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El-Hacen, son fils et successeur, fut confirmé dans le gouvernement de Tlemcen par le sultan El-Mamoun; mais, s'étant aperçu, au bout de six mois, qu'il n'avait pas assez de force pour bien exercer le commandement, il céda toute l'autorité à son oncle, Othman-Ibn-Youçof. Le caractère dur et tyrannique du nouveau gouverneur indisposa les habitants et, vers l'an 634 (1233-4), il se fit chasser de la ville.

Zekdan-Ibn-Zian-Ibn-Thabet, surnommé Abou-Ezza, cousin du précédent, prit alors le commandement sur l'invitation du peuple. Il soumit à son autorité les contrées voisines et réunit toutes les tribus zenatiennes sous ses ordres. Les Beni-Motahher, jaloux de la haute puissance que Dieu avait bien voulu accorder à Zekdan et à ses prédécesseurs, se mirent en révolte contre lui et leurs frères, les Beni-Ali, et appelèrent à leur secours les Beni-Rached-Ibn-Mohammed, tribu avec laquelle ils étaient en confédération depuis l'époque où ils vivaient ensemble dans le Désert. Abou-Ezza se fit soutenir par toutes les autres branches de la tribu d'Abd-el-Ouad et livra plusieurs combats aux révoltés. Dans ces rencontres, la fortune se déclarait pour chaque parti alternativement, jusqu'à l'an 633 (1235-6), quand AbouEzza perdit la vie.

Son frère, Yaghmoracen-Ibn-Zîan se chargea du commandement, avec l'approbation de toutes les tribus abd-el-ouadites. Les villes [du Maghreb central] s'empressèrent de lui obéir et le khalife almohade, Er-Rechîd, lui expédia un diplôme qui le confirmait dans le gouvernement de Tlemcen. Tel fut le premier pas Yaghmoracen vers un trône sur lequel ses descendants ont continué à siéger jusqu'à nos jours.

HISTOIRE DE TLEMCEN DEPUIS LA CONQUÊTE MUSULMANE JUSQU'A L'ÉTABLISSEMENT DE LA DYNASTIE ABD -EL-QUADITE.

Tlemcen, capitale du Maghreb central et métropole des états zenatiens, eut pour fondateurs les Beni-Ifren, dans l'ancien territoire desquels il est effectivement situé. Nos renseignements à

ce sujet ne remontent pas plus loin1, car on doit regarder comme indigne de foi ce que racontent quelques habitants de Tlemcen, hommes du vulgaire, qui disent : « Notre ville est d'une haute >> antiquité, car on voit encore, dans le quartier d'Agadir, la » muraille dont il est question dans le chapitre du Coran qui

1 Le nom de l'établissement romain de Tlemsên a été, jusqu'en ces derniers temps, environné d'une grande incertitude. Quelques écrivains, peu scrupuleux en fait d'étymologie, avaient avancé que Tlemsên représentait Timici, colonie que Pline dit être, avec Tigara, la cité la plus importante de son temps dans l'intérieur de la Mauritanie césarienne. Le docteur Shaw a combattu le rapprochement fait entre Timici et Tlemsên, rapprochement qui n'avait d'autre base, comme il l'observe très-bien, qu'une vague consonnance de nom. Mais le savant anglais, faisant, d'un autre côté, beaucoup trop de fond sur le travail de Ptolémée, voit dans Tlemsên la Lanigara du géographe d'Alexandrie. Quant à d'Anville, influencé par le souvenir des splendeurs royales de la riche capitale du Benou-Zîan, il a voulu identifier Tlemsên avec la station Regiæ de l'itinéraire d'Antonin.

Tlemsên n'est ni Timici Colonia, représenté par Aïn-Temouchent, ni Lanigara, que la discussion critique des Tables ptoleméennes montre être le Château d'Islî, ni Regiæ que les distances placent à Timsiouine, sur l'Oued-Herienet.

