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Ottou, oncle de celui-ci, arrivât du Djerîd. A Mohammed-Ibnes-Chaouch, un de ses intimes, il confia le commandement de l'armée et l'administration de la guerre. Son ami et partisan, Abou-'l-Leil-Fetîta-Ibn-Hamza, parvint à exercer sur lui une influence extraordinaire et choqua tous les courtisans par l'extravagance de ses prétentions. On réussit, toutefois, à indisposer le sultan contre lui et à obtenir que ce chef fût remplacé [dans le commandement des Kaoub] par son frère Khaled. Ce fut pour opérer cette mutation qu'El-Fadl confia au cheikh Abou-'lCacem-Ibn-Ottou les fonctions de chambellan et la direction affaires de l'empire.

Alors ce ministre quitta Souça et, étant venu débarquer à Tunis, il annula les engagements pris envers Abou-'l-Leil et lui opposa comme rival Khaled-Ibn-Hamza, dont il s'était assuré l'appui. Abou-'l-Leil parvint1 à traverser la nomination de son frère en gagnant de nouveau la faveur du sultan. Il fit alors destituer Ibn-es-Chaouch qui fut envoyé à Bône pour y prendre le commandement de la garnison. Ces intrigues jetèrent le brandon de la discorde entre Abou-'l-Leil et Khaled; elles faillirent même briser le bon accord qui avait subsisté jusqu'alors entre les deux frères. Pendant qu'ils soufflaient, chacun de son côté, les étincelles de la guerre et qu'ils rassemblaient leurs partisans et amis, voilà qu'Omar, leur frère aîné, revint du pèlerinage, accompagné d'Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguîn.

Quand Ibn-Tafraguîn s'enfuit de Tunis à Alexandrie, le sultan Abou-'l-Hacen invita le gouvernement égyptien à le faire emprisonner; mais le régent Beibogharous, émir tout puissant, prit le fugitif sous sa protection et le laissa partir pour la Mecque. Pendant les cérémonies du pèlerinage, vers la fin de l'an 750, Ibn-Tafraguîn y rencontra Omar-Ibn-Hamza et contracta avec lui l'engagement de se soutenir mutuellement et de rentrer en Ifrîkïa. A leur retour, ils trouvèrent les troupes de Khaled et celles d'Abou-'l-Leil rangées en ordre de bataille et prêtes à s'attaquer.

Dans le texte arabe, il faut lire farésahom avec un sad.

pan de

Omar leur fit aussitôt signe de s'arrêter en secouant le son manteau, et, ayant rejoint ses frères, il parvint à les mettre d'accord et à effacer de leurs cœurs tout sentiment d'animosité.

Ibn-Tafraguin et les trois fils de Hamza tramèrent alors la chute d'El-Fadl et, pour en assurer l'exécution, un message fut envoyé à ce prince de la part d'Abou-'l-Leil-Fetîta, pour lui exprimer son désir de rentrer en grâce. A la suite de cette communication, qui avait été accueillie favorablement, le sultan fut invité à remplacer Ibn-Ottou par Ibn-Tafraguin, ex-chambellan et premier ministre de son père. Cette proposition fut repoussée, et le lendemain, au point du jour, on vit toute la tribu de ces chefs campée sous les murs de Tunis. Les conjurés transmirent alors au sultan l'invitation de passer chez eux afin de régler le différend à l'amiable, et, au moment où il sortit de la ville, ils l'entourèrent de tous côtés et le conduisirent au camp.

Ibn-Tafraguîn reçut alors des chefs arabes l'autorisation d'entrer dans Tunis, et le 14 de Djomada premier 751 (juillet 1350), il se rendit à la maison d'Abou-Ishac-Ibrahîm, fils du feu sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr. A force de promesses et de serments, il décida la mère du jeune prince à le lui confier, et, l'ayant conduit au palais, il le plaça sur le trône du khalifat et fit venir toutes les classes de la population pour lui prêter le serment de fidélité. Cette inauguration terminée, Abou-Ishac, qui avait à peine l'âge de puberté, reçut les hommages des Kaoub et ordonna l'emprisonnement de son frère El-Fadl que l'on avait amené devant lui. Vers le milieu de la même nuit, El-Fadl fut étranglé dans sa prison.

