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ALCESTE

Il semble que le sort, quelque soin que je prenne, Ait juré d'empêcher que je vous entretienne; Mais pour en triompher, souffrez à mon amour 1480. De vous revoir, Madame, avant la fin du jour.

Cette dernière scène, qui est là, dit-on, pour égayer et reposer l'auditoire, n'offre aucune difficulté. Tout au plus pourrait-on demander qu'Alceste se retirât sans pompe, sans affectation, à la précipitée, comme le suggère Du Bois. Les derniers vers, s'ils ressortent trop, ramènent les interprètes, en raison du style emphatique qui les distingue, au ronron de la tragédie. Il est nécessaire, au contraire, qu'Alceste, partagé entre son inquiétude et son trouble amoureux, semble un instant égaré, perplexe, puis se décide à courir pour débrouiller « l'embarras ». Les vers 1479 et 1480 se perdent dans le baise-main et le rideau tombe aussitôt.

Un entr'acte se place ici le public a besoin de respirer; on le laisse au sommet de la crise, inquiet du sort de Célimène et d'Alceste. L'endroit se prête excellemment à une interruption.

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Le rideau se lève sur le décor précédemment indiqué. Nous sommes dans le fond du parc de Célimène qu'illumine une clarté lunaire. On aperçoit un panorama de Paris : la perspective de la Seine avec la vieille Tour, le Louvre. Quelque chose d'incertain et de mélancolique. L'impression rafraîchissante du soir. Contraste avec le décor précédent, vivant, intime, chaud : celui-ci est désert, beau de la beauté froide des choses, indifférentes aux douleurs humaines.

SCÈNE PREMIÈRE

ALCESTE, PHILINTE

ALCESTE

La résolution en est prise, vous dis-je.

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PHILINTE

Mais, quel que soit ce coup, faut-il qu'il vous oblige...?

ALCESTE

Non vous avez beau faire et beau me raisonner,
Rien de ce que je dis ne peut me détourner :
1485. Trop de perversité règne au siècle où nous sommes,
Et je veux me tirer du commerce des hommes.
Quoi? contre ma partie on voit tout à la fois
L'honneur, la probité, la pudeur et les lois;
On publie en tous lieux l'équité de ma cause;
1490. Sur la foi de mon droit mon âme se repose :
Cependant je me vois trompé par le succès;
J'ai pour moi la justice, et je perds mon procès!
Un traître, dont on sait la scandaleuse histoire,
Est sorti triomphant d'une fausseté noire!
1495. Toute la bonne foi cède à sa trahison!

Il trouve, en m'égorgeant, moyen d'avoir raison!
Le poids de sa grimace, où brille l'artifice,
Renverse le bon droit, et tourne la justice!
Il fait par un arrêt couronner son forfait !
1500. Et non content encor du tort que l'on me fait,
Il court parmi le monde un livre abominable,
Et de qui la lecture est même condamnable,
Un livre à mériter la dernière rigueur,

Dont le fourbe a le front de me faire l'auteur!

1505. Et là-dessus, on voit Oronte qui murmure,

Et tâche méchamment d'appuyer l'imposture!
Lui, qui d'un honnête homme à la cour tient le rang,
A qui je n'ai rien fait qu'être sincère et franc,

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