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repousse ses bienfaits par le rebord qui s'élève à proximité de ses côtes.

Privé de toute influence maritime et de toute chaîne de montagnes, le continent noir, sans défense, est la proie du climat tropical. Comme la masse des terres est plus considérable dans l'hémisphère boréal que dans l'hémisphère austral, l'équateur thermique, le parallèle où la température est la plus élevée, est un peu au nord de l'équateur géographique, le grand cercle de la terre situé à égale distance entre les deux pôles, où les jours sont constamment égaux aux nuits. Les zones climatériques s'étendent en latitude parallèlement à l'équateur, presque à la même distance, et nous trouvons à chaque extrémité du continent une zone tempérée favorable à l'habitat des Européens qui s'y trouvent, en Afrique septentrionale comme au Cap; puis les déserts du Sahara et celui du Kalahari se font pendant; puis la zone découverte des steppes et des cultures; enfin, au centre équatorial, la forêt dense, obstacle comparable au désert, et dont les clairières sont les oasis, mais qu'heureusement sillonnent les couloirs magnifiques des grands fleuves.

Une autre cause divise l'Afrique en zones symétriques et parallèles à l'équateur. C'est l'anneau de nuages qui, sous l'influence des vents alizés, se promène annuellement entre les tropiques, ou plus exactement entre le 15e degré de latitude nord et le 10e degré de latitude sud. Comme il ne paraît qu'une fois par an aux extrémités de sa course, l'année n'y comprend qu'une seule saison des pluies; il passe

deux fois entre ces parallèles extrêmes, et nous constatons dans cette zone deux hivernages.

A l'origine des temps, l'Afrique paraît avoir été peuplée par les Négrilles, petits hommes velus dont Hérodote nous a transmis le souvenir (1); leurs descendants vivent encore dans la forêt équatoriale, et nous les appelons pygmées ou nains, bien à tort; car le nain est un homme contrefait et disproportionné, tandis que les Akhas du Congo sont très normalement construits à une échelle un peu réduite, d'une taille de 1 m. 40 à 1 m. 55. Ces Négrilles ne vivent pas seulement dans la forêt équatoriale; leur mémoire se transmet partout ailleurs comme celle des premiers maîtres de la terre, dont il fallut acquérir l'assentiment pour pouvoir la cultiver; ils s'identifient avec les génies auxquels il est dû certains sacrifices.

Une première invasion venant du sud-est semble avoir peuplé la partie australe de l'Afrique : c'étaient les Bantous. Puis une deuxième invasion, venue des mêmes parages, d'une race nègre également, aurait traversé la première : ce seraient les Guinéens, dont une partie, allant border le Sahara en se mélangeant plus ou moins avec les Berbères, aurait formé les tribus soudanaises du Tchad à l'Atlantique. Pour expliquer les migrations qui ne peuvent venir du plateau central asiatique, considéré comme

(1) HÉRODOTE, livre IV, § xxxII et livre IV, § xiv. Les Noirs de l'Afrique, par Maurice DELAfosse, 1922. Vue générale de l'histoire de l'Afrique, par Georges HARDY,

1922.

l'origine de toutes les races humaines, on a supposé un continent aujourd'hui disparu, la Lémurie, dont les traces encore visibles seraient l'île de Madagascar, les Seychelles, les Mascareignes, et d'où viendraient les nègres de l'Afrique et les négroïdes de l'Inde, des Philippines et de l'Océanie (distincts des Malais et des autres insulaires). Dans la Lémurie, sœur de l'Atlantide, nous sommes en pleine hypothèse; il est bien douteux que l'existence de ces continents puisse être prouvée et qu'ensuite on puisse établir la base de théories assez acceptables pour reculer les limites de la préhistoire.

L'Égypte, mère de la civilisation, nous a conservé le souvenir de ses esclaves et surtout de ses soldats noirs, les Mazaïou, qui, quatre mille ans avant l'ère chrétienne, manoeuvraient par rang et par file (1). La première troupe régulière connue est une troupe noire.

