ACTE II Le salon de Célimène, tel qu'il a été décrit. — Lumière de midi. - Une des fenêtres est entr'ouverte. Apparence d'une pièce dont l'usage est courant. Objets familiers volumes, ouvrages féminins, bonbonnières, fleurs, etc. Nous sommes chez Célimène, ainsi qu'il a été déjà expliqué, et dans son appartement privé; tout y révèle la présence fréquente d'une femme d'esprit et de goût; les moindres détails semblent y avoir été vérifiés par elle d'un coup d'œil. Au lever du rideau, les deux personnages sont en scène et la conversation est déjà commencée. La tradition laissait le décor vide un très court instant; on ouvrait alors la porte du fond à deux battants. Célimène entre, somptueusement vêtue; le public ne peut retenir un « ah!" émerveillé; Alceste la suit, comme si, ayant l'un et l'autre à s'entretenir, ils avaient décidé d'attendre, pour commencer, de se trouver devant le souffleur! Voilà, à proprement parler, d'insolentes provocations au sens commun! Avec notre décor sans porte de fond, rien de semblable; on pourrait faire arriver les personnages par les côtés, mais quelle en serait l'utilité? Si l'on veut montrer Célimène rentrant chez elle escortée par Alceste, il faut, de toute nécessité, que cette rentrée s'accompagne de tout un protocole : une camériste devra venir débarrasser sa maîtresse de son capuchon ou de ce loup que l'on mettait souvent pour les courses en ville, etc.......... Or, ceci ne saurait être suppléé. Imaginons donc que toutes ces formalités sont accomplies déjà. Alcesté et Célimène sont revenus depuis quelques instants, Célimène a retiré les vétements qu'elle ne porte qu'au dehors, et Alceste son chapeau. On cause. Le premier vers d'Alceste indique clairement qu'il en est à la conclusion: il vient d'accumuler ses griefs, de les exposer vigoureusement et il termine par une menace de rupture. Y a-t-il rien de plus naturel ou vraisemblable? SCÈNE PREMIÈRE ALCESTE, CÉLIMÈNE ALCESTE Madame, voulez-vous que je vous parle net? De vos façons d'agir je suis mal satisfait; Contre elles dans mon cœur trop de bile s'assemble, 450. Et je sens qu'il faudra que nous rompions ensemble. Oui, je vous tromperois de parler autrement; Tôt ou tard nous romprons indubitablement; Et je vous promettrois mille fois le contraire, CÉLIMÈNE 455. C'est pour me quereller donc, à ce que je voi, Que vous avez voulu me ramener chez moi? ALCESTE Je ne querelle point; mais votre humeur, Madame, Ouvre au premier venu trop d'accès dans votre âme : Vous avez trop d'amants qu'on voit vous obséder, 460. Et mon cœur de cela ne peut s'accommoder. CÉLIMÈNE Des amants que je fais me rendez-vous coupable? ALCESTE 465. Non, ce n'est pas, Madame, un bâton qu'il faut prendre, |