Images de page
PDF
ePub

tiens de la Sicile, et [George, fils de] Michel d'Antioche, amiral du roi Roger, était parvenu à l'enlever aux Beni-Khazroun1, vers l'époque où cette dynastie maghraouienne et la dynastie sanhadjienne [des Zîrides] allaient succomber. Reprise par Ibn-Matrouh, la ville de Tripoli passa sous la domination des Almohades et tomba plus tard au pouvoir d'Ibn-Thabet. Vers l'an 750 (1349-50), ou quelque temps après, le fils d'Ibn-Thabet y exerça le commandement. Sous l'administration de ce chef, Tripoli ne reconnaissait plus l'autorité de la capitale, bien que la prière publique s'y fit toujours au nom du souverain almohade [hafside].

Les négociants génois qui avaient l'habitude de s'y rendre, découvrirent alors les endroits faibles de la place et formèrent le projet de la surprendre. En l'an 755 (1354), ils vinrent y débarquer, comme ils en étaient convenus, et se répandirent dans les rues pour suivre leurs occupations ordinaires; puis, au milieu d'une nuit obscure, ils montèrent sur les remparts et devinrent maîtres de la ville. Revêtus de leurs armes, ils poussèrent leur cri de guerre ; et les habitants, réveillés en sursaut et voyant leurs fortifications au pouvoir de l'ennemi, ne pensèrent qu'à la fuite. Leur gouverneur, Thabet-Ibn-Omar, courut se refugier au milieu des Djouari, population qui campait alors dans le territoire tripolitain. Les Djouari sont une fraction des Debbab, Arabes soleimides. Au lieu de la protection qu'il espérait trouver parmi ces nomades, il rencontra la mort, et cela parce qu'il avait versé, à une autre époque, le sang d'un individu de cette tribu. Ses frères parvinrent à atteindre Alexandrie.

Les chrétiens mirent la ville au pillage, et ils avaient déjà rempli leurs navires de meubles, d'effets de toute nature, d'objets de prix et de captifs quand Abou-'l-Abbas-Ibn-Mekki, seigneur de Cabes, espéra racheter la ville et entra en pourparlers avec eux. Comme ils lui en demandaient cinquante mille pièces d'or,

1 Dans un autre chapitre de ce volume on trouvera l'histoire de cette famille.

il envoya emprunter cette somme à Abou-Einan, sultan du Maghreb, en promettant de lui laisser le mérite d'avoir fait une si bonne action. Pressé ensuite par les chrétiens qui s'impatientaient d'attendre, il réunit tous ses trésors, et, pour compléter la somme, il s'adressa aux habitants de Cabes, d'El-Hamma et du Djerîd. Le désir de plaire à Dieu et de faire une bonne œuvre décida ces gens charitables à lui fournir ce qui lui manquait. Ayant racheté la ville, il y établit son autorité et en fit disparaître les souillures de l'infidélité.

Quelque temps après, le sultan Abou-Einan lui envoya de l'argent pour rembourser ce qu'il avait emprunté, en déclarant qu'il lui laisserait tout l'honneur du rachat. La plupart de ceux qui avaient prêté leur argent à Ibn-Mekki en refusèrent le remboursement, de sorte que presque toute la somme resta entre les mains d'Ibn-Mekki. Ce chef continua à gouverner Tripoli jusqu'à

sa mort.

INAUGURATION DU SULTAN ABOU-'L-ABBAS A CONSTANTINE.

[ocr errors][merged small]

L'émir Abou-Zeid avait été désigné par son grand-père, le khalife Abou-Yahya-Abou-Bekr, comme héritier du trône en cas de la mort du son père, l'émir Abou-Abd-Allah. Établi à Constantine, il réunit autour de lui tous ses frères, et, dans le nombre, Abou-'l-Abbas[-Ahmed], maintenant émir des Croyants et chef unique de la dynastie hafside. Depuis le moment où AbouYahya-Abou-Bekr cessa de vivre, tout le monde regardait ces princes comme les véritables héritiers du khalifat: et l'on assure qu'Abou-Hadi, l'ascète le plus illustre de l'époque et un de ces saints personnages auxquels la divinité se plaît à dévoiler l'avenir, s'était écrié un jour, en les voyant tous venir demander sa bénédiction, selon l'usage suivi par leurs ancêtres à l'égard des hommes favorisés de Dieu : « La faveur divine se manifestera au >> milieu de ces dix jeunes gens. » Les devins et les astrologues avaient également annoncé l'envoi de cette grâce, et, d'après

certains indices et signes qu'ils découvrirent en Abou-'l-Abbas, ils crurent reconnaître qu'entre ces dix frères la fortune et la puissance lui étaient spécialement réservés.

En l'an 753 (1352), Abou-Zeid leva le siége de Tunis et partit pour Cafsa. Ayant alors appris que le sultan Abou-Einan s'était avancé jusqu'à la frontière de Bougie, il prit la résolution de rentrer à Constantine, sa capitale. A cette occasion ses alliés arabes, les Mohelhel, ainsi que ses autres partisans, et même IbnMekki, seigneur de Cabes, le prièrent de mettre à leur tête un de ses frères, afin d'avoir un chef ostensible sous les ordres duquel ils pourraient reprendre le siége de Tunis. Il accueillit cette demande favorablement et leur envoya son frère Abou-'l-Abbas 2. Ce prince, accompagné de son frère germain, Abou-Yahya[-Zékérïa], passa de cette manière chez les Arabes, et alla se fixer à Cabes.

