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mama-Ibn-Modahher, cheikh des Abd-el-Ouad, et Atïa-t-el-Kheir, cheikh des Beni-Toudjîn.

Bien qu'Abd-el-Moumen eût accueilli ces chefs avec une grande bienveillance, les Zenata se révoltèrent de nouveau, et les Iloumi s'enfermèrent dans leur forteresse d'El-Djâbat, avec leur cheikh, Séïd-en-Nas, et son frère Bedrèh. Les Almohades s'emparèrent de cette place, à la suite d'un siége, et déportèrent en Maghreb[-el-Acsa] les chefs des révoltés. Séïd-en-Nas fut conduit à Maroc où il mourut quelque temps avant la mort d'Abdel-Moumen et des fils de Makhoukh.

Quand les Beni-Toudjîn virent l'affaiblissement de ces deux tribus, ils commencèrent une lutte avec les Beni-Iloumi. Voulant s'emparer du territoire occupé par ceux-ci, ils engagèrent une guerre avec eux, et leur chef, Atïa-t-el-Kheir, puissamment secondé par ses parents, les Beni-Menkouch, ne recula devant aucun danger jusqu'à ce qu'il eut forcé ses adversaires à camper dans les localités occupées par sa tribu et à vivre sous la protection des vainqueurs. En montrant aux Almohades un dévouement sans bornes, les Abd-el-Ouad et les Toudjîn parvinrent enfin à soumettre les Ouémannou, les Iloumi et d'autres peuples encore. Les tribus ainsi subjuguées virent leur puissance s'évanouir, leurs camps se fractionner, et elles durent se résigner à `vivre au milieu de ces mêmes Abd-el-Ouad et Beni-Toudjin qui les avaient dépossédées de leurs terres.

Parmi les branches des Beni-Ouémannou, on compte les BeniYaleddès, bien que plusieurs personnes représentent cette famille comme une branche de la grande tribu des Maghraoua. Le territoire qu'occupe les Yaleddès est situé au Midi des deux Maghrebs et s'étend derrière l'Areg, barrière qui renferme la région cultivable et qui nous a déjà fourni le sujet de quelques observations. Ils y ont bâti des forts, construit des bourgades et planté des jardins où l'on trouve des dattiers, des vignes et d'autres arbres à fruit.

Tome 1, p. 190.

A trois journées au Midi [Sud-Est] de Sidjilmessa, dans une localité appelée le territoire de Touat, se trouve une fraction des Quémannou. On y rencontre plus de deux cents bourgades, en se dirigeant de l'Ouest àl'Est. La plus orientale de ces cosour porte le nom de Tementit. C'est aujourd'hui une ville trèspeuplée, servant de station aux caravanes qui passent et repassent entre le Maghreb et Melli, ville du pays des Noirs. Entre Tementît et Ghar 3, sur la frontière du pays de Melli, s'étend la vaste solitude où l'on ne trouve aucune source d'eau et où les voyageurs ne sauraient se diriger sans le secours de guides expérimentés, appartenant aux populations nomades porteurs du litham qui parcourent cette région sauvage. Les négociants paient très-chèrement les services de ces guides dont la présence leur est encore une protection en cas de mauvaise ren

contre1.

Bouda, la plus occidentale des bourgades touatiennes, était autrefois le point d'où les marchands prenaient leur départ quand ils voulaient se rendre à Oualaten, place frontière la plus avancée du royaume de Melli; mais elle cessa d'être fréquentée à cause des brigandages commis par les Arabes du Sous, qui se plaisaient à piller les voyageurs et à intercepter les caravanes. Alors on fraya la route qui mène dans le pays des Noirs en passant par Tementît.

A dix journées au Midi de Tlemcen se trouvent les bourgades (cosour) de Tigourarîn. Il y en a environ une centaine; elles s'élèvent dans une plaine qu'une rivière traverse de l'Ouest à l'Est. Ces localités sont très-florissantes et possèdent une nombreuse population.

Il faut supposer que notre auteur avait l'intention d'écrire treize à la place de trois.

2 Touat paraît être une forme berbérisée du mot qudh (oasis). 3 Variante Ghaz, Einan.

Voy. le Voyage au pays des Noirs, d'Ibn-Batouta, dans le Journal -asiatique de 4843. Le grand Désert qu'il place entre Taserehla et Iwalaten est évidemment le même que celui dont Ibn-Khaldoun parle ici.

Les bourgades situées dans cette partie occidentale du Désert appartiennent presque toutes aux Beni-Yaleddès; mais on y rencontre quelques autres tribus, tant zenatiennes que berbères, des Ourtatghîr, des Mozab, des Beni-Abd-el-Ouad et des BeniMerîn. Toutes ces nombreuses peuplades se tiennent loin du Tell et n'ont à subir ni l'oppression des chefs de province, ni la disgrâce des impôts. Elles possèdent des cavaliers et des fantassins; pour moyen de vivre, elles ont la culture du dattier, et, pour le commerce du Soudan, elles ont des négociants.

Toutes les plaines de cette région servent de station hivernale aux Arabes et, surtout, aux [Doui-]Obeid-Allah, tribu makilienne, laquelle doit au hasard de sa première émigration la possession d'un territoire aussi utile. Dans certaines années, la tribu zoghbienne des Beni-Amer vient partager avec eux les paturages de Tigourarîn. Les Obeid-Allah doivent de toute nécessité s'y transporter chaque année et prendre leurs quartiers d'hiver dans le Touat et à Tementît. Quand ils quittent le Tell avec leurs troupeaux pour se rendre dans cette région, les caravanes fournies par les villes du Tell se joignent à eux et les accompagnent à Tementît, où elles prennent une escorte pour le Soudan.