Le chambellan Ibn-Ottou resta caché toute la journée dans un recoin de la ville, mais vers le soir, un accident le fit découvrir. Mis aussitôt à la question, il mourut dans les tourments.

Les gouverneurs des provinces firent prêter le serment de fidélité à leurs administrés, par ordre supérieur; et Ibn-Yemloul, seigneur de Touzer, envoya son adhésion au nouveau gouvernement, avec les impôts et les cadeaux d'usage. Les seigneurs de Nefta et de Cafsa suivirent cet exemple, mais Ibn-Mekki fut tellement indigné de voir Ibn-Tafraguîn tenir le nouveau sultan

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en tutelle qu'il se mit à faire des courses sur le territoire de

l'empire.

LE SEIGNEUR DE CONSTANTINE MARCHE SUR TUNIS.
EST NOMMÉ CHAMBELLAN.

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L'usurpation d'Ibn-Tafraguîn, qui s'était emparé du gouvernement de l'état en proclamant khalife le prince Abou-Ishac, causa un vif mécontentement aux autres chefs et déplut extrêmement à Abou-'l-Abbas-Ibn-Mekki. Déjà, pendant le règne du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, il voyait d'un œil jaloux la haute fortune de ce ministre; maintenant, il se décida à ne rien épargner pour la renverser. Les Mohelhel, rivaux de la famille d'Abou-'l-Leil dans le commandement des Kaoub, lui offrirent leur appui à cause de la préference qu'Ibn-Tafraguîn accordait à leurs concurrents. S'étant alors confédérés avec les Hakîm, branche des Allaf, ils firent des incursions dans les provinces et envoyèrent une députation à Constantine afin d'inviter l'émir Abou-Zeid, seigneur de cette ville et des contrées voisines, à envahir l'Ifrîkïa et arracher le royaume de ses ancêtres aux mains d'un usurpateur. Ce prince consentit à les seconder et leur fournit deux corps de troupes, l'un commandé par l'affranchi Meimoun, et l'autre par l'affranchi Mansour-el-Djahel. Yacoub-Ibn-Ali se joignit à eux avec ses Douaouida.

Afin d'arrêter le progrès de ces bandes qui marchaient sur la capitale, Ibn-Tafraguîn envoya contre elles une armée commandée par Abou-'l-Leil et dirigée par Mocatel, affranchi du sultan. Dans la bataille qui s'ensuivit et qui eut lieu l'an 752 (1354), dans le pays des Hoouara, l'armée d'Abou-'l-Leil essuya une défaite et perdit son chef qui mourut de la main de YacoubIbn-Soheim, cheikh des Hakîm et membre de la famille d'ElCos. Pendant que les fuyards couraient se réfugier dans Tunis, les Aulad-Mohelhel et les troupes de Constantine se mirent à percevoir l'impôt dans le territoire des Hoouara, où rien ne s'opposait à leurs progrès, et ils s'avancèrent jusqu'à Obba avant

de reprendre le chemin de Constantine. Khaled-Ibn-Hamza, frère d'Abou-'l-Leil-Fetîta, prit alors le commandement des Kaoub.

Pendant que ces événements se passaient, Ibn-Mekki avait écrit de Cabes, siége de son gouvernement, pour annoncer à Abou-Zeid, seigneur de Constantine, qu'il allait, non-seulement se rendre auprès de lui, mais qu'il lui fournirait des troupes et de l'argent et qu'il se chargerait de la solde des Arabes. Quand la saison des pluies fut passée, il se mit en route avec les Aulad-Mohelhel et se présenta devant Abou-Zeid. Cette démarche lui valut la dignité de chambellan. Dans le mois de Safer 753 (mars-avril 1352), quand les troupes de Constantine furent encore réunies et bien pourvues d'approvisionnements, elles entrèrent en campagne.

