abd-el-ouadites, secondées par Hamza-Ibn-Omar, ne cessaient d'entreprendre contre ses états. Mais, maintenant que le sultan Abou-'l-Hacen se tenait en observation et empêchait les BeniAbd-el-Ouad de faire le moindre mouvement, que les troupes de cette dynastie étaient rentrées dans leur nid, après avoir plané sur les provinces de l'empire hafside, que la ville de Bougie, délivrée de leur présence, commençait à respirer, que les contrées voisines étaient délivrées de leur oppression, que l'agitation causée par les insurgés s'était apaisée et que les cris de la sédition ne retentissaient plus dans le pays, le sultan put enfin diriger ses regards vers les frontières de son royaume et prendre des mesures pour faire disparaître jusqu'aux dernières traces de l'esprit d'insubordination. Il ambitionnait surtout l'honneur de soumettre le Djerid et d'arracher les habitants de ce pays lointain aux griffes de ces loups toujours hurlants, de ces chiens toujours hargneux, les chefs de leurs villes et les Arabes de leurs déserts. En l'an 735 (1334), il marcha sur Cafsa, ville dont Yahya-IbnMohammed avait usurpé le commandement. Ce chef appartenait à une des premières familles de l'endroit où il gouvernait alors en maître : son aïeul, Ali, étant fils d'Abd-el-Djelîl-Ibn-Abedes-Cherîdi. Le sultan livra plusieurs assauts à Cafsa et foudroya la place avec ses catapultes, sans pouvoir s'en emparer; mais, ayant commencé à faire abattre les palmiers et arracher les plantations des alentours, il obligea les habitants à implorer sa miséricorde. Dans le mois de Rebiâ second (décembre) de la même année, le petit-fils d'Abd-el-Djelîl sortit de la ville, se livra au sultan et fut conduit à Tunis avec plusieurs autres membres de la même famille. Le reste s'enfuit à Cabes, afin de se mettre sous la protection d'Ibn-Mekki. Le peuple de Cafsa rentra de cette manière sous l'ombre bienfaisante du gouvernement hafside, après être resté, pendant un temps, au grand soleil de l'indépendance, et ils reçurent du sultan un accueil plein de bonté et d'indulgence. Ce prince étendit sur eux le manteau de sa justice et accorda à leurs pauvres des portions de terre, soit en don, soit en fief. Il renou vela les édits impériaux qui avaient été promulgés en leur faveur et qu'ils avaient soigneusement conservés; il choisit même leur ville pour la résidence de son fils, l'émir Abou-'l-Abbas, désigné plus tard comme successeur au trône. En y établissant ce prince, il lui conseilla de traiter les habitants avec une grande bienveillance, et lui ayant conféré, de plus, le gouvernement de Castîlïa et des lieux voisins, il plaça auprès de lui, en qualité de chambellan, le chef almohade, Abou-'l-Cacem-Ibn-Ottou. Reprenant alors le chemin de la capitale, il y fit son entrée au mois de Ramadan de la même année (avril-mai 1335). LES ÉMIRS ABOU-FARES 1-AZOUZ ET ABOU-'L-BACA-KHALED OBTIENNENT LE GOUVERNEMENT DE SOUÇA ET D'EL-MEHDÏA. Vers l'époque où le sultan renversa la puissance du chambellan Ibn-Séïd-en-Nas et plaça Mohammed-Ibn-Ferhoun auprès de son fils l'émir Abou-Zékérïa, les descendants de Yaghmoracen? se virent attaqués par leur ennemi héréditaire [le sultan mérinide]. Cet événement procura au sultan [Abou-Yahya-] Abou-Bekr assez de loisir pour rétablir l'ordre dans son royaume, et raffermir les bases de son autorité, en confiant le commandement de ses provinces aux plus distingués d'entre ses fils. A Khaled et Azouz, conjointement, il accorda le gouvernement de Souça et de la région maritime. Il les installa dans cette ville et plaça auprès d'eux Mohammed - Ibn-Taher, vieux serviteur de l'empire. Cet homme appartenait à une famille andalousienne que les événements politiques avaient forcé d'émigrer en Ifrîkïa. Ses ancêtres, seigneurs de Murcie, s'étaient faits remarquer au nombre des petits souverains qui régnèrent sur les provinces de l'Espagne [musulmane], et son frère, Abou-'l-Cacem, avait rempli les fonctions de ministre des finances à Tunis. 1. Dans le texte arabe imprimé le mot ben doit être supprimé. 2 Dans le texte arabe il faut insérer le mot bi-âl avant Yaghmoracen. Mohammed-Ibn-Taher mourut en l'an 735 (1334-5), quelque temps après sa nomination, et fut remplacé par Mohammed-IbnFerhoun, que le sultan rappela de Bougie pour cet objet. Les deux princes, étant eucore très-jeunes, avaient besoin d'un sage conseiller comme lui, et leur père savait qu'Abou-Zékérïa avait maintenant assez d'expérience pour se choisir un bon ministre. Il est vrai que, dans la suite, Abou-Zékérïa rappela IbnFerhoun auprès de lui. Lors de la disgrâce et de la chute d'Ibn-el-Hakîm, le sultan enleva la ville d'El-Mehdïa à Ibn-er-Regrag et y installa son fils, l'émir Abou-l-Baca[-Khaled], en qualité de gouverneur. AbouFares[-Azouz], l'autre frère, resta ainsi seul gouverneur de Souça. Mohammed-Ibn-er-Regrag avait été établi dans ElMehdia par son parent Ibn-el-Hakim, lequel en avait dépossédé Ibn-Abd-el-Ghaffar, natif de Raghîs. Voulant se faire de cette ville un lieu de retraite en cas de revers, Ibn-el-Hakîm y avait formé un