Images de page
PDF
ePub

famille Djerrar. Peu de mois après, un membre de la famille Zian, fils d'Abd-er-Rahman - Ibn - Yahya - Ibn - Yaghmoracen, parut à Tlemcen, renversa cette royauté de faux aloi, en fit périr le fondateur et toute sa maison. De cette manière, les Beni-Abd-el-Ouad rentrèrent en possession de le leurs droits légitimes.

Dans le chapitre suivant, nous raconterons l'histoire de cette restauration.

AVÉNEMENT D'ABOU - SAÎD[- OTHMAN], MEMBRE DE LA FAMILLE DE

YAGHMORACEN.

THABET[-EZ-ZAÏM].

RÈGNE DE SON FRÈRE ET COLLÈGUE ABOU

Yaghmoracen-Ibn-Zîan avait désigné pour lui succéder son fils aîné Othman, en ajoutant qu'après la mort de celui-ci l'autorité devait se transmettre à Yahya, son second fils. En l'an 6612, il s'empara de Sidjilmessa et en donna le commandement à Yahya. Ce prince y séjourna plusieurs années et revint enfin à Tlemcen, où il mourut. Son fils, Abd-er-Rahman passa sa première jeunesse à Sidjilmessa, lieu de sa naissance, et ne se rendit à Tlemcen qu'après [la mort de] son père. Il resta dans cette capitale avec ses frères jusqu'à ce que le sultan [Abou - Tachefin] s'inquiéta de leur présence et les déporta en Espagne3. Abd-er-Rahman mourut en combattant les chrétiens, après s'être mis en garnison à Carmona afin de prendre part à la guerre sainte. Il laissa quatre fils Youçof, Othman, Ez-Zaïm et Ibrahîm. Ces jeunes gens allèrent demeurer à Tlemcen et, ils y avaient déjà vécu quelques années, quand le sultan mé

1 Le texte arabe imprimé et celui des manuscrits portent Omar, à la place d'Othman.

2 Ci-devant, p. 355, l'occupation de Sidjilmessa par les Abd-elOuadites est placée dans l'année 662.

3 Voy., ci-devant, p. 401.

rinide Abou-'l-Hacen soumit le royaume des Beni - Abd-elOuad, l'incorpora dans ses états et déporta en Maghreb[-elAcsa] tous les membres de la famille Yaghmoracen. Alors, ces quatre frères se firent donner l'autorisation de passer en Espagne pour y faire la guerre sainte, et, s'étant installés dans Algésiras, une des forteresses que les Mérinides possédaient en ce pays, ils reçurent du sultan un traitement fixe et se livrèrent à des faits d'armes qui excitèrent l'admiration générale.

En l'an 748 (1347-8), quand Abou-'l-Hacen convoqua les tribus zenatiennes à la conquête de l'Ifrîkïa, ces princes occupèrent une place distinguée sous le drapeau de leur tribu, les Abd-el-Ouad. Bientôt après l'occupation de ce pays, les affaires du sultan prirent une mauvaise tournure par suite de la résistance que lui opposèrent les Kaoub, Arabes nomades de la grande famille des Soleim. Au moment où ils lui livrèrent bataille sous les murs de Cairouan, les Beni-Abd-el-Ouad passèrent de leur côté et entraînèrent dans leur défection les autres tribus zenatiennes. Abou-'l-Hacen s'enferma dans cette ville; les Arabes devinrent maîtres des plaines de l'Ifrîkïa, et la révolte se propagea dans toutes les provinces du royaume mérinide.