Mais deux inscriptions trouvées sur les lieux mêmes, une borne milliaire extraite des fouilles de La Maghnia, établissent d'une manière indubitable que Tlemsên avait reçu des Romains le nom de Pomaria, la ville des vergers et des fruits, la ville des pommiers, pour prendre le mot dans l'acception que lui donne Pline, le plus savant des naturalistes latins. C'est ce même nom auquel les copistes ont donné, dans toutes les éditions de Ptolémée, la forme si singulière de Mniaria, et qu'une autre erreur de lecture a fait écrire dans la liste des évêchés d'Afrique, Pamaria. L'Itinéraire d'Antonin ne connaît pas le nom de Pomaria et assigne pour point de départ à la grande voie qui allait aboutir à Rusuccurus (Dellîs), la position de Kala. Or, ce point de départ répond bien à ilemsên, et la dénomination de Kala est restée et à un petit faubourg de la ville et au ravin qui longe le flanc oriental de l'ancien établissement romain dont l'assiette est encore parfaitement visible. Appelé Aguadir par les Berbères, il forma le noyau de la primitive ville moderne et finit par se trouver enfermé dans cette vaste enceinte qui enveloppait aussi lagrart, dont le point de départ fut, sans doute, le village fondé par les Beni-Ifren. Peut-être, est-ce tout bonnement là la vraie signification du Tlemsén qui réunit les deux (villes)?

O. MAC-CARTHY.

>> renferme l'histoire d'El-Khidr et de Moïse 1.» Il est difficile. d'admettre cette assertion: Moïse ne quitta jamais l'Orient pour se rendre en Maghreb [l'occident], et le royaume des enfants d'Israël ne s'étendait pas jusqu'à l'Ifrîkïa et encore moins jusqu'aux pays situés au-delà de cette contrée. Il faut donc regarder ce renseignement comme une fable provenant de l'esprit inné de partialité qui porte les hommes à exalter leur ville natale, le pays d'où ils tirent leur origine, la science qu'ils cultivent, le métier qu'ils exercent. Nous n'avons rien trouvé de plus ancien au sujet de cette ville qu'une indication fournie par Ibn-erRakîk: cet historien raconte qu'Abou-'l-Mohadjer, l'émir chargé du gouvernement de l'Ifrîkïa pendant l'intervalle qui séparait les deux périodes de l'administration d'Ocba - Ibn-Nafè, pénétra dans les régions du Maghreb jusqu'à Tlemcen et que les sources situées auprès de cette ville et appelées Oïoun-el-Mohadjer furent ainsi nommées en souvenir de lui. Et-Taberi fait aussi mention de Tlemcen en parlant d'Abou-Corra l'ifrenide et de l'expédition que ce chef, soutenu par Abou-Hatem et les Kharedjites, dirigea contre Omar-Ibn-Hafs, lequel s'était enfermé dans la ville de Tobna. Il dit : « Alors on leva le siége et Abou>> Corra s'en retourna dans les contrées qu'il habitait aux envi>> rons de Tlemcen. » Ibn-er-Rakîk parle encore de cette ville en racontant l'histoire d'Ibrahim-Ibn-el-Aghleb dans les temps. qui précédèrent l'usurpation du trône de l'Ifrîkïa par cet émir : « dans cette expédition, dit-il, il envahit le Maghreb et mit le » siége devant Tlemcen. »

Le nom de Tlemcen [Tilimçan] est composé de telem et de sin, mots qui, dans l'idiome des Zenata, signifient elle cst composé de deux [choses], c'est-à-dire de la terre et de la mer 3.

Voy. Coran, sourate 18, versets 76 et suivants.

2 Voy. t. 1, p. 292, note 3.

3 Selon un autre historien arabe, frère de notre auteur, les mots telem san signifient elle réunit deux choses, c'est-à-dire le Désert et le Tell. Cette explication est assez plausible, mais il ne faut pas oublier que les Arabes étaient tout aussi habiles que les Grecs quand il s'a

