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mit une grande étendue du pays et alla prélever l'impôt jusque dans les pays qui forment l'extrême limite du territoire de Bône. En l'an 759 (1358), il repartit pour le Maghreb, peu de temps avant la mort d'Abou-Einan. Cet événement jeta la perturbation dans le pays, mais tout rentra dans l'ordre aussitôt que le sultan Abou-Salem, frère du monarque décédé, monta sur le trône.

Le peuple de Bougie nourrissait une haine profonde contre son gouverneur, Yahya-Ibn-Meimoun, un des intimes du sultan Abou-Einan. Le mauvais naturel de ce fonctionnaire, son caractère violent et tyrannique, avaient indigné toute la population; pour s'en délivrer, on invita secrètement Ibn-Tafraguîn à s'emparer de la ville. Par suite de cette communication, le sultan Abou-Ishac reçut de son ministre un équipage royal et quitta Tunis, escorté par une armée bien approvisionnée, dont le commandement venait d'être confié à Abou-Abd-Allah, fils [du même ministre]. Cette colonne rencontra en marche [les chefs arabes] Yacoub-Ibn-Ali et son frère, Abou-Dinar, qui lui amenaient des renforts. Quand elle arriva en vue de Bougie, la populace de la ville fit embarquer de force, pour Tunis, Yahya-Ibn-Meimoun et tous ses gens. Ibn-Tafraguin les y retint dans une captivité honorable et leur permit, plus tard, de partir pour le Maghreb.

Le sultan Abou-Ishac occupa Bougie en l'an 761 (1359-60). Il n'y exerça que peu d'autorité, parce que son chambellan, IbnTafraguîn, le retenait en tutelle et le dirigeait à son gré, tout en se tenant au loin, dans la capitale de l'empire. Quelque temps après cette conquête, le chambellan rappela son fils[, Abou-AbdAllah,] et plaça auprès du sultan, en qualité de vizir, le cheikh almohade, Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed-Ibn-MohammedIbn-Akmazîr. Ce personnage remplissait [à Tunis] les fonctions de vice-chambellan. Le commandement de la populace armée de Bougie fut donné à Ali-Ibn-Saleh, homme du plus bas étage. Ce misérable s'était entouré d'une foule de mauvais sujets, et fort de leur appui, il imposait ses volontés au gouver

nement.

L'ÎLE DE DJERBA EST

SOUMISE A L'AUTORITÉ D'ABOU-ISHAC, SULTAN

DE TUNIS.

L'île de Djerba est située près de Cabes et à l'est de cette ville. Elle a soixante milles de longueur1, de l'Est à l'Ouest; sa largeur, du côté de l'occident, est de vingt milles, et, du coté de l'orient, quinze. Elle est à soixante milles au Sud des îles Kerkinna. Le figuier, le dattier, l'olivier et la vigne y viennent très-bien. Elle est renommée pour ses pommes et pour ses étoffes de laine. On y fabrique des toiles rayées qui servent à envelopper le corps et des toiles unies pour habits. Comme ces objets sont fort recherchés, il s'en exporte beaucoup.

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Les habitants appartiennent à la race berbère et font partie de la tribu des Ketama. En effet, il s'y trouve, encore aujourd'hui, des Sedouîkich et des Sadghîan, peuples d'origine ketamienne. On y rencontre aussi des Nefza, des Hoouara et quelques fractions d'autres tribus berbères.

Dans les temps anciens, les Djerbiens professaient le kharedjisme, et même, de nos jours, on y trouve deux branches de cette secte hérétique. L'une, qui est ouehbite, occupe la moitié occidentale de l'île et a pour chefs les Beni-Semoumen; l'autre est nekkarite et habite la moitié orientale. La seule famille marquante est celle des Semoumen, son autorité étant reconnue également par les deux parties.

Lors de la conquête musulmane, Djerba fut soumis par Roweife-Ibn-Thabet, chef qui appartenait à la famille ansarienne des Beni-Mélek-Ibn-en-Neddjar et à la colonie militaire arabe

1 Elle en a vingt ou vingt-cinq tout au plus.

2 Le texte arabe porte à l'Ouest.

C'est ce qu'on appelle des haïcs.

Roweifé-Ibn-Thabet fut un des compagnons de Mahomet. Après avoir effectué la conquête de Tripoli en l'an 45 (665-6), il fut nommé émir de Barca, dans le Cyrénaïque, et il mourut dans cette ville.

établie en Egypte (djond Misr). En l'an 46 (666-7), il reçut du khalife Moaouïa le gouvernement de Tripoli [d'Afrique] et, ayant envahi ce pays, il s'empara de Djerba l'année suivante. HanechIbn-Abd-Allah-es-Sanani [de Sanâ en Yemen] assista à cette conquête. Rouaïfâ se retira ensuite à Barca où il mourut.

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Djerba resta entre les mains des vrais croyants jusqu'à l'époque où le kharedjisme fut introduit parmi les Berbères. En l'an 331 (942-3), pendant la révolte d'Abou-Yezîd, les Kharedjites y pénétrèrent de vive force et imposèrent leurs croyances aux habitants, après avoir tué et mis en croix leur chef, Gueldîn. El-Mansour-Ismail [le fatemide] reprit l'île et y fit mourir les partisans d'Abou-Yezîd.,

Quand les Arabes eurent enlevé aux Sanhadja [Zîrides] les plaines de l'Ifrîkïa, les habitants de Djerba se mirent à construire des navires et à insulter les régions maritimes [de l'Ifrîkïa]. En l'an 509 (1445-6), la flotte d'Ali-Ibn-Yahya [le souverain zîride] les obligea à rentrer dans l'ordre et à renoncer aux habitudes de piraterie qu'ils avaient contractées.