dépôt d'armes et de vivres et installé un commandant qui tenait à lui par les liens de famille; mais toutes ces précautions ne lui servirent à rien. Les deux émirs gardèrent leurs commandements jusqu'à leur mort, MORT DE L'ÉMIR ABOU-ABD-ALLAH, SEIGNEUR DE CONSTANTINE. : SON FILS LUI SUCCEDE. Le sultan aimait l'émir Abou-Abd-Allah plus que ses autres fils il lui témoignait la plus tendre affection et lui montrait une indulgence extrême, à cause des traits de caractère qui annonçaient en cet enfant un esprit élevé et fait pour commander. Tout le monde reconnaissait la justice de cette préférence, jusqu'à Ibn-Ghamr, le puissant gouverneur de Bougie et de Constantine, l'habile défenseur de Bougie contre les Zenata 2. En l'an 719 Le texte arabe des manuscrits porte ses fils. 2 Dans le texte arabe il faut lire min Zenata à lɔ place d'oua min Zenata. (1319), lors de la mort de ce fonctionnaire, le sultan porta ses regards vers les frontières de son empire et plaça la ville de Bougie sous le commandement de son fils, l'émir Abou-Zékérïa, auquel il donna Ibn-el-Caloun pour chambellan. Ayant ainsi pourvu à la sûreté de cette forteresse, il nomma un autre de ses fils, l'émir Abou-Abd-Allah, au gouvernement de Constantine et lui adjoignit Ahmed-Ibn-Yacîn [en qualité de ministre]. Les deux frères quittèrent Tunis en l'an 720, et chacun d'eux alla s'établir dans le siége de son commandement. Quelque temps après, Dafer-el-Kebîr revint du Maghreb et fut désigné par le sultan comme chambellan du prince de Constantine. Il remplit les fonctions de cette place jusqu'à l'an 727, quand il fut tué auprès de Temzezdekt, ainsi que nous l'avons dit '. Le secrétaire Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz, partit de Tunis pour le remplacer, mais, au bout d'une quarantaine de jours, il revint à la capitale. Le sultan confia alors cette charge à Ibn-Séïd-en-Nas, en l'autorisant de conserver la place de chambellan qu'il remplissait à Bougie et de se faire représenter à Constantine par l'affranchi Hilal, qui venait d'abandonner le service du général abdel-ouadite Mouça-Ibn-Ali. Hilal fut renvoyé par l'émir AbouAbd-Allah après la chute d'Ibn-Séïd-en-Nas son maître, qui était alors parvenu à l'âge viril, ayant voulu diriger par lui-même l'administration de la province. Le sultan donna son approbation à ce changement et, dès-lors, il prit l'habitude de consulter son fils sur ses propres affaires et de l'admettre à des entretiens secrets. Vers cette époque, il envoya à Constantine un affranchi d'origine chrétienne nommé Nebîl. En l'an 734 (1333-4), Dafer-es-Sinan fut appelé de Tunis par Abou-Abd-Allah pour prendre la direction des affaires civiles et militaires, mais, à l'expiration de dix-huit mois, il rentra dans la capitale après avoir remis à Nebîl la place de chambellan. Yaïch, ancien serviteur de la famille royale, fut ensuite envoyé à Constantine pour commander les troupes et défendre le territoire de la province; partageant ainsi avec Nebil les divers services de 1. Voy. tome 1, page 465. l'administration et les honneurs qui y étaient attachés. Depuis lors, rien ne changea dans la position de l'émir qui, de jour en jour, se distinguait davantage par ces occupations auxquelles doit se livrer tout prince qui désire cultiver ses talents et se rendre digne du commandement. Il termina sa carrière prématurément, avant d'avoir atteint la haute position qui lui semblait être réservée : la mort vint le surprendre vers la fin de l'an 737 (juin-juillet 4337). Son fils aîné, Abou-Zeid-Abd-er-Rahman, prit alors le commandement, et le sultan y donna son approbation par un diplôme; mais, prenant en considération l'extrême jeunesse de ce prince, il lui imposa l'affranchi Nebîl comme guide et tuteur. MORT DE HAMZA-IBN-OMAR. SES FILS MARCHENT CONTRE LA CAPITALE. LEUR DÉFAITE ET MORT DE LEUR VIZIR MOEzz. Par la conquête de la ville et du royaume de Tlemcen, le sultan mérinide, Abou-'l-Hacen, brisa la puissance de la dynastie zîanide, réduisit sous son autorité tous les peuples zenatiens et rassembla leurs nombreux guerriers autour de ses drapeaux. Les tribus voisines lui offrirent leur soumission; tous les cœurs s'humilièrent devant lui, et Hamza-Ibn-Omar vint l'engager à marcher contre l'lfrîkïa. Aux représentations tout-à-fait semblables à celles qu'il avait si souvent adressées à Abou-Tachefin, le sultan répondit d'un ton sévère, lui ordonnant de mettre un terme à ses débordements et de renoncer aux hostilités contre le souverain de Tunis. Il lui offrit même d'intercéder en sa faveur auprès de ce prince et de lui applanir les voies de la réconciliation. Hamza écouta ce conseil et,profitant de la médiation du sultan, qui voulut bien répondre de sa sincérité, il sollicita la clémence du souverain hafside. Ayant alors promis une soumission sans bornes et pris l'engagement d'étouffer l'esprit d'insubordination qui travaillait les Arabes, il se procura nonseulement un bon accueil auprès du prince qu'il avait tant offensé, mais aussi un riche cadeau destiné à l'entretenir dans les senti |