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années, il quitta la cour hafside dans un moment de mécontentement et se rendit à Tlemcen. Abou-Tachefîn mit tous ses caïds au service de ces deux chefs et, leur ayant fourni un corps de troupes commandé par Yahya-Ibn-Mouça, il leur présenta pour être leur sultan un prince hafside nommé Mohammed-Ibn-AbiBekr-Ibn-Abi-Amran. Notre seigneur le sultan Abou-Yahya-AbouBekr leur livra bataille à Er-Rias, dans le pays des Hoouara, mais, par suite de la retraite de ses alliés, les Arabes Mohelbel, il essuya une défaite complète. Ses litières portées à dos de chameaux, les femmes de sa maison qui se trouvaient dans ces véhicules, et ses deux fils, Ahmed et Omar, tombèrent au pouvoir des vainqueurs et furent envoyés à Tlemcen. Blessé luimême dans la mêlée, il parvint à se réfugier dans Constantine, pendant que Yahya-Ibn-Mouça et Ibn-Abi-Amran allèrent prendre possession de Tunis. Yahya y resta quarante jours et partit alors pour Tlemcen avec toutes les troupes zenatiennes. A cette nouvelle, notre seigneur le sultan marcha sur sa capitale et en expulsa Ibn-Abi-Amran, après avoir fait passer à son fils, Abou-Zékérïa-Yahya, l'ordre de quitter Bougie avec le cheikh almohade, Abou-Mohammed-Ibn '-Tafraguîn, et d'aller solliciter l'appui du souverain mérinide contre Abou-Tachefîn. Cette mission eat pour résultat la chute de l'empire abd-elouadite, comme on le verra plus loin.

Abou-Tachefin, s'étant ménagé des intelligences avec quelques habitants de Bougie, apprit par eux où était la partie faible de la ville et vint pour y pénétrer, mais Ibn-Séïd-en-Nas rentra dans la place, le même jour, et rétablit l'ordre en faisant mourir les traîtres. Le sultan abd-el-ouadite s'en éloigna après avoir confié le commandement de Temzezdekt à Eïça-Ibn-Mezrouâ, l'un des cheikhs de sa tribu. Il ordonna, en même temps, à cet officier de construire un château plus près de Bougie que Temzezdekt. Les Abd-el-Ouadites élevèrent, en conséquence, une nouvelle forteresse à El-Yacouta, tout-à-fait à l'embouchure de

4 Dans le texte arabe, il faut remplacer min par Ibn.

la rivière et vis-à-vis de Bougie. Postées là, elles tinrent la ville si étroitement bloquée qu'elle allait succomber quand le sultan mérinide Abou-'l-Hacen parvint à la dégager et força les assiégeants à une prompte retraite sur Tlemcen.

En 732 (1331-2), notre seigneur le sultan Abou-Yahya-AbouBekr quitta Tunis à la tête de son armée et, arrivé à Temzezdekt, il ne mit qu'une heure de temps à détruire ce fort et à le ruiner de fond en comble.

LA GUERRE ÉCLATE DE NOUVEAU ENTRE LES MÉRINIDES ET LES BENISIEGE DE TLEMCEN ET MORT DU SULTAN ABOU

ABD-EL-QUAD.
TACHEFÎN.

Abou-Tachefîn, en montant sur le trône, avait conclu un traité de paix avec Abou-Saîd, roi du Maghreb, et, jusqu'à l'an 722 (1322), le meilleur accord avait régné entre les deux monarques, quand Abou-Ali-Omar, prince souverain de Sidjilmessa, déclara la guerre à son père, le sultan Abou Said, et envoya son fils El-Kakaâ en mission à la cour de Tlemcen. Pendant que ce jeune homme poussait Abou-Tachefin à des actes d'hostilité contre le Maghreb et cherchait à susciter au sultan de ce pays assez d'embarras pour l'empêcher de tourner ses armes contre Sidjilmessa, son père, Abou-Ali, se mit en campagne et occupa la ville de Maroc. Quand le sultan Abou-Saîd marcha au secours de cette place, Abou-Tachefîn profita de son éloignement pour faire envahir le Maghreb. Mouça-Ibn-Ali, le général abd-el-ouadite, pénétra aux environs de Tèza, ravagea la province de Garet et après avoir enlevé les moissons de ces contrées, il repartit pour Tlemcen. Ce fut là un trait de perfidie de la part d'Abou-Tachefîn dont le sultan mérinide résolut de tirer ven

geance.