Dans les contrées du Désert situées derrière l'Areg, on voit employer un procédé singulier pour obtenir des sources jaillissantes, procédé qui ne se pratique pas dans le Tell du Maghreb. On creuse un puits très-profond, dont on a soin d'étayer les parois, et l'on continue ce travail jusqu'à ce qu'on atteigne une couche de pierre très-dure. On entame cette couche avec des pics et des pioches afin de l'amincir; alors, les ouvriers remontent et jettent au fond de l'excavation une masse de fer. La couche se brise et laisse monter les eaux qu'elle recouvrait; le puits se remplit, l'eau en déborde et forme un ruisseau sur le sol. Quelquefois, l'eau monte avec tant de vitesse que rien ne peut lui échapper. Ce phénomène se voit aux bourgades de Touat,

Pour ila, lisez elléti.

de Tigourarîn, de Ouargla et de Rîgh 1. Le monde est le père des merveilles et Dieu est le créateur qui sait tout !

Ayant maintenant achevé les chapitres qui traitent des Zenata de la première race, nous allons parler de la seconde race zenatienne, peuple dont l'empire se maintient encore aujourd'hui.

EXPOSITION DE LA

NOTICE DES ZENATA DE LA SECONDE RACE.
GÉNÉALOGIE ET DES RAMIFICATIONS DE CETTE GRANDE FAMILLE.

Dans le cours de notre notice des Zenata de la première race, nous avons mentionné qu'avant la ruine définitive de leur puissance, ils avaient été décimés par les Sanhadja et les Almoravides, et que l'esprit de corps qui animait toutes ces tribus disparut avec la domination qu'elles avaient exercée. Les seules branches de la souche zenatienne qui survécurent à cette catastrophe furent certaines peuplades qui n'avaient jamais étendu leur autorité sur d'autres peuples, qui ne s'étaient pas épuisées dans les jouissances du luxe et qui n'avaient pas cessé de vivre sous la tente, en parcourant, avec leurs troupeaux, la région qui sépare le Désert d'avec le Tell des deux Maghrebs. Elles reconnaissaient l'autorité des gouvernements [établis dans le Tell], mais,

En 1880-51, M. Berbrugger, conservateur de la bibliothèque et du musée d'Alger, visita la région qui s'étend depuis la frontière tunisienne jusqu'à Ouargla et au pays des Mozab inclusivement. Ayant prolongé son séjour dans le Quad Righ, il eut l'occasion d'examiner un grand nombre de puits artésiens et d'en voir creuser de nouveaux. Dans le mémoire très-intéressant qu'il a publié à ce sujet dans le journal algérien l'Akhbar (mémoire dont il existe quelques exemplaires tirés à part), il fait observer que, de nos jours, on n'emploie pas le procédé mentionné par Ibn-Khaldoun quand il s'agit de briser la mince couche (50 centimètres) de rocher qui recouvre la nappe souterraine; maintenant, le travailleur, installé au fond du puits, perce la couche au péril de sa vie. Dans le Rîgh et le canton de Ouargla, le forage des puits artésiens se pratique encore, mais quelques-unes de ces sources artificielles sont de la plus haute antiquité.

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après avoir obéi aux Zenata de la première race, elles finirent par les soumettre à leur tour. Ges succès augmentèreut leur puissance à un tel degré que les gouvernements du Tell cultivèrent leur amitié et recherchèrent leur appui. Après la chute de la dynastie almohade, ces nomades aspiraient à posséder un royaume et, s'étant fait admettre au partage du pouvoir souverain, ils fondèrent les empires dont nous allons retracer l'histoire.

ici

Les tribus formant la seconde race zenatienne sortent presque toutes de la souche de Quacîn-Ibn-Islîten et ont pour sœurs les tribus des Maghraoua et des Ifren. Je dois cependant rappeler que quelques personnes les regardent comme descendues de Quanten - Ibn-Ourchîk - Ibn - Djana, et les font ainsi sœurs de Messart [Mesrala] et de Tadjora, famille dont nous avons déjà indiqué la généalogie 1.

Une fraction des Beni-Ouacîn habita la province de Castilïa et, selon Ibn-er-Rekîk, elle mit le siége devant Touzer, l'an 333 (944-5), en conséquence d'un ordre écrit que leur adressa AbouYezid le nekkarien, à l'époque où cet aventurier fit son apparition dans l'Auras. Je crois qu'il en existe de nos jours une autre fraction dans la ville d'El-Hamma, fraction qui porte le nom de Beni-Ourtadjen, l'une des principales familles ouaciniennes; mais la grande majorité de ce peuple a toujours habité dans cette partie du Maghreb-el-Acsa qui est située entre le Molouïa et la montagne des Beni-Rached. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa indique ce fait dans une dépêche qu'il adressa à En-Nacer l'oméïade pour l'informer de la guerre qu'il avait à soutenir contre Meiçour, affranchi d'Abou-'l-Cacem le fatemide, et contre les tribus berbères et zenatiennes qui s'étaient rangées sous les drapeaux de ce général. En faisant l'énumération de ces peuples, il parle de ceux qui habitaient les environs du Molouïa et du Za : « Il y a de ce côté-là, dit-il, des Beni-Ouacîn, des Beni-Ifren,

Page 186 de ce volume.

2 Le Hamma de Cabes; voy., ci après, p. 303.

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