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était sœur de celles de Toudjîn, des Mozab, des Zerdal et des Beni-Rached. Après avoir fait observer que leur généalogie remontait à Zahhîk - Ibn - Ouacîn - Ibn-Ourchîk - Ibn-Djana, nous avous indiqué leur état d'existence à l'époque où ils habitaient les régions du Désert, avant d'avoir fondé un empire, et nous avons mentionné que plusieurs peuples sortis de la même souche qu'eux occupaient le Mozab, le mont Rached, Figuig et les bords du Molouïa. Nous y avons ajouté quelques mots au sujet de leurs démêlés avec les Beni-Merîn, tribu qui tire aussi son origine de Zahhîk-Ibn-Ouacîn.

Tant que les Abd-el-Ouad séjournaient dans leurs anciens territoires, ils restaient attachés aux Beni-Rached, aux BeniZerdal et aux Mozab par les liens de famille et par des traités ; mais, à presque toutes les époques, ils étaient en guerre avec les Toudjîn. Pendant très-longtemps, ils dominaient [eux et les Toudjin] sur les campagnes du Maghreb central, tout en reconnaissant l'autorité des Beni-Ouémannou et des Beni-Iloumi, quand ces deux dernières tribus y étaient les plus fortes.

D'après certains renseignements qui nous sont parvenus, ils auraient eu pour chef, à cette époque, un nommé Youçof-IbnTekfa. Abd-el-Moumen ayant alors envahi le territoire de Tlemcen, envoya dans le pays des Zenata une armée almohade commandée par le cheikh Ahou-Hafs. La rude leçon que ce général donna aux Beni-Abd-el-Ouad les rendit parfaitement soumis pour l'avenir et assura leur dévouement à la dynastie des Almohades.

La tribu des Abd-el-Ouad formait plusieurs branches dont les plus distingués, dit-on, étaient six; savoir les Beni-Yatkin, les Beni-Ouellou, les Beni-Ourstef, les Masouha, les BeniToumert et les Beni-'l-Cacem. Cette dernière famille se nommait dans leur langue, Aïth-Cacem, le mot aïth étant employé chez eux comme particule servant à former des adjectifs patro

1 Toumert, nom propre assez connu, paraît être le nom Omar ber-bérisé.

1

nymiques et ethniques .. Les Beni-'l-Cacem eux-mêmes se disent descendants d'El-Cacem l'idrîcide, fils, selon les uns, de Mohammed-Ibn-Idrîs, et, selon les autres, de Mohammed-IbnAbd-Allah-Ibn-Idris, ou bien de Mohammed-Ibn-el-Cacem-IbnIdris. Ce n'est là cependant qu'une assertion sans preuve, bien que les Beni-'l-Cacem s'accordent à la soutenir; mais l'on sait combien les peuples nomades sont peu au courant de généalogies telles que celle-ci 2. Ce qu'il peut y avoir de vrai n'est connu que de Dieu seul. L'on raconte même que Yaghmoracen-Ibn-Zîan, fondateur de leur dynastie, ayant entendu des personnes faire remonter sa famille à Idrîs, s'écria, dans le dialecte barbare de sa nation : « Si c'est vrai, cela nous profitera auprès de Dieu; >> mais, dans ce monde, nous ne devrons notre succès qu'à nos » épées. »

La famille des Beni-'l-Cacem conserva toujours le privilége de commander aux Beni-Abd-el-Ouad, avantage qu'elle devait à sa puissance et à son esprit de corps. Elle se partagea en plusieurs branches dont l'une, appelée les Beni-Ignîmen 3-Ibn-elCacem, donna naissance à Ouîghern, fils de Masoud, fils d'Ignîmen, et à Omar et Ignîmen, frères de Ouîghern. Du premier des deux Ignîmen, ou du dernier, selon quelques récits, naquit Adouï-Ibn-Ignîmen.