Le souverain abd-el-ouadite chargea alors son vizir DawoudIbn-Ali-Ibn-Megguen d'une mission auprès du sultan Abou-Ali, mais, ayant vu son envoyé revenir quelque temps après et témoigner un extrême mécontentement de la réception qu'on lui

avait faite à Sidjilmessa, il renoua avec Abou-Said et conclut avec lui un nouveau traité de paix. La bonne intelligence se maintenait encore entre les deux souverains quand le fils de notre seigneur, le sultan hafside Abou-Yahya-Abou-Bekr, se rendit à la cour des Mérinides, par l'ordre de son père, et que l'on négocia l'alliance matrimoniale dont il a déjà été question 1.

Après la mort d'Abou-Saîd, son fils et successeur, Abou-'lHacen, marcha sur Tlemcen. Avant d'entreprendre cette expédition, il avait fait inviter le sultan Abou-Tachefin à lever le siége de Bougie et à rendre aux Hafsides la province de Tedellis. Le prince abd-el-ouadite repoussa cette sommation avec hauteur et, dans sa réponse aux ambassadeurs, il s'oublia au point de lui adresser des paroles blessantes et injurieuses. Les courtisans qui assistaient à cette audience se mirent aussitôt à insulter le souverain mérinide en la personne de ses envoyés. Abou-'lHacen fut tellement indigné de ce procédé qu'en l'an 732 (13312), il partit pour Tlemcen à la tête de son armée. Arrivé sous les murs de la ville, il passa outre et alla camper à Teçala, où il fit un séjour assez prolongé. Par son ordre, El-Hacen-el-Botouï, ancien serviteur de la maison de Merîn, s'embarqua à Oran avec un corps de troupes, et, arrivé à Bougie, ville qu'il avait la commission de secourir, il opéra sa jonction avec l'armée de notre seigneur le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr. Ce prince avait rassemblé ses forces afin de renverser la forteresse de Temzezdekt et il se tenait maintenant prêt à les réunir aux troupes mérinides, ainsi que cela avait été convenu, et à marcher avec elles au siége de Tlemcen. Ayant quitté Bougie, il s'empara de Temzezdekt que les Abd-el-Ouadites venaient d'abandonner, le livra au pillage et permit à ses soldats d'en emporter tous les approvisionnements, d'en renverser les murailles et de le ruiner de fond en comble. La retraite des Abd-el-Ouadites, pour rentrer dans leur pays, permit à la ville de Bougie de reprendre haleine. Sur ces entrefaites, le prince Abou-Ali-Omar, fils du sultan

Voy. t. I, p. 472.

Abou-Saîd, commença des hostilités contre son frère. Etant sorti de Sidjilmessa, où il faisait sa résidence, il entra dans le Derâ et s'y fit proclamer souverain après en avoir tué le gouverneur. Ci-après 1, nous donnerons les détails de ces événements. Le sultan apprit par un courrier cette nouvelle inquiétante et quitta aussitôt le camp de Teçala afin de rentrer en Maghreb et d'y rétablir l'ordre. Abou-Tachefin profita de son départ pour reprendre son audace et lancer ses troupes dans les plaines du Maghreb. Ayant envoyé au secours d'Abou-Ali une nombreuse cavalerie, il appela sous ses drapeaux les tribus zenatiennes et partit pour le Maghreb, l'an 733 (1332-3), afin d'empêcher le sultan d'agir contre ce prince. Parvenu à Taourîrt [sur le Za], il rencontra un corps de cavalerie chargé de couvrir cette partie de la frontière et commandé par Tachefîn, fils du sultan Abou-l-Hacen. Il y avait, de plus, une bande de guerriers appartenant à la tribu des Tîrbîghîn et conduite par leur cheikh, Mendil-Ibn-Hammama. Ces troupes sortirent à la rencontre d'Abou-Tachefin et repoussèrent son armée jusqu'à Tlemcen.

