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naient l'animosité entre cette tribu et celle des Abd-el-Ouad. Vaincus enfin par leurs adversaires, les Maghraoua perdirent leurs états, et leur chef, Rached-Ibn-Mohammed, passa chez les Zouaoua où il mourut assassiné1. Après le désastre de Cairouan, les Maghraoua se rallièrent autour de leur émir, Ali, fils de Rached, et quittèrent l'Ifrikïa pour rentrer dans leur pays. Les Abd-el-Ouad, dont la contrée des Maghraoua avait formé un des états, n'avaient pas alors les moyens de soumettre encore leurs adversaires; aussi se bornèrent-ils à ratifier le traité de paix qu'ils venaient de conclure avec eux. Les deux peuples s'engagèrent à vivre en bonne intelligence et à se soutenir mutuellement contre [le sultan mérinide,] leur ennemi commun, et ils demeuraient assez paisibles pendant quelque temps, bien que l'esprit de haine et de vengeance palpitât encore dans leurs

cœurs.

Quand Abou-Thabet marcha contre En-Nacer, qui avait quitté l'lfrîkïa, il fut très-mécontent de voir qu'Ali-Ibn-Rached et les Maghraoua préféraient rester chez eux que de lui venir en aide, et il se promit bien de les en faire repentir. Peu de temps après, les deux tribus réunirent leurs forces contre Abou-'l-Hacen et le repoussèrent dans le Maghreb. Alors, Abou-Thabet crut avoir trouvé le moment de châtier cette tribu, ennemi moins redoutable que celui dont il se trouvait débarrassé. Pendant qu'il cherchait un prétexte pour lui déclarer la guerre, il apprit que plusieurs individus, appartenant à la famille maghraouienne des Beni-Kemi, devaient venir à Tlemcen pour l'assassiner. Cette nouvelle le remplit d'une telle indignation qu'il prépara une expédition contre les Maghraoua, et, vers le commencement de l'an 752 (mars 1351), il se mit à la tête de son armée et quitta Tlemcen.

Ayant opéré sa jonction avec les Zoghba, les Beni-Amer et les

1 Ci-devant, p. 322.

2 Il y a ici une faute de grammaire dans le texte arabe des manuscrits et de l'imprimé.

Soueid qu'il avait appelés sous ses drapeaux et qui venaient au devant de lui avec leurs cavaliers, leurs fantassins, leurs femmes et leurs chameaux, il marcha contre les Maghraoua et les poursuivit jusqu'à la montagne qui domine Ténès. Après les y avoir bloqués pendant quelques jours et livré plusieurs combats, il décampa pour parcourir les environs de cette ville et réduire tout ce pays sous son autorité. Milîana, Médéa, Brechk et Cherchel tombèrent en son pouvoir; Alger fut investi et assiégé. Cette forteresse renfermait un débris de l'armée mérinide et avait pour gouverneur Ali-Ibn-Said-Ibn-Adjana, aux soins duquel le sultan Abou-'l-Hacen avait confié son fils Abd-Allah, qui était encore dans l'enfance. Abou-Thabet s'empara de la place, embarqua la garnison pour le Maghreb et reçut la soumission des Thâleba, des Melikich et des Hosein.

Ayant chargé Said, fils de Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi, du commandement d'Alger, il renvoya ses alliés arabes dans leurs quartiers d'hiver et revint à la montagne où les Maghraoua s'étaient réfugiés. Le blocus qu'il y établit fut tellement rigourenx que leurs bestiaux, tourmentés par la soif, se précipitèrent en masse vers le pied de la montagne pour chercher de l'eau; et, pendant le désordre, Ali-Ibn-Rached parvint à se réfugier dans Ténès. Cette ville fut prise d'assaut, vers le milieu de Chaban 752 (octobre 1354), après un siége de quelques jours, et Ali-Ibn-Rached hâta de sa propre main le terme de sa vie.

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A la suite de cette défaite, les Maghraoua se dispersèrent parmi les autres tribus, et Abou-Thabet se remit en marche pour Tlemcen.

ABOU-EINAN S'EMPARE DE TLEMCEN.

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LA DYNASTIE ABD-EL-QUADITE SUCCOMBE POUR LA SECONDE FOIS.

Le sultan Abou-'l-Hacen étant rentré en Maghreb, eut une

Dans le texte arabe, il faut supprimer la préposition ala et lire min sala 'l-djebel.

T.I.

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rencontre avec les troupes de son fils, Abou-Einan, et alla mourir sur la montagne des Hintata, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Mérinides. Abou-Einan devint ainsi souverain du Maghreb entier; et, trouvant le loisir de combattre les ennemis. qui lui restaient, il prit la résolution d'enlever aux usurpateurs les royaumes conquis [et perdus] par son père. Il avait déjà reçu d'Ali-Ibn-Rached, qui était alors assiégé dans la montagne de Ténès, l'invitation d'intercéder pour lui auprès d'AbouThabet, et ce fut avec un mécontentement extrême qu'il vit repousser ses démarches en faveur du chef maghraouien. Ayant ensuite appris la triste fin de cet émir, il forma le projet d'une expédition contre Tlemcen.

