gouverneur sur la demande des colons qui ont exposé aux ministres, à plusieurs reprises, l'impossibilité d'aboutir à des résultats avec un personnel sans cesse changeant et toujours ignorant du pays; il arrive avec un programme de défense agressive, d'abord libérer notre commerce de la somme des entraves dont le chargent les exigences des Maures du Sahara ; cesser de payer l'humiliant tribut auquel ils ont soumis notre gouvernement (la djézia, impôt que les chrétiens et les Juifs doivent payer pour avoir le droit de vivre en pays musulman); enfin protéger les noirs sédentaires contre les pillages des Maures nomades.

Faidherbe exécute point par point ce programme; il poursuit simultanément la délivrance, la pacification et l'organisation du pays.

Mais quand la lutte contre les Maures et leurs alliés est terminée, un nouvel ennemi apparaît, le prophète musulman El Hadj Omar, qui a réuni sous son autorité, religieuse et militaire tous les Toucouleurs du Moyen Sénégal, et le Fouta-Djallon lui envoie des contingents peuhls. Dès qu'il a réuni ses forces, il attaque nos escales et nos postes. Ce n'est jamais par une défense passive qu'il est possible de résister, surtout aux peuples adorateurs de la force. Faidherbe remonte le Sénégal et va fonder un poste à 150 kilomètres au delà de Bakel, à 1000 kilomètres de Saint-Louis, à Médine (août 1855); Médine fut attaqué deux ans après par El Hadj Omar en personne, avec 15 000 hommes, qui commença par livrer à la petite garnison des assauts furieux. Paul Holle, qui commandait la défense, sut les repousser et animer la population khassonké qui se défendait dans le village adjacent au poste, sous les ordres du roi Sambalá.

Le siège se transforma en un étroit blocus, et Médine ne fut délivrée qu'après trois mois d'une résistance héroïque, par l'arrivée de la colonne de secours commandée par Faidherbe. Ses opérations énergiques pacifièrent ensuite le pays. Le Bas Sénégal réclame aussi une action militaire constante; les petits chefs qui gouvernent ces provinces, Cayor, Baol, Sine, Saloum, signent des traités de protectorat, et Faidherbe n'a pas pour but d'étendre

les territoires d'administration directe; il établit la paix française et supprime le commerce des esclaves, en attendant qu'il puisse les libérer, mais il affecte d'intervenir le moins possible dans le gouvernement du pays dont il reconnaît les chefs indigènes et respecte les usages.

L'effectif des troupes françaises est très faible : un ou deux bataillons d'infanterie de marine, une ou deux batteries de marine; pour l'une de ses campagnes, il disposera d'un bataillon de tirailleurs algériens. Mais c'est aux populations mêmes qu'il va demander des troupes. Dès 1823, une compagnie de soldats indigènes avait été formée. Il recrute un bataillon de tirailleurs sénégalais et un escadron de spahis, des compagnies de sapeurs noirs et d'ouvriers d'artillerie; les volontaires de Saint-Louis, levés dans la population toujours guerrière de sa capitale, forment souvent le fond de ses colonnes, au chiffre de mille à quinze cents fusils; les laptots noirs, enrôlés dans les équipages de la flottille fluviale et commandés par les officiers de marine, débarquent à toute occasion. Enfin les provinces soumises, même très récemment, lui fournissent des contingents auxiliaires, cavaliers et fantassins, en nombre très variable.

L'organisation civile accompagne le développement des forces militaires. Les ponts, les routes, les essais agricoles, les écoles se multiplient. Enfin un plan de pénétration s'ébauche. Les explorateurs ont reconnu le cours du Niger dès les premières années du dix-neuvième siècle ; Mongo Park, Bruce,

René Caillé, Barth avaient pour objet la découverte de l'Afrique, le développement de la science géographique. A ce but, des missions françaises ajoutent celui de nouer des relations avec les chefs indigènes, de reconnaître les voies d'accès et les ressources du pays, de préparer l'extension de la puissance française.

Le plus remarquable d'entre eux à cette époque, le lieutenant de vaisseau Mage, arrive au Niger, et il essaye de placer sous notre protectorat le sultan de Ségou, Ahmadou, fils d'El Hadj Omar. Il n'y réussit pas, mais revient avec une foule de renseignements précieux. Faidherbe aurait voulu que la France se donnât le Niger pour but de ses efforts; il proposa à l'empereur Napoléon III d'aller lancer sur le grand fleuve une canonnière qui eût fait flotter le pavillon tricolore sur Tombouctou ; ce projet, qu'il déclarait d'exécution facile, ne fut pas adopté. Mais ses encouragements et son appui ne manquèrent jamais aux continuateurs de son œuvre.

L'un des derniers gouverneurs militaires du Sénégal, le colonel d'infanterie de marine Brière de l'Isle (1), envoya sur le Niger le capitaine Galliéni avec une mission assez importante. Mais avant d'arriver à Ségou, le capitaine Galliéni fut arrêté avec

(1) Le général Brière de l'Isle joua au Sénégal un rôle capital d'organisateur et d'administrateur consommé; il commença les grands travaux et la pénétration vers le Niger. Voir dans la Revue de Paris du 15 septembre 1923, « Contribution d'un vétéran à l'Histoire coloniale, » par le colonel MONTEIL.

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