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L'idée de réformer la mise en scène de nos classiques, encore qu'elle passe pour téméraire aux yeux de beaucoup, porte en elle-même une si surprenante -force de vérité que les plus résolus défenseurs de la tradition en sont arrivés, aujourd'hui, à accepter de la discuter. Or, une telle discussion comporte au moins l'aveu que la situation présente motive des critiques. Et cet éveil de l'attention publique mérite d'être noté, d'abord comme une nouveauté, ensuite, et surtout, comme un précieux gage de succès.

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Rien de moins ardent, rien de plus froidement habituel que le sentiment du public à l'endroit des

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œuvres maîtresses de notre littérature dramatique. Malgré quelques tentatives isolées, et d'ailleurs sans lendemain, comme celle de Fechter, le théâtre du dix-septième siècle poursuivait, à travers notre époque d'intense travail artistique, son existence tranquille, un peu hautaine, dans un cadre suranné et tout à fait inadéquat. Il semblait que, satisfait de résister aux incessantes transformations du goût, la qualité des hommages lui importât peu, pourvu qu'il fût assuré de durer. Divinités mystérieuses que nul fanatisme iconoclaste n'était parvenu à renverser, la comédie et la tragédie du grand siècle paraissaient devoir triompher à tout jamais des attaques du temps; et, en raison de cette éternelle jeunesse, attribut olympien s'il en fut, elles recevaient un culte émerveillé et craintif. Du haut des chaires, d'éminents lettrés, en une langue choisie, expliquaient comment le génie les avait un jour illuminées; dans les salles de spectacle, une élite applaudissait de confiance des pièces dont elle pouvait murmurer presque tous les vers. Jamais ces œuvres, qui sont belles parce qu'elles sont humaines, n'avaient vraiment été aimées par la foule pour leur humanité profonde. On leur rendait des devoirs; on ne leur donnait pas son âme. De là une pauvreté d'ajus

tement dont on s'accommodait avec résignation. Une coutume, à laquelle on se pliait sans plaisir, prescrivait de se prosterner devant certaines idoles mal vêtues; le geste accompli, la pensée s'envolait ailleurs.

Nos contemporains paraissent peu disposés à fournir de telles preuves d'obéissance intellectuelle. Non certes qu'ils s'élèvent contre les jugements du passé : mais l'attitude passive qu'en tous les domaines il avait été longtemps convenu d'adopter en face des opinions dites << reçues » leur répugne décidément. Ils s'y associent sans doute, le plus souvent, non pas pour suivre une impulsion donnée en dehors d'eux, mais, au contraire, parce qu'ayant réfléchi et librement examiné, ils révisent, puis confirment les sentences rendues et se les approprient. Ce n'est là qu'une manifestation de cette volonté de penser par soi-même qui, depuis cent ans surtout, agite le monde occidental et commence aujourd'hui de s'épanouir. Il ne s'ensuit pas, d'ailleurs, que des traditions vénérées doivent nécessairement périr. Sans doute, celles qui ne se réclament que de leur antiquité, sans autre titre, s'étioleront peu à peu et sombreront dans l'oubli; celles qui contiennent une valeur, intellectuelle ou morale, renaîtront, par

contre, d'une vie nouvelle. En matière artistique, et surtout en matière littéraire, la tendance toute cartésienne du doute préalable, méthodique, est presque entrée dans nos mœurs. Et c'est apparemment ce qui confère à nos enthousiasmes leur qualité rare et leur sincérité. Autrefois, la grande affaire était de prouver qu'une œuvre avait, de tout temps, été placée au premier rang: l'admiration était due, une fois la preuve faite, et, docilement, elle arrivait à l'heure dite. Aujourd'hui, nous cherchons à comprendre avant d'admirer le jugement des siècles enfuis, dépouillé pour nous de toute autorité coercitive, ne présente plus qu'un intérêt historique et docu

mentaire.

Abordé dans cet esprit, le théâtre classique se rapproche de nous. Il quitte, pour ainsi dire, le pédantisme livresque pour se mêler à la vie. On ne saurait, en toute justice, le regretter. N'était-ce pas une dérision, en parlant des maîtres, de vanter la puissance de vie résidant en eux pour ne leur accorder, en réalité, que des honneurs funèbres, pour les environner d'une pompe rappelant par pompe rappelant par trop celle qui accompagne, à leur mort, les grands hommes? Car telle était bien, qu'on le voulût ou non, l'attitude

générale l'enseignement public, s'acquittant d'une

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