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qui mit pied à terre et lui remit sa monture. Accompagné d'un débris de son armée et vivement poursuivi par Abou-Zian, le sultan abd-el-ouadite se jeta dans Alger d'où il se rendit à Tlemcen.

A la suite de cette victoire dont le retentissement ébranla tout le Maghreb, le sultan Abou-'l-Abbas sortit de Bougie et s'occupa de Tedellis.

Ce fut ainsi que les forteresses occidentales du royaume des Hafsides furent encore réunies sous l'autorité d'un seul homme, ainsi que cela avait déjà eu lieu lors du démembrement de l'empire par l'émir Abou-Zékérïa.

LE SULTAN ABOU-'L-ABBAS ENVOIE UNE ARMÉE CONTRE

TUNIS.

Quand l'émir Abon-Abd-Allah, fils d'Ibn-Tafraguîn, eut abandonné le service du sultan Abou-Ishac, il passa dans les cantonnements des Mohelhel et emmena ces Arabes avec lui. Vers le commencement de l'an 767 (sept.-oct. 1365), ils allèrent tous trouver Abou-'l-Abbas et l'invitèrent à faire une démonstration contre Tunis. Ce prince s'en excusa à cause de la guerre qu'il avait à soutenir contre son cousin, le seigneur de Bougie, mais il accepta leur appui dans l'expédition qu'il allait entreprendre cette dernière ville.

La conquête de Bougie effectuée, il plaça un corps de troupes sous les ordres de son frère Abou-Yahya-Zékérïa et l'envoya avec les Arabes et Ibn-Tafraguîn contre la capitale. Ils la tinrent bloquée pendant plusieurs jours, mais, découragés par la résistance de la garnison, ils conclurent un armistice avec le sultan et levèrent le siége. Abou-Zékérïa conduisit ses troupes à Bône, chef-lieu de la province qu'il commandait, et son compagnon, Ibn-Tafraguîn, revint auprès d'Abou-'l-Abbas et resta avec lui jusqu'à la prise de Tunis.

MORT DU SULTAN ABOU-ISHAC SEIGNEUR DE TUNIS.

LUI SUCCÈDE,

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Des alternatives de paix et de guerre, telles que nous les avons décrites, continuèrent à marquer les relations qui existaient entre le sultan Abou-Ishac et le sultan Abou-'l-Abbas. [Après la fuite d'Ibn-Tafraguîn], Abou-Ishac prit pour ministre Mansour-Ibn-Hamza, émir des Kaoub, pensant que les conseils et les armes d'un chef aussi puissant suffiraient pour la défense de la capitale, et, pendant le reste de son règne, il n'eut qu'à se louer de son choix.

En l'an 769 (1367-8), [Abou-'l-Baca-]Khaled, fils d'AbouIshac, obtint de son père le commandement d'un corps d'armée et partit pour Bône avec Mohammed-Ibn-Rafê, officier de la milice maghraouienne et chargé de le diriger. Dans cette expédition, il se fit accompagner des Kaoub et de leur émir. Il avait reçu de son père l'ordre de soumettre la campagne de Bône, d'y porter la dévastation et de prélever les impôts; mais les habitants de cette région, soutenus par les troupes de l'émir AbouYahya-Zékérïa, le repoussèrent de façon à lui ôter toute envie d'y revenir. Quand l'armée tunisienne fut de retour à la capitale, le commandant en chef, Mohammed-Ibn-Rafê, tomba en disgrâce et dut se retirer dans sa tribu qui était alors à Lahca, localité qui dépend de Tunis. A force de sollicitations, il obtint son rappel; mais, au moment où il rentra à la capitale, il fut arrêté et mis en prison.

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Quelque temps après, dans le mois de. 1 de l'an 770 (1368-9), le sultan avait de la société chez lui afin de passer, selon son habitude, la nuit en conversation, puis, accablé de sommeil, il s'était endormi. Le domestique de service étant venu le lendemain pour le réveiller, le trouva mort. Cet événement changea la joie des courtisans en tristesse et les remplit de consternation.

4 Il y a ici un blanc dans le texte arabe.

Pour remédier à ce grand malheur, il fut décidé qu'Abou-'lBaca-Khaled, fils du monarque décédé, serait déclaré sultan, et l'affranchi Mansour-Sariha, assisté du chambellan Ahmed-IbnIbrahim-el-Baleki, fit prêter au peuple le serment de fidélité. Dans cette séance solennelle, les Almohades, les hommes de loi et toutes les autres classes de la population se présentèrent pour faire acte d'hommage au nouveau souverain. Abou-'l-Baca s'occupa ensuite des funérailles de son père et permit à Mansour et à Ibn-el-Baleki de s'arroger la direction des affaires publiques. Leur premier acte fut l'arrestation du cadi Mohammed-IbnKhalef-Allah, membre du corps des légistes et natif de Nefta. Ce docteur avait quitté sa ville natale à cause du gouverneur, AbdAllah-Ibn-Ali-Ibn-Khalef, qui lui avait donné quelques sujets de mécontentement, et s'était refugié à la cour de Tunis. Le sultan Abou-Ishac lui sut bon gré de cette démarche et le nomma cadi de la capitale, en remplacement d'Abou-Ali-Omar-Ibn-Abd-er-Refiâ qui venait de mourir. Plus tard, Ibn-Khalef-Allah eut le commandement des troupes que le gouvernement envoyait [chaque année] dans le Djerîd, et il rentra bien rarement de ce pays sans en avoir contraint les habitants à payer l'impôt. Quelquefois, cependant il avait dû l'évacuer, sans avoir rien obtenu, ayant découvert que ces populations réfractaires avaient voulu lui débaucher ses troupes arabes. Sa haute influence auprès du fen sultan excita la jalousie d'Ibn-el-Baleki; aussi ce personnage, devenu alors toutpuissant, le fit enfermer dans la prison où l'on retenait Mohammed-Ibn-Rafê. Il assigna pour motif à cette arrestation les nombreuses plaintes auxquelles la conduite du cadi avait donné lieu. Bientôt après, les deux prisonniers se laissèrent tromper par un misérable à la solde d'Ibn-Baleki et adoptèrent un projet d'évasion qu'il leur proposa. Toutes leurs dispositions étaient prises, mais, au moment où ils allaient partir, Ibn-el-Baleki entra et les fit étrangler. Dieu l'en punit plus tard, et les hommes pervers sauront la fin qui les attend ! Emporté par son mauvais