La famille de Ouîghern produisit Abd-el-Hack-Ibn-Menaghfad. Du temps d'Abd-el-Moumen, ce fut celui-ci et Adour qui commandaient aux Beni-Abd-el-Ouad. Abd-el-Hack-IbnMenaghfad est le même chef qui, ayant reçu d'Abd-el-Moumen la conduite d'une troupe d'Almohades, reprit un grand butin que les Beni-Merîn étaient en train d'enlever, et tua El-Mokhaddeb à Messoun. Les historiens le nomment Abd-el-Hack-Ibn-Mâdd, ce

4 Aith signifie gens, peuple, tribu.

2 L'auteur aurait pu ajouter et combien ils sont portés à se rallacher, par des fausses généalogies, à la famille de Mahomet.

3 Variante: Ikrîmen.

Voy. t. I, p. 180.

qui n'est pas exact; car le nom Madd n'appartient pas au dialecte zenatien il faut écrire et prononcer Menaghfad.

:

Une autre ramification de la famille El-Cacem eut pour aïeul Motahher, fils de Yemel, fils d'Izguen', fils de Cacem. Sous le règne d'Abd-el-Moumen, Hammama, fils de Motahher, était un de leurs cheikhs. Il se distingua par sa bravoure dans la guerre des Zenata contre les Almohades; mais, ayant ensuite fait sa soumission, il se dévoua au service de cette dynastie.

les

Les Beni-Ali2 autre branche de la famille Cacem, parvinrent au commandement de toute la tribu par suite de la puissance qu'ils tiraient de leur nombre et de leur esprit de corps. Ils se composaient de quatre grandes familles : les Beni-Tâ-Allah, Beni - Deloul, les Beni - Gommi et les Beni - Moti - Ibn - Djouher, toutes descendues d'Ali. Chez les Tâ-Allah, le commandement appartenait à la famille des Beni-Mohammed-Ibn-Zegdan 3 - IbnTîdoukcen-Ibn-Tâ-Allah.

3

Voilà le sommaire de tout ce que l'on rapporte au sujet de la postérité d'Abd-el-Ouad.

En faisant la conquête du Maghreb central, les Almohades eurent beaucoup à se louer du dévouement et des bons services de ces tribus; aussi leur témoignèrent-ils, dans la suite, une grande bienveillance, et ils leur concédèrent les territoires qui avaient appartenu aux Beni - Iloumi et aux Beni-Ouémannou. Après l'établissement des Beni-Abd-el-Ouad dans ces localités, une querelle s'éleva entre les Beni-Tâ-Allah et les Beni-Gommi, par suite de laquelle, Kendouz, membre de cette dernière famille, tua Zian-Ibn-Thabet, membre et cheikh de la famille des BeniMohammed - Ibn-Zegdan. Djaber-Ibn-Youçof - Ibn-Mohammed, cousin et successeur de Zîan, vengea la mort de son parent en tuant Kendouz, soit de guet-apens, soit dans un des combats que les deux tribus se livrèrent entr'elles. La tête de Kendouz et

1 Variantes Irguen, Bergen, Mezguen, Izgou.

2 Ali était frère de Motahher.

3 Variantes: Zegdar, Zegdaz, Zegran. Ibn-Khaldoun paraît avoir

écrit Zekeddan.

́celles de ses compagnons furent envoyées à Yaghmoracen, fils de Zian-Ibn-Thabet, et ce chef, dont la soif de vengeance n'était pas encore assouvie, les substitua aux grosses pierres qui servaient à soutenir sur le feu la marmite de sa tente. En conséquence de ces événements, les Beni-Ghommi, accompagnés de leur chef, Abd-Allah, fils de Kendouz, quittèrent le pays et se rendirent à Tunis, auprès de l'émir hafside, Abou-Zékérïa. Les Abd-el-Ouad, dont le commandement passa alors entre les mains de Djaber, fils de Youçof-Ibn-Mohammed, continuèrent à habiter les plaines du Maghreb central jusqu'à l'époque où la puissance de la dynastie almohade commençait à décliner.

