Images de page
PDF
ePub

dernier jour, Abou-Nas suivit le genre de vie qu'il avait adopté. Il laissa plusieurs fils, dont l'aîné s'appelait Ouardjïâ; les autres se nommaient Azîz, Ighrîan, Makour et Abd-er-Rahman. Ce dernier, qui naquit de la fille d'Ibn-Makhouh, fut le favori de son père et de toute la tribu. On lui tenait compte de la haute naissance de sa mère, et, à l'inspection de sa figure, on croyait reconnaître qu'un royaume était destiné à lui et à sa postérité. L'on raconte que, bientôt après sa naissance, sa mère l'emporta dans le Désert et le déposa au pied d'un arbre. Elle s'éloigna alors pour quelque affaire et, pendant son absence, un essaim d'abeilles vint voltiger autour de cet endroit comme pour se poser sur l'enfant. Elle accourut tout effrayée pour sauver son fils, quand un devin lui dit : « Aie bien soin de lui, car il est » prédestiné à de grandes choses. >>>

La jeunesse d'Abd-er-Rahman - Ibn-Abi-Nas fut entourée d'une haute considération à cause de sa noble origine et de la bravoure dont il donnait de nombreuses preuves. Soutenu par ses frères et par ses parents, il rallia autour de lui les tribus maghraoniennes et parvint ainsi à une grande puissance. Il s'était même ménagé la faveur du gouvernement almohade par une parfaite soumission et un sincère dévouement. Quand les princes de cet empire traversaient son pays pour aller faire la guerre en Ifrikia, où pour rentrer en Maghreb, ils trouvaient chez lui un accueil si empressé qu'à leur retour, ils ne tarissaient pas sur son éloge. Par cette conduite habile, Abd-er-Rahman acquit de nouveaux titres à la faveur des khalifes almohades. Un membre de la famille royale [d'Abd-el-Moumen] s'étant trouvé dans le territoire de ces Maghraoua, apprit que le khalife de Maroc venait de mourir et, se voyant exposé à perdre la vie par suite de ce changement de règne, il fit cadeau de ses montures et de ses trésors à l'émir Abd-er-Rahman qui l'avait conduit en lieu de sûreté, à travers le pays soumis à ses ordres. Ce fut là pour le chef maghraouien un nouveau moyen d'augmenter sa puissance. Il organisa une partie de ses gens en corps de cavalerie et se vit bientôt entouré d'une foule d'amis et de partisans. La mort le surprit pendant ces préparatifs, et cela à l'époque

où la dynastic d'Abd-el-Moumen, khalifes de Maroc, commençait à perdre de ses forces. Il laissa deux fils, Mendil et Tehîm.

Mendil, fils aîné d'Abd-er-Rahman, succéda au commandement de la tribu vers l'époque où Ibn-Ghanîa envahit les provinces du Maghreb central et lança sur tout ce pays les orages de la guerre. Ayant alors conçu l'espoir d'étendre sa domination sur les contrées voisines, il se conduisit comme le lion qui, pour protéger ses lionceaux, fait respecter les environs de sa tanière. Après avoir conquis les régions à l'entour de son pays, il soumit le Ouancherîch, la ville de Médéah et les lieux qui en dépendent. Ce fut lui qui construisit la citadelle de Merat.

A cette époque, la plaine de la Metidja était couverte de cultures, de villes et de villages. Les historiens rapportent que les habitants de cette région possédaient trente villes assez considérables pour pouvoir y célébrer la prière publique. Mendil envahit ce pays en y portant la dévastation, et il ne s'en éloigna qu'après y avoir tout ravagé. Pendant cette expédition, il affichait un grand dévouement à la cause des Almohades, étant, disait-il, l'ami de leurs amis et l'ennemi de leurs ennemis.