Quand Mohammed-Ibn-Thabet, seigneur de Tripoli, envoya une flotte contre Djerba, [qui appartenait alors à Ibn-Mekki], l'émir Abou-'l-Abbas, accompagné de ses gens de guerre, passa à gué le canal qui sépare cette île du continent, fit lever le siége du château et força les troupes d'Ibn-Thabet à s'éloigner. Rentré à Cabes, il rassembla les Aulad-Mohelhel, marcha sur Tunis et y mit le siége; mais, voyant, au bout de quelques jours, que la ville pourrait résister très-longtemps, il passa dans les provinces djeridiennes.

En l'an 755 (1354), il envoya son frère, Abou-Yahya-Zékérïa, auprès du sultan [Abou-Einan] pour solliciter son appui [dans la guerre qu'il faisait au gouvernement de Tunis]. Ce jeune prince fut accueilli avec une haute distinction, et reçut un cadeau magnifique et la promesse d'un prompt secours. Ayant alors repris la route de son pays, il visita, en passant, le chambellan Ibn-AbiAmr, qui venait de lever le siége de Constantine. Parvenu enfin jusqu'au lieu de sa résidence, à l'autre extrêmité de l'Ifrikïa, il

1 Voy. ci-devant p. 45.

Voy. p. 46 de ce volume.

Y retrouva son frère et lui prêta un concours actif afin de faire valoir leurs droits.

Sur ces entrefaites, Khaled-Ibn-Hamza, chef des Aulad-Abi'l-Leil [kaoubiens], se brouilla avec Ibn-Tafraguîn, le tout-puissant ministre de Tunis. Celui-ci renonça alors au soutien que lui donnait cette famille et appela à son service les Aulad-Mohelhel, rivaux héréditaires des Aulad -Abi-'l-Leil. Khaled passa aussitôt du côté du sultan Abou- l-Abbas et marcha avec lui contre Tunis. Ce fut en l'an 756 qu'ils mirent le siége devant cette capitale ; mais la résistance qu'ils éprouvèrent leur fit prendre le parti de s'en aller.

Abou-l-Abbas reçut alors de son frère Abou-Zeid l'invitation de venir à son secours afin de repousser l'armée mérinide qui, augmentée de nombreux renforts, tenait Constantine étroitement bloquée. Il répondit à cet appel et, soutenu par Khaled et les Aulad-Abi-'l-Leil, [il dégagea la ville]. Abou-Zeid partit alors avec Khaled pour assiéger Tunis, et confia le gouvernement de sa capitale à son frère qui l'avait si bien servi.

Abou-'l-Abbas, étant entré dans Constantine, alla s'installer dans le palais impérial. Au bout de quelque temps, ses partisans remarquèrent que les alentours de la ville se remplissaient de troupes mérinides; s'attendant aussi à voir l'armée de Bougie arriver pour les attaquer, ils invitèrent le prince à usurper le trône, en l'assurant qu'il pourrait alors défendre la place avec plus d'effet. Il y donna son consentement et fut proclamé sur le champ. Ceci sé passa en l'an 755 (1354).

Abd-Allah-Ibn-Ali, gouverneur de Bougie, attaqua Constantine la même année et renouvela sa tentative en l'an 757. Il avait même dressé ses catapultes pour battre la ville quand le bruit se répandit qu'Abou-Einan venait de mourir. A cette nouvelle il leva son camp et partit précipitamment, ainsi que nous l'avons déjà dit '.

L'émir Abou-Zeid, secondé par Khaled, dirigea ses efforts

Ci-devant, page 51.

contre Tunis, mais il y trouva une telle résistance qu'il reprit le chemin de sa capitale. Ayant alors eu connaissance de l'usurpation de son frère, il changea de route et se rendit à Bône. De là il écrivit à Ibn-Tafraguîn, lui demandant l'autorisation de se fixer à Tunis, et s'engageant à lui remettre la ville où il se trouvait alors. Cette proposition fut agréée; Bône passa sous l'autorité du sultan Abou-Ishac, oncle d'Abou-Zeid, et celui-ci se rendit à Tunis où un beau logement, une forte pension et de riches cadeaux lui furent réservés.

DÉFAITE DE MOUÇA-IBN-IBRAHIM.

CONSTANTINE [ET DE TUNIS].

ABOU-EINAN S'EMPARE DE
AUTRES ÉVÉNEMENTS.

Le sultan Abou-'l-Abbas ayant établi son autorité à Constantine et repoussé l'armée mérinide qui était sortie de Bougie pour l'attaquer, fournit aux peuples voisins un nouvel indice de la haute fortune à laquelle on le croyait destiné. Pénétrés de cette conviction, les Aulad - el - Mehdi - Ibn - Youçof, chefs des Sedouîkich, vinrent l'inviter à marcher contre Mouça-IbnIbrahîm dont les troupes étaient postées à Beni-Baurar; ils lui donnèrent, en même temps, l'assurance d'être soutenu par Meimoun-Ibn-Ali-Ibn-Ahmed [chef douaouidien], qui s'était brouillé avec son frère Abou-Dinar-Yacoub-Ibn-Ali, partisan dévoué des Mérinides. Abou-'l-Abbas y consentit et fit partir avec eux son frère Abou-Yahya-Zékérïa, qui emmena les troupes sous ses ordres. Les Mérinides, surpris au point du jour par des masses de cavalerie qui débouchaient de tous les côtés, montèrent à cheval et marchèrent au combat. Leur progrès fut bientôt arrêté; le désordre se mit dans leurs rangs pendant qu'ils opéraient leur retraite, et ils se virent bientôt entourés par l'ennemi. Mouça-Ibn-Ibrahîm fut criblé de blessures; ses fils Zian et Abou'1-Cacem furent tués avec tous leurs gens, lions dans la mêlée, héros dans les conflits, ils succombèrent avec une foule de camarades aussi braves qu'eux. Le reste de l'armée s'enfuit en abandonnant camp et bagages, et fut poursuivi, l'épée dans les reins,

« PrécédentContinuer »