Ibn-Tafraguîn plaça alors son sultan Abou-Ishac à la tête d'une armée parfaitement équipée et l'envoya contre l'ennemi. AbouAbd-Allah-Mohammed-Ibn-Nizar ', membre du corps des légistes et l'un des principaux hommes de plume, fut nommé au ministère de la guerre. C'était lui qui avait enseigné l'écriture et la lecture du Coran aux princes de la famille royale, ainsi que nous l'avons dit précédemment. Les deux armées se rencontrèrent à Mermadjenna et engagèrent un combat qui amena la déroute des troupes tunisiennes. Leur ligne de bataille ayant été enfoncée, elles se dispersèrent de tous côtés, et ce ne fut qu'à la nuit tombante qu'elles purent se soustraire aux coups d'un adversaire qui s'acharnait à leur poursuite. Le sultan accourut auprès de son chambellan à Tunis, et s'y vit bientôt assiégé par l'armée d'Abou-Zeid. Après une lutte de quelques jours, pendant lesquels la garnison fit une vigoureuse résistance, les troupes de Constantine levèrent le siége et se rendirent à Cafsa en passant par Cairouan.

1 C'est à tort que le texte arabe, tant des manuscrits que de l'imprimé, ajoute ici le mot ibnahou (son fils).

2 Voy. ci-devant, p. 26.

La nouvelle se répandit alors qu'Abou-Einan, sultan du Maghreb-el-Acsa, s'était emparé du Maghreb central et qu'il allait quitter Médéa, avec l'intention d'envahir l'Ifrîkïa. On apprit aussi à Tunis qu'Abou-Abd-Allah, seigneur de Bougie, auquel Ibn-Tafraguîn avait inspiré la pensée de prendre les armes et d'envahir la province de Constantine pendant l'absence d'AbouZeid, avait rebroussé chemin en toute hâte, pour éviter la rencontre des Mérinides. Les environs de cette ville eurent beaucoup à souffrir de la tentative d'Abou-Abd-Allah: partout les champs. ensemencés avaient été dévastés et les plaines ravagées par sa cavalerie légère.

L'émir Abou-Zeid se décida alors à regagner le siége de son gouvernement, et, comme les Aulad-Mohelhel l'avaient prié, d'après les conseils d'Ibn-Mekki, de laisser avec eux un de ses frères pour leur servir de chef et de centre de ralliement, il plaça à leur tête le prince Abou-'l-Abbas. Toute la tribu prêta le serment de fidélité à leur protégé qui resta, dès-lors, parmi les Arabes, ainsi que son frère germain Abou-Zékérïa, jusqu'à ce qu'il lui survint des affaires dont nous aurons bientôt à parler. Cet arrangement terminé, l'émir Abou-Zeid s'empressa de quitter Cafsa et de revenir à Constantine. Il y arriva dans le mois de Djomada de la même année (juin-juillet 1352).

ABOU. EINAN REÇOIT LA VISITE DU PRINCE DE BOUGIE ET LE RETIENT
PRISONNIER.
IL S'EMPARE DE BOUGIE ET CHERCHE A RÉDUIRE
CONSTANTINE.

Pendant que les princes hafsides habitaient Nedroma et Oudjda, où le sultan Abou-'l-Hacen les avaient rélégués, une amitié fondée sur la jeunesse, la haute naissance et la parenté des deux parties s'établit entre Abou-Einan qui commandait alors à Tlemcen, et l'émir Abou-Abd-Allah. Dès-lors, celui-ci montra un grand penchant pour les Mérinides, et ce fut à cause de cette liaison qu'il recouvra le trône de Bougie. Quand le navire qui transporta le sultan Abou-'l-Hacen de Tunis en Maghreb passa

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