Yahya-Ibn-Ghania s'était laissé enlever l'Ifrîkïa par les Almohades et n'en conservait que la ville et les environs de Cabes, quand le cheikh Abou-Mohammed le hafside mourut à Tunis, l'an 618 (1221), après avoir bien défendu la province confiée à ses soins. Cet événement releva l'espoir d'Ibn-Ghanîa qui, toujours prêt à maintenir la cause des Almoravides, se mit encore à insulter les frontières et à dévaster les villes de l'Ifrîkia. Ensuite il passa chez les Zenata, lança ses escadrons dans les plaines de ce pays et en balaya toutes les richesses. A la suite de plusieurs rencontres entre les habitants et les troupes de cet aventurier, Mendil, fils d'Abd-er-Rahman rassembla une armée et lui livra bataille auprès de Metîdja; mais, abandonné par ses Maghraoua, qui ne purent résister aux charges de l'ennemi, il resta prisonnier entre les mains d'Ibn-Ghanîa et mourut bientôt après, par l'ordre de ce chef. Ceci se passa en l'an 622 (1225) ou 623. A la suite de cette victoire, Ibn-Ghanîa soumit la ville d'Alger et mit en croix, sur les murs de cette forte

resse, le cadavre de sa victime, afin de frapper de terreur tous ceux qui penseraient à la résistance.

Le commandement des Maghraoua passa aux fils de Mendil, qui étaient tous gens de mérite, doués d'un noble caractère et soutenus par de nombreux amis. Ils reconnurent pour chef leur frère aîné, El-Abbas-Ibn-Mendil, et celui-ci adopta les plans de son père, en s'abstenant, toutefois, d'envahir la Metîdja. Sa tribu se laissa ensuite vaincre par les Toudjîn et perdit le Ouancherîch ainsi le pays ouvert qui avoisine Médéa. Repoussée dans le territoire de Chclif, berceau de la nation maghraouienne, elle y fonda un empire bédouin et ne s'occupa plus que de la vie nomade, des tentes et des pâturages. Dans la suite, elle s'empara de Miliana, de Ténès, de Brechk et de Cherchel, en y faisant. proclamer la souveraineté des Hafsides. Ce furent les Maghraoua qui fondèrent le village de Mazouna.

Yaghmoracen-Ibn-Zîan s'étant rendu indépendant à Tlemcen, ville que lui, et son frère avant lui, avaient commandée au nom des souverains descendus d'Abd-el-Moumen, entreprit maintenant de conquérir les villes du Maghreb central. Les Toudjin et les Mendîl, se voyant obligés à reculer, tournèrent leurs regards vers l'émir Abou-Zékérïa le hafside, qui avait maintenant détaché l'Ifrîkïa du royaume des enfants d'Abd-el-Moumen. Invité par les Maghraoua à les soutenir contre les Abd-el-Ouad, ce prince rassembla ses troupes, tant almohades qu'arabes, et vint s'emparer de Tlemcen. En reprenant le chemin de sa capitale, il confirma les émirs zenatiens dans le commandement de leurs tribus et pays respectifs : El-Abbas-Ibn-Mendîl demeura ainsi chef des Maghraoua; Abd-el-Caouï fut déclaré chef des Toudjîn, et les Aulad-Haboura1 furent reconnus comme chefs des Melikich. Il autorisa ces émirs à s'entourer des emblèmes de la souveraineté et leur permit de paraître ainsi en sa présence.

El-Abbas ayant conclu un traité de paix avec Yaghmoracen, se rendit à Tlemcen et reçut de ce chef l'accueil le plus flatteur;

1 Variante: Hatoura.

mais, bientôt après, il céda à un mouvement de colère et quitta cette ville. L'on rapporte que dans un jour de réception, il raconta devant Yaghmoracen qu'il avait vu un seul cavalier tenir tête à deux cents. Quelques membres de la famille abd-el-ouadite qui entendirent ces paroles lui donnèrent un démenti. Tel fut le motif de sa colère et de son départ pour sa tribu. Plus tard, Yaghmoracen découvrit que le fait était vrai et que le cavalier était El-Abbas lui-même. Ce chef maghraouien mourut en 647 (1249-50), vingt-cinq ans après son père.