En l'an 529 (1134-5) les Chrétiens [de la Sicile] occupèrent Djerba, après avoir subjugué le littoral de l'Ifrikia. Chassés en 548 (1153-4) par un soulèvement des habitants, ils y rentrèrent de nouveau, emmenèrent en csclavage beaucoup de monde et y établirent des agents chargés d'administrer les gens du peuple et les cultivateurs. Plus tard, l'île de Djerba retomba au pouvoir des musulmans et continua à subir alternativement leur domination et celle des chrétiens jusqu'à ce qu'elle passa sous l'autorité d'Abd-el-Moumen et des Almohades. La tranquillité s'y maintint jusqu'à l'établissement de la dynastie hafside. Quelques désordres y éclatèrent plus tard, quand l'émir Abou-Zékérïa, fils du sultan Abou-Ishac [[er] s'étant emparé [de Bougie et] des provinces occidentales de l'empire, détourna ainsi [de cette île] l'attention du souverain de Tunis.

Voy. t. 1. p. 221, note.

2 Compagnon de Mahomet et traditioniste. Son nom est cité par ElKelaï dans son histoire de la conquête de l'Égypte par les Musulmans.

1

En l'an 688 (1289) les Siciliens prirent encore possession de Djerba et y bâtirent le château nommé El-Cachetil. Cet édifice est de forme carrée, avec une tour à chaque angle et une tour au milieu de chaque courtine. Le tout est entouré d'une double muraille et d'un fossé. L'existence d'une telle forteresse dans le voisinage des musulmans les tint dans des inquiétudes continuelles, et le gouvernement de Tunis ne cessa d'expédier des troupes pour l'attaquer; enfin, Makhlouf-Ibn-el-Kemad, officier du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, s'en rendit maître en 738 (1337-8).

Sur la prière d'Ibn-Mekki, seigneur de Cabes, cette île lui fut remise, et elle continua, même après la mort dù sultan, à faire partie de ses états.

En l'an 763 (1361--2), Ibn-Tafraguîn, toujours hostile à IbnMekki et encouragé par les habitants de l'île, qui étaient mécontents de leur chef, rappela son fils Abou-Abd-Allah, qui se trouvait à Bougie avec le sultan, et l'envoya contre Djerba à la tête d'une armée. Ahmed-Ibn-Mekki était alors à Tripoli, ville où il avait établi le siége de son gouvernement quand il la racheta des chrétiens.

L'armée tunisienne, secondée par une flotte qui partit de la capitale en même temps qu'elle, pénétra dans l'île, mit le siége devant El-Cachetil et finit par s'en emparer. Le vainqueur y établit l'autorité du sultan et laissa comme gouverneur son secrétaire, Mohammed-Ibn Abi -'l- Cacem-Ibn-Abi-'lOïoun, ancien serviteur de l'empire.

Le père de ce fonctionnaire était parent du chambellan IbnAbd-el-Aziz et dut son avancement à cette circonstance. Nommé adjoint d'Abou-'l-Cacem-Ibn-Taher, directeur des finances à Tunis, il en devint lui-même directeur en chef, lors de la mort de celui-ci, événement qui eut lieu sous l'administration d'AbouMohammed-Ibn-Tafraguin. Son fils, Mohammed, entra au ser vice d'Abou-Abd-Allah, fils d'Ibu-Tafraguîn, en qualité de secrétaire et resta dans l'exercice de cet emploi jusqu'à sa nomination au gouvernement de Djerba. Abou-Abd-Allah reprit alors la route de la capitale.

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Après la mort du chambellan Ibn-Tafraguîn et la fuite de son fils, leur créature, Ibn-Abi-'l-Cacem, qui avait toujours conservé le gouvernement de Djerba, s'y déclara indépendant; mais, en l'an 774 (4372-3), il perdit son autorité usurpée, ayant été vaincu par le sultan Abou-'l-Abbas.

RETOUR DES PRINCES HAFSIDES QUE LES MÊRINIDES AVAIENT DÉPORTÉS
EN MAGHREB.
LE SULTAN ABOU-'L-ABBAS S'EMPARE DE CONS-

TANTINE.

Après la mort d'Abou-Einan, le vizir El-Hacen-Ibn-Omar prit la direction des affaires et plaça sur le trône du Maghreb Mohammed-es-Saîd, fils du monarque décédé. Animé d'une haine profonde contre [ le prince hafside] Abou-Abd-Allahr, ex - seigneur de Bougie, il le fit emprisonner, pour l'empêcher, disait-il, de tenter un coup de main contre cette ville.

Quant au sultan Abou-'l-Abbas, nous avons déjà mentionné qu'Abou - Einan l'avait fait reléguer dans Ceuta pour y être gardé à vue.

Mansour - Ibn - Soleiman, prince de la famille royale des Mérindes, profita de la mort du sultan pour mettre le siége devant la Ville-Neuve, centre de l'administration du Maghreb, et se fit reconnaître comme sultan par toutes les provinces de l'empire. Sur son invitation, le prince Abou-'l-Abbas se mit en route pour aller le joindre, mais, arrivé à Tanger, il s'attacha au prince mérinide, Abou-Salem, qui était arrivé d'Espagne afin de faire valoir ses droits au trône et qui venait d'occuper cette ville ainsi que Ceuta. Secondé par les Merinides. qui tous abandonnèrent le parti de Mansour-Ibn-Soleiman, le sultan Abou-Salem consolida son autorité, fit son entrée à Fez et mit en liberté l'émir Abou-Abd-Allah. Se rappelant alors les bons services d'Abou-'l-Abbas et les preuves d'amitié qu'il avait toujours reçues de ce prince, il lui assigna la première place à la cour, avec une forte pension, et promit de l'aider dans

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