1 Coran; sourate 26, verset 228.

naturel, ce ministre donna pleine carrière à sa tyrannie; il enleva l'argent des riches; il insulta aux gens honorables qui se présentaient chez lui, et il inspira à tous une telle horreur qu'ils invoquèrent la vengeance de Dieu sur leur oppresseur. L'accom→ plissement de leur prière s'effectua par l'intermédiaire de notre seigneur le sultan Adon-'l-Abbas.

LE SULTAN ABOU-'L-ABBAS S'EMPARE DE TUNIS ET REND A L'EMPIRE HAFSIDE SES ANCIENNES LIMITES.

Le sultan Abou-Ishac mourut en 770 (1368-9), et son fils {Abou-'l-Baca-]Khaled, qui était encore en bas âge, fut placé sur le trône par l'affranchi Mansour-Sariha et par le chambellan Ibnel-Baleki. Ces ministres imprimèrent une très-mauvaise direction aux affaires et s'y conduisirent avec une maladresse extrême. A peine furent-ils au pouvoir qu'ils s'attirèrent l'inimitié de Mansour-Ibn-Hamza, chef des Kaoub, tribu qui était maîtresse de toute la campagne. Mansour avait espéré que les deux ministres partageraient leur autorité avec lui, et, voyant ses prétentions repoussées, il céda aux inspirations de la colère et alla trouver le sultan Abou-'l-Abbas. Ce prince se tenait toujours sur la frontière occidentale de l'empire, prêt à fondre sur la capitale quand l'occasion s'en présenterait.

Le chef arabe le pressa vivement de s'emparer du royaume paternel et de porter remède aux maux qui en accablaient les pópulations; « Votre devoir, lui dit il, est de rétablir l'empire » dans son intégrité. Tout vous y appelle, votre noble caractère, » votre rang, votre puissance et la renommée de votre justice. >> Par votre douceur et vos qualités généreuses, vous ferez le bon>> heur de vos sujets, et ils auront enfin la satisfaction d'être » gouvernés directement par leur souverain, sans qu'un ministre >> vienne contrôler ses ordres. » Ces paroles confirmèrent Abou'l-Abbas dans la résolution qu'il avait déjà formée, et, comme les

habitants de Castîlïa lui avaient fait une proposition du même genre, il envoya chez eux Abou-Abd-Allah-Ibn-Tafraguîn afin de connaître jusqu'à quel point il pourrait compter sur leur dévouement. Toute la population de cette localité prêta, entre les mains d'Ibn-Tafraguîn, le serment de fidélité, et cet exemple fut suivi par Yahya-Ibn-Yemloul, seigneur de Touzer, et par ElKhalef-Ibn-el-Khalef, seigneur de Nefta.

Après le retour d'Ibn-Tafraguîn, qui rapporta au sultan la franche adhésion des peuples [djeridiens] et l'assurance qu'ils avaient tous proclamé sa souveraineté, ce monarque sortit de Bougie avee ses troupes et marcha, à grandes journées, vers El-Mecila, ville où se tenait son cousin Ibrahim, fils d'AbouZékérïa. Les Aulad-Soleiman-Ibn-Ali, tribu douaouidienne, avaient fait venir ce prince de Tlemcen afin d'appuyer ses prétentions au trône de Bougie, trône que son frère l'émir AbouAbd Allah venait de perdre. Ce projet eut pour auteur Abou-Hammou, souverain de Tlemcen, dont les promesses de coopération et d'appui étaient demeurées toutefois sans effet. Quand Abou-'l-Abbas parut devant la ville, ces Arabes renoncèrent à leurs engagements envers Ibrahîm et le renvoyèrent à Tlemcen. Le sultan reprit alors la route de Bougie et, de là, il partit pour Tunis. Pendant sa marche, il reçut la soumission de tous les petits états de l'Ifrîkïa.

Arrivé sous les murs de la capitale, il dressa son camp, et, pendant quelques jours, il dirigea de fréquents assauts contre les remparts. Ensuite il mit en exécution son véritable plan d'attaque et s'approcha des murs en se faisant suivre de son frère, de ses familiers et des troupes de sa maison auxquelles il avait fait mettre pied à terre. Soutenu par cette bande dévouée, il renversa tous les obstacles, franchit les murailles qui touchent au jardin de Ras-et-Tabïa et chassa les soldats qui garnissaient cette partie du rempart. Les fuyards se répandirent dans la ville et ajoutèrent à l'effroi des habitants qui en étaient déjà

Le texte arabe porte Constantine.

T. III.

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