Mohammed-Ibn-Mendîl, frère et successeur d'El-Abbas, ayant conclu une paix avec Yaghmoracen, l'année de [la bataille de] Keldaman, c'est-à-dire en 6571 (1259), rangea ses Maghraoua sous les drapeaux des Abd-el-Ouad, et marcha avec eux contre le Maghreb[-el-Acsa]. Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack le mérinide repoussa cette invasion et força les coalisés à rentrer dans leurs pays respectifs.

La guerre ayant éclaté de nouveau entre les Abd-el-Ouad et les Maghraoua, ceux-ci perdirent la ville de Miliana dont les habitants se soulevèrent contre la domination hafside. Voici l'histoire de cette révolte : Abou- 'l-Abbas - el - Milîani était l'homme de son époque le plus distingué par le savoir, la piété et la connaissance des traditions relatives au Prophète. Dans cette dernière partie, il possédait des renseignements tirés des meilleures sources. Les hommes les plus éminents faisaient le voyage de Miliana exprès pour le voir, et les premiers docteurs du siècle allèrent écouter ses leçons. Placé par l'opinion publique au plus haut rang de sainteté, il obtint le commandement de sa ville natale et remplit les fonctions de cet office sous le règne de Yacoub-el-Mansour et des fils de ce monarque. Ce fut dans cette sphère propice que fut élevé son fils 'Abou-Ali. Tout en acquérant des connaissances étendues, ce jeune homme nourrissait des projets ambitieux et l'amour de la domination. A la

'Le texte arabe ainsi que celui des manuscrits porte une fausse date, celle de 647.

mort de son père, il s'élança dans la carrière du commandement et, voyant que les Maghraoua et les Beni-Abd-el-Ouad étaient en guerre, il conçut la pensée de tirer avantage de cet état de choses pour se rendre indépendant à Miltana. Ayant pris ses mesures en conséquence, il accomplit son projet, l'an 659 (4261), et fit disparaître de la prière du vendredi le nom de son souve→ rain El-Mostancer. Quand la nouvelle de cette révolte fut parvenue à Tunis, ce khalife plaça son frère Abou-Hafs à la tête d'une armée almohade et l'envoya contre le rebelle. Dans cette armée, on remarqua Don Henri, fils de Hernandez, membre de la famille des Alphonse, rois de Galice. Ce prince, accompagné d'une bande d'amis, s'était enfui de la cour de son père1 et avait cherché un asile auprès du souverain hafside. Comme le siége de Milîana traîna en longueur, Abou Hafs se ménagea des intelligences dans la ville et, favorisé par les notables qui étaient très-mal disposés pour l'usurpateur, il y fit passer de nuit quelques troupes et réussit à s'en emparer de vive force. Abou-Ali se sauva à la faveur de l'obscurité et, sortant de la ville par un aquéduc, il alla trouver les Arabes nomades et se mettre sous la protection de Yacoub-Ibn-Mouça, émir des Attaf, tribu zoghbienne. De là, il se rendit auprès de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack. Dans un de nos chapitres sur les Mérinides, nous reprendrons l'histoire de cet aventurier.

[ocr errors]

L'émir Abou-Hafs ramena ses troupes à Tunis, après avoir donné le gouvernement de Miliana à Mohammed-Ibn-Mendil. Ce chef rétablit dans la prière du vendredi le nom du souverain hafside et mourut en l'an 662 (1263-4) dans la quinzième année de sa nomination [au commandement des Maghraoua]. Il fut assassiné par ses frères, Thabet et Aïd, pendant que la tribu stationnait à El-Khamîs, localité de la plaine qui fait partie du territoire maghraouien. Son neveu, Atïa-Ibn-Monîf, fut tué à côté de lui. Thabet rassembla alors ses partisans et s'associa Aïd dans le commandement de la tribu. La division se mit dès-lors

1 Il faut lire son frère. Voy. t. 1, p. 317.

« PrécédentContinuer »