Quand Idris premier, fils d'Abd-Allah-Ibn-el-Hacen, se réfugia dans le Maghreb-el-Acsa, il soumit ce pays à son autorité et marcha, l'an 174 (790-1)1, contre le Maghreb central. Mohammed-Ibn-Khazer-Ibn-Soulat, émir des Zenata et de Tlemcen, vint lui rendre hommage et porta les Maghraoua et les Beni-Ifren à suivre son exemple. Idrîs obtint de ce chef la possession de Tlemcen et, après un séjour de quelques mois, pendant lequel il posa les fondations de la grande mosquée et en fit construire la chaire, il reprit le chemin du Maghreb-el-Acsa. Quand son frère, Soleiman-Ibn-Abd-Allah, arriva de l'Orient, il l'établit dans cette ville comme gouverneur. La mort d'Idrîs affaiblit extrêmement la puissance de cette famille; mais son fils, Idris II, rallia autour de lui les Berbères du Maghreb et partit, l'an 199 (844-5), pour Tlemcen. Ce fut lui qui en restaura la mosquée et embellit la chaire du prédicateur. Il y passa trois ans et, s'étant assuré l'obéissance des Zenata, dont il avait soumis le pays, il leur donna pour chefs les fils de son cousin, Mohammed-Ibn-Soleiman. Après sa mort, les conseils de sa veuve Kenza amenèrent le partage du royaume des deux Maghrebs entre les membres de sa famille. Tlemcen passa alors sous l'autorité d'Eïça, fils de 2 Mohammed-Ibn-Soleiman, et les provinces qui en dépendent échurent aux autres fils de ce Mohammed.

gissait d'inventer la dérivation d'un nom propre appartenant à une langue étrangère. Nous devons faire observer que le mot telem ou telemm (elle reunit) est arabe, mais elle est employée en langue berbère; peut-être même y existait-il à l'époque de la domination romaine: on remarque la syllabe lam dans plusieurs noms d'anciennes villes africaines, telles que Lambasis, Lamasba, Lamfoctense oppidum, Lambiridi, etc., et l'on est presque tenté de croire qu'il y a quelque,parenté entre ce mot et l'une ou l'autre des racines hébraïques (ligavit, religavit) et D

(congregavit).

Voy. t. I, p. 560, où l'expédition contre Tlemcen est placée en

l'an 173.

2 Dans le texte arabe, il faut supprimer les mots Ibn-Idris, malgré les manuscrits.

Lors de la chute des Idrîcides, quand les Fatemides eurent subjugué le Maghreb, leur allié, Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, marcha sur Tlemcen, l'an 319 (931), et détrôna l'Idrîcide qui y commandait. Ce prince, qui se nommait El-Hacen et qui était fils d'Abou-'l-Aïch-Ibn-Eïça-Ibn-Idris-Ibn-Mohammed-Ibn-Soleiman, s'enfuit à Melîla et construisit, près de Nokour 1, un château pour lui servir de lieu de refuge. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa l'y assiégea pendant quelque temps et ne consentit à faire la paix qu'après avoir obtenu la remise de la forteresse. Quand les Fatemides eurent effectué la conquête du Maghreb central et chassé de la province de Tlemcen tous les descendants de Mohammed-IbnSoleiman, les proscrits embrassèrent la cause des Oméïades et passèrent en Espagne.

Yala-Ibn-Mohammed l'ifrenide s'étant ensuite rendu maître du pays des Zenata et du Maghreb central, obtint, entre les années 340 et 350, un diplôme par lequel En-Nacer l'oméïade le constituait gouverneur de ces régions et de Tlemcen. Après sa mort, le commandement des Zenata fut exercé par Mohammed-Ibn-el-Kheir-Ibn-Mohammed-Ibn-Khazer, partisan d'ElHakem-el-Mostancer. Ce chef occupa Tlemcen entre les années 60 et 70 du quatrième siècle, et perdit la vie en combattant les Sanhadja. Ce peuple conquit alors le Maghreb central et, profitant des divisions qui déchiraient l'empire zenatien, il repoussa ses adversaires dans le Maghreb-el-Acsa et incorpora dans ses états la ville de Tlemcen.

3

Zîri-Ibn-Atïa, émir des Zenata et gouverneur du Maghreb, ayant été chassé de cette province par El-Mansour-Ibn-AbiAmer, envahit les pays occupés par les Sanhadja et s'empara de Tlemcen, d'Oran, de Ténès, d'Achîr, d'El-Mecîla et de plusieurs autres forteresses. Plus tard, c'est-à-dire en l'an 396

1 Voy. t. I, p. 270.

2 En 343 ou 344 (955-6).

3 Dans les manuscrits et le texte arabe imprimé, il faut lire nezel à la place de nazel. Voy., ci-devant, p. 247.

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