Yahya-Ibn-Ghanîa s'étant alors emparé des provinces de Cabes et de Tripoli, fit de fréquentes incursions dans les plaines de l'Ifrîkïa; pénétrant à l'improviste dans les villes, il les mit en ruine et, parcourant les campagnes, il y répandit la dévastation. Dans une de ces courses, il ravagea le territoire des Zenata, tua leurs émirs, pilla Tlemcen, Oran et d'autres villes du Maghreb central. Il s'acharna tellement sur Téhert par des incursions, par des enlèvements de caravanes et par la destruction des moissons qu'il réduisit cette ville à la dernière misère ; de sorte qu'après la trentième année du septième siècle, les ruines mêmes en avaient disparu.

A l'époque où vivait Ibn-Ghanîa, Tlemcen était une des localités qui possédaient une garnison almohade, et elle servait de résidence à un prince de la famille royale, chargé de la défense de la province et du maintien de l'ordre. Le sultan El-Mamoun en avait confié le commandement à son frère, le cîd Abou-Saîd, mais ce prince négligea totalement l'administration du pays et se laissa mener aveuglément par un cheikh de la tribu des Koumïa, nommé El-Hacen-Ibn-Habboun, qui était alors gouverneur du territoire [de Tlemcen]. Ce fonctionnaire nourrissait depuis longtemps une haine profonde contre les Beni-Abd-el-Ouad à cause de la domination qu'ils exerçaient sur les autres tribus et, voulant gratifier sa rancune, il persuada au cid Abou-Saîd

1 Après le verbe r'aleb, il faut insérer le mot alaihi.

d'emprisonner plusieurs cheikhs abd-el-ouadites qui lui étaient venus en députation. Il se trouvait alors en garnison à Tlemcen une compagnie de troupes almoravides que le gouvernement almohade avait épargnées et qu'Abd-el-Moumen avait fait inscrire de nouveau sur les contrôles de l'armée. Leur capitaine, Ibrahim-Ibn-Ismaîl-Ibn-Allan, intercéda en faveur des détenus et, voyant repousser sa prière, il écouta les inspirations de la fierté blessée, et résolut de se déclarer pour ibn - Ghanîa, prince de sa nation, restaurateur de l'empire almoravide. Sans. perdre un instant, il tua Ibn-Habboun, se saisit du cîd AbouSaîd, délivra les Abd-el-Ouadites et répudia l'autorité d'ElMamoun. Ceci se passa en l'an 624 (1227). Ibn-Ghanîa, averti de ce mouvement par un courrier, était parti en toute hâte pour Tlemcen, quand Ibn-Allan forma le projet de briser la puissance des Abd-el-Ouad afin de consolider la sienne, et, pour y parvenir, il invita tous les cheikhs de cette tribu à un festin afin de les assassiner. Djaber-Ibn-Youçof, auquel Ibn-Allan avait promis une réception magnifique et le rang de vizir, découvrit le piége et, sans laisser paraître la moindre méfiance, il attendit que l'officier almoravide vint à sa rencontre pour le frapper à mort, s'élancer dans la ville et y proclamer de nouveau la souveraineté d'El-Mamoun. Les habitants, auxquels il dévoila la trahison d'Ibn-Allan, qui avait eu l'intention de les livrer à IbnGhania, lui prodiguèrent des remercîments et renouvellèrent le serment de fidélité envers le sultan almohade. Djaber rassembla alors tous les Abd-el-Ouad, ainsi que leurs confédérés, les BeniRached, et envoya un messager à El-Mamoun pour lui faire connaître ce qui venait de se passer. Le sultan lui en témoigna sa satisfaction par l'envoi d'un diplôme qui le constituait gouverneur de Tlemcen et de tout le pays des Zenata, charge qui, jusqu'alors, avait été confiée aux seuls princes du sang royal. De cette manière, Djaber établit son autorité sur le Maghreb central et posa les premiers gradins d'une échelle qui devait servir à ses enfants pour monter sur le trône. Etant allé, l'an 629 (42342), à Nedroma, pour en faire le siége, il fut blessé à mort par une flèche tirée au hasard.

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