Les Abd-el-Ouad partirent alors pour leur pays, avec l'autorisation de leurs nouveaux alliés, et se rendirent d'abord à Tunis, où ils passèrent quelques jours, pendant que leurs chefs délibéraient en secret sur les intérêts de la tribu et sur le choix d'un souverain. L'on décida qu'Othman, fils d'Abd-er-Rahman, recevrait de tous le serment de fidélité et, comme il se trouvait présent, on l'emmena à la campagne, hors de la ville. Arrivés à la porte du mosalla1 de Tunis, ces chefs le firent asseoir sur un bouclier et, s'étant rangés en cercle autour de lui, pour le dérober aux yeux des étrangers, ils le reconnurent pour leur seigneur et lui donnèrent successivement la main, en signe d'hommage et d'obéissance. Cette cérémonie achevée, ils le ramenèrent à la tribu.

1 Voy. l. 1, p. 372, note 1.

Les Maghraoua agirent de la même manière envers leur émir, Ali-Ibn-Rached, petit-fils de Mohammed-Ibn-Thabet-Ibn-Mendil, et prirent avec les Abd-el-Ouad l'engagement de faire route ensemble jusqu'au Maghreb, de vivre dorénavant en bonne intelligence et de se reconnaître mutuellement le droit de choisir leurs sultans et de reprendre les héritages de leurs ancêtres. A la suite de cette convention, ils partirent pour le Maghreb. Les populations bédouines, telles que les Ouuîfen et les Berrïa, ainsi que les montagnards de Beni-Thabet, eurent beau se précipiter de tous les côtés pour piller cette colonne, elles ne purent rien. lui enlever, pas même une rognure d'ongle.

En passant auprès de Bougie, les deux tribus rencontrèrent quelques bandes maghraouiennes et toudjînides qui s'étaient installées dans cette province depuis la conquête de leur pays et qui avaient pris service dans la milice du sultan. Elles emmenèrent tous ces gens, traversèrent la montagne d'Ez-Zan, malgré l'opposition des Berbères-Zouaoua, et, dans ce conflit, ils déployèrent une bravoure et une fermeté dignes de leurs aïeux. Arrivées dans le pays du Chelif, elles trouvèrent d'autres tribus maghraouiennes qui venaient offrir leurs hommages au nouveau sultan, Ali-Ibn-Rached.

Quand toutes les populations maghraouiennes eurent reconnu l'autorité de leur souverain, les Abd-el-Ouad obtinrent de lui la ratification du traité de paix et reprirent leur marche sous la conduite des émirs Abou-Said et Abou-Thabet. Parvenus à ElBat'ha, ils s'y établirent après en avoir expulsé plusieurs tribus arabes-soueidiennes que l'armée du sultan Abou-'l-Hacen avait chassées de Teçala et qui étaient venues, avec leurs confédérés et leur cheikh, Ouenzemmar-Ibn-Arif, pour camper dans cette localité.

Parmi ces tribus, se trouvait une fraction des Beni-DjerrarIbn-Tidoukeen. Amran-Ibn-Mouça, chef de cette bande, s'enfuit aussitôt à Tlemcen et obtint de son cousin, Othman-Ibn-YahyaIbn-Djerrar, un corps de troupes avec lesquelles il se promettait de repousser Abou-Saîd et ses partisans. Quand les deux armées se trouvèrent en présence, celle de Tlemcen passa sous les dra

peaux du sultan abd-el-ouadite. et Amran, qui avait pris la fuite dans l'espoir de pouvoir rentrer dans cette ville, fut bientôt atteint et mis à mort. A l'approche du sultan Abou-Said, la populace de Tlemcen se souleva contre Othman-Ibn - Djerrar et le mit dans la nécessité d'implorer la clémence du vainqueur. Abou-Saîd consentit à lui pardonner et, vers la fin du mois de Djomada second 749 (fin de septembre 1348), il entra au palais et monta sur le trône pour promulguer ses ordonnances, nommer ses vizirs et organiser un secrétariat. Satisfait alors d'avoir obtenu le titre de roi, il s'abandonna au repos et laissa à son frère Abou-Thabet-Ez-Zaïm le commandement des Beni-Abd-elOuad, la direction des affaires militaires, tout enfin, excepté l'administration intérieure du palais. A peine fut-il installé dans sa capitale qu'il fit mettre Othman-Ibn-Djerrar au cachot, où ce malheureux périt de mort violente, dit-on, dans le mois de Ramadan de la même année (nov.-déc. 1348).