En l'an 734 (1333-4), le sultan Abou-'l-Hacen, qui venait de vaincre et de faire mourir son frère Abou-Ali, rassembla une nouvelle armée et employa tous ses efforts pour l'organiser d'une manière convenable. L'année suivante, il investit Tlemcen et l'entoura d'une circonvallation et d'un fossé profond, de sorte qu'un esprit même aurait eu de la peine à y passer. Ensuite, il envoya de nombreux détachements dans les contrées adjacentes et soumit ainsi les campagnes et les villes de l'empire abd-el-ouadite. Par son ordre, la ville d'Oudjda fut entièrement ruinée. Tous les jours, depuis le matin jusqu'au soir, il dirigea des attaques contre Tlemcen et battit la place avec ses catapultes.

Les principaux chefs zenatiens, tant ceux des Toudjîn que des Beni-Abd-el-Ouad, s'étaient enfermés dans Tlemcen avec le

1 Voy. le quatrième volume.

sultan Abou-Tachefin; mais il arriva que, dans un jour bien. fatal, les plus braves de ces émirs perdirent la vie. Le sultan mérinide avait pris l'habitude de sortir tous les matins, au lever de l'aurore, et de faire le tour de la circonvallation afin d'y voir poster des troupes et réparer les brèches et autres dégats. AbouTachefin, ayant été averti par les gens de guet que le sultan Abou-'l-Hacen faisait sa tournée journalière et marchait à quelque distance de son escorte, plaça une troupe en embuscade pour le surprendre. Quand le sultan fut arrivé à l'endroit situé entre la ville et la montagne, les hommes de l'embuscade croyaient déjà le tenir, et leurs meilleurs coureurs étaient même sur le point de l'atteindre, quand on s'aperçut au camp de ce qui se passait. Aussitôt tout le monde monta à cheval; on s'élança au secours du prince, par bandes et séparément; ses fils, Abou-Abder-Rahman et Abou-Malek, les plus intrépides cavaliers de l'armée, se mirent en selle et accoururent avec le reste des Mérinides. De toutes parts, ces guerriers se précipitèrent en avant comme des faucons sur leur proie. Les troupes sorties de la ville prirent la fuite et se précipitèrent, par mégarde, dans un fossé où une foule de monde mourut écrasé. Plus de guerriers succombèrent que dans le conflit dont ils voulurent s'échapper. Les Toudjîn y perdirent deux chefs qui jouissaient de la plus brillante réputation parmi les Zenata: l'un était Omar - IbnOthman, grand cheikh des Hachem et gouverneur du Ouancherich; l'autre, Mohammed-Ibn-Selama-Ibn-Ali, était cheikh des Beni-Idlelten, seigneur de la forteresse de Taoughzout et des lieux voisins. D'autres personnages tout aussi distingués perdirent la vie dans cette journée qui devait briser, pour un temps, la puissance de l'empire abd-el-ouadite.

y

Le sultan Abou-l-Hacen continua le siége comme auparavant et, le 27 Ramadan 737 (1er mai 1337), il livra un assaut à la ville et y pénétra de vive force. Abou-Tachefîn recula jusqu'à la porte du palais et ne cessa de combattre à la tête d'une poignée de braves parmi lesquels on remarqua ses deux fils Othman et Masoud, ses neveux Abou-Rezzîn et Abou-Thabet, son vizir Mouça-IbnAli et le prince mérinide Abd-el-Hack-Ibn-Othman-Ibn-Moham

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