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monuments

En l'absence de tout document écrit provenant des noirs, et de toute trace matérielle ou sépultures nous en sommes réduits au témoignage des chroniqueurs et des historiens arabes, qui remonte à une époque relativement récente et qui se limite à la bordure du Sahara actuel. Je dis Sahara actuel, car divers symptômes permettent de penser que le desséchement de ce désert s'est produit lentement, qu'il a été à une certaine époque arrosé de cours d'eau devenus aujourd'hui souter

(1) G. Maspéro, Histoire des peuples de l'Orient classique, t. I, p. 306-419, t. II, p. 451-438-767. Voir la Force noire, par le lieutenant-colonel MANGIN. Paris, 1910.

rains. On y trouve encore des amas de silex taillés en fer de lance ou de flèches qui indiquent l'existence de véritables ateliers et montrent que la région s'est profondément transformée. Ces silex, les pierres d'Aigris, de haute antiquité, qui paraissent des verroteries égyptiennes, voilà les témoignages antérieurs à l'arrivée des Arabes et qui montrent l'influence des Égyptiens sur les confins du désert.

Les Berbères, qui y ont certainement nomadisé de toute antiquité, n'ont rien apporté aux noirs. Les Touareg d'aujourd'hui restent identiques à leurs pères, les Gétules du temps de Jugurtha, et, par une ironie singulière, le nomade est le moins changeant des humains. Il transporte partout sa tente, sa langue, ses mœurs immuables. Mais les caravanes de Carthage sont vraisemblablement venues au Soudan chercher l'or, l'ivoire, les plumes d'autruche. On peut attribuer à leur influence les rudiments d'industrie et d'agriculture qui ont permis aux noirs du Soudan de travailler l'or et le fer de très bonne heure et de cultiver et tisser le coton. Je dois avouer que nous n'avons guère quitté le domaine de l'hypothèse.

Nous en sortons par les chroniqueurs des Arabes et leurs récits de voyage, et surtout par l'histoire des Berbères d'Ibn Khaldoun, qui, lui, est un véritable historien. Ces chroniqueurs nous donnent une physionomie du pays et s'efforcent de remonter dans son histoire avant l'apparition de l'Islam en Afrique occidentale. Le royaume de Gana, qui s'étendait, au septième siècle, entre le Niger et

ce pays.

l'Atlantique, paraît avoir été fondé vers le quatrième siècle; il a compté vingt-deux princes avant l'Hégire et autant après; les ruines de sa capitale ont été retrouvées en 1914 seulement, entre Goumbou et Oualata, dans une région aujourd'hui desséchée et devenue désertique : le Sahara a entamé le Soudan et c'est son invasion, beaucoup plus encore que les guerres dévastatrices, qui a ruiné Le royaume de Gana était habité par des Gangara ou Ouangara, qui ont donné naissance à la race mandingue, comprenant les Malinké et les Bambaras, réfractaires à l'Islam, et qui ont été les meilleurs artisans de notre pénétration. Ils étaient, au début, gouvernés par des blancs, vraisemblablement des Sémites sédentaires, dont le mélange a donné naissance aux Sarakolés, appelés aussi Soninké ou Marka, qui, au contraire, ont été islamisés de bonne heure. Il est possible que le mélange des Sémites nomades avec ces Serères à l'ouest de Gana ait engendré la race peuhl (pluriel foulbé) : c'est l'une des hypothèses vraisemblables qui ont été émises sur l'origine de cette race, qu'on place aussi dans la migration des Hyksos, venus d'Asie Mineure en Égypte, puis en Tripolitaine, et de là en Mauritanie, et qui auraient ensuite franchi le Sénégal, dont ils auraient peuplé le cours moyen et les montagnes au sud, le Fouta-Djallon.

Au neuvième siècle, les voyageurs arabes ont donc vu à Gane un royaume florissant, d'origine très ancienne, qui étendait sa domination assez au sud du Sénégal, sur les mines d'or du Bambouk, sur les

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