Une des premières expéditions qui se firent par l'ordre du nouveau sultan fut dirigée contre lès Koumïa et eut pour motif la révolte de leur chef, Ibrahîm-Ibn-Abd-el-Mélek, cheikh et membre de la famille des Beni-Abed, la même tribu koumienne qui avait produit Abd-el-Moumen[, le sultan almohade]'. Les troubles dont Tlemcen venait d'être le théâtre ayant paru de nature à ne pas se calmer pour longtemps, cet homme pensa qu'il pouvait se rendre indépendant et, se voyant appuyé par une foule de partisans, il alluma le feu de la guerre dans le pays des Koumïa et dans toute cette partie du littoral. Le sultan AbouThabet marcha contre les insurgés, en tua plusieurs, fit un grand nombre de prisonniers et emporta d'assaut la ville de Honein et ensuite celle de Nedroma. Ibrahim-Ibn-Abd-el-Mélek fut chargé de fers, conduit à Tlemcen et enfermé dans une prison où il subit la peine de mort quelques mois plus tard.

Les autres villes et forteresses du Maghreb central restaient

↑ Voy. t. 1, p. 251.

* Dans le texte arabe, supprimez un point et lisez amçar.

encore sous l'autorité d'Abou-'l-Hacen et conservaient les garnisons et gouverneurs que ce monarque y avait installés. Oran, qui, de toutes ces villes, était la plus rapprochée de Tlemcen, avait pour commandant Obbou-Ibn-Saîd-Ibn-Adjana, client des Beni-Merîn. Cet officier y avait établi un ordre parfait, formé de grands approvisionnements d'armes et de vivres, rassemblé beaucoup de troupes et garni le port d'une flotte considérable. Les Beni-Abd-el-Ouad n'eurent rien de plus pressé que de marcher contre cette ville, et leur sultan, Abou-Thabet, y conduisit une foule de tribus zenatiennes et arabes, afin d'en faire le siége. Après quelques jours de blocus, ces troupes eurent à repousser une sortie de la garnison, mais, au moment où le combat s'engagea, leurs alliés, les Beni-Rached, qui étaient mal disposés pour le gouvernement de Tlemcen et qui avaient fait une convention secrète avec Obbou-Ibn-Saîd, lâchèrent pied et entraînèrent dans leur fuite le reste de l'armée. Cette journée coûta la vie à Mohammed-Ibn-Youçof, petit- fils d'Einan-Ibn-Fares-IbnZian et chef des collatéraux de la famille royale. Son aïeul Fares était frère de Yaghmoracen. Abou-Thabet dut abandonner son camp à l'ennemi et se réfugier dans Tlemcen.

ABOU-THABET LIVRE BATAILLE A EN-NACER, FILS DU SULTAN ABOU➡ 'L-HACEN, ET S'EMPARA D'ORAN.

Après le désastre de Cairouan, le sultan Abou-'l-Hacen se rendit à Tunis et, pendant quelque temps, il s'y vit assiégé par les Arabes qui voulaient s'emparer de la ville pour y établir, tantôt l'un, tantôt l'autre des princes hafsides dont ils avaient proclamé successivement la souveraineté. Il y attendait même des renforts qui devaient lui arriver du Maghreb - el - Acsa, quand il apprit, tout-à-coup, la désorganisation de son empire et la révolte de son fils [Abou-Einan] et de son petit-fils [Mansour]. Bientôt après, on lui annonça qu'Abou-Einan s'était rendu maître de tout le Maghreb et que les Abd-el-Ouad, les Maghraoua et les Toudjîn venaient de partir pour le Maghreb central.

« PrécédentContinuer »