Son intention fut bientôt connue d'Abou-Saîd et d'AbouThabet; aussi, vers le milieu du mois de Dou-'l-Câda (décembrejanv. 1354-2), celui-ci passa chez les tribus zenatiennes et arabes afin de lever des troupes. Ayant établi son camp sur le bord du Chelif, il rassembla autour de son drapeau une foule de partisans ; et, dans le mois de Rebiâ [1 er] 753 (avril-mai 1352), pendant qu'il y était encore, il reçut les hommages des habitants de Tedellis, ville que Djaber-el-Khoraçani, client de la famille royale des Abd-el-Ouad, venait d'enlever à la domination hafside. Il n'avait pas encore levé son camp, quand il apprit que le sultan Abou-Einan s'était mis en campagne. A cette nouvelle, il partit pour Tlemcen d'où il se dirigea vers le Maghreb. Son frère, Abou-Said, le suivit de près à la tête d'une armée zenatienne. Dans le nombre des troupes commandées par AbouThabet, on remarquait les Beni-Amer, tribu zoghbienne et une fraction des Soueid. La majeure partie de cette dernière tribu était passée en Maghreb pour soutenir les Mérinides, parce que son chef, Arîf-Ibn-Yahya, et Ouenzemmar, fils de celui-ci, s'étaient toujours montrés favorables à cette nation.

Pendant que l'armée de Tlemcen s'avançait en ordre de bataille, Abou-Einan marchait contre elle à la tête des Zenata du Maghreb, des Arabes makiliens, des contingents masmoudiens, des divers corps de la milice et des troupes levées dans les autres tribus. Vers la fin de Rebia second de l'an 753 (milieu

de juin), les deux armées se trouvèrent en présence à Angad, localité de la plaine d'Oudjda. Les Abd el- Ouad avaient formé le projet de tomber sur le camp mérinide à l'heure du midi, quand les soldats se seraient dispersés à droite et à gauche pour leurs divers besoins, après avoir dressé leurs tentes et abreuvé leurs montures. Peu s'en fallut que cette tentative ne réussit les Mérinides n'eurent pas le temps de se mettre en ordre de bataille et ils reculaient dans le plus grand désordre quand Abou-Einan, voulant faire un dernier effort pour ramener la fortune, monta à cheval, rallia quelques soldats de divers corps, chargea sur l'ennemi et le mit en pleine déroute.

Les Abd-el-Ouad continuèrent à fuir devant les Mérinides jusqu'à l'entrée de la nuit, et même alors, ils perdirent AbouSaid qui fut pris et conduit devant Abou-Einan. Ce monarque lui adressa des reproches et des insultes, en présence des grands officiers du royaume mérinide, et le fit alors conduire en prison. Dans la neuvième nuit de sa captivité, Abou-Saîd fut mis à mort.

Son frère Abou - Thabet - ez-Zaïm opéra sa retraite avec les débris de l'armée; et, sachant qu'Abou-Einan continuait sa marche sur Tlemcen, il se dirigea du côté de Bougie avec l'intention de se mettre sous la protection des Hafsides. Il avait déjà fait une partie du chemin, quand sa petite troupe fut attaquée de nuit par les Zouaoua, et il dut s'enfuir du camp à pied et sans habits. Le lendemain, il ne lui restait pour compagnons que son neveu Abou-Zîan-Mohammed, fils du sultan Abou-Saîd, son neveu Abou-Hammou-Mouça, fils de son frère Youçof, et son vizir, Yahya-Ibn-Dawoud-Ibn-Megguen. Comme AbouEinan avait fait avertir le seigneur de Bougie, Abou-Abd-Allah, petit-fils du sultan Abou-Yahya -Abou-Bekr, d'employer la plus grande vigilance afin d'intercepter la retraite aux fugitifs, on se mit à leur recherche et l'on parvint à arrêter, aux environs de Bougie, l'émir Abou-Thabet, son neveu Mohammed et le vizir Ibn-Dawoud.

On les conduisit dans la ville et, bientôt après, l'émir AbouAbd-Allah se mit en marche et les emmena avec lui, afin de les

livrer au sultan mérinide qui était alors campé sous les murs de Médéa '.

Aussitôt qu'Abou-Einan reçut ces prisonniers, il reprit la route de Tlemcen, après avoir comblé Abou-Abd-Allah d'égards et de remercîments. Il fit son entrée dans cette ville au milieu d'une foule immense; et, pendant qu'il traversait la double haie de spectateurs qui remplissaient les rues, il se fit suivre par Abou-Thabet et le vizir Ibn-Dawoud, montés chacun sur un chameau à la démarche vacillante. Ce spectacle fit sur le public une impression profonde. Le surlendemain, on les mena dans la plaine, hors de la ville et on les fit mourir à coups de lance.

Avec eux succomba le royaume abd-el-ouadite que les fils d'Abd-er-Rahman avaient rétabli à Tlemcen; mais, quelque temps après, cette dynastie se releva pour la troisième fois, sous les auspices du sultan actuel, Abou-Hammou-Mouça, fils de Youçof et petit-fils d'Abd-er-Rahman.

REGNE D'ABOU - HAMMOU II, SECOND RESTAURATEUR DE
L'EMPIRE DE TLEMCEN.

Youçof, fils d'Abd-er-Rahman, habitait Tlemcen avec son fils, Abou-Hammou-Mouça II, pendant le règne de son frère, le sultan Abou-Saîd. Ennemi du faste et craignant les périls des grandeurs, il mena une vie retirée et s'adonna aux œuvres de piété à l'instar des hommes de bien. Quand la dynastie abd-elouadite fut renversée par les Mérinides et que le royaume de Tlemcen fut subjugué par le sultan Abou-Einan, Abou-Hammou s'enfuit vers l'Afrique orientale avec son oncle Abou-Thabet, pendant que son père Youçof et les autres princes de la famille royale se virent éloignés de leur pays et relégués dans le Maghreb-el-Acsa. Les gens qui arrêtèrent Abou-Thabet aux envi

1 Voy., ci-devant, p. 47.

2 Ce chapitre fut donc écrit avant l'an 788, époque de la déposition d'Abou-Hammou.

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