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de conquérir l'Ifrîkïa, et il n'attendait qu'une occasion pour attaquer le sultan [Abou-Yahya-]Abou-Bekr et pour satisfaire aux sentiments ambitieux qu'il nourrissait depuis longtemps. Le chambellan Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguîn étant venu le trouver après la mort du sultan hafside, l'encouragea dans ce projet et le poussa vivement à entreprendre une expédition contre Tunis. Animé par ces représentations, Abou-'l-Hacen s'apprêtait à prendre les armes, quand on vint lui annoncer qu'Abou-'l-Abbas, héritier du royaume des Hafsides, venait d'être assassiné. Cette nouvelle le remplit d'indignation, et avec d'autant plus de raison qu'il avait souscrit à l'acte par lequel ce prince fut déclaré héritier du trône. Cela avait eu lieu peu de temps avant la mort du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, quand le cheikh almohade, Abou-'l-Cacem-Ibn-Ottou, vint, en qualité d'ambassadeur, lui présenter des cadeaux de la part du souverain hafside. Cet envoyé lui communiqua alors l'écrit dont nous venons de parler, en le priant, au nom du sultan Abou-Bekr d'y apposer sa signature. Ayant alors appris la mort d'Abou-'lAbbas, il prétexta la violation d'un acte qu'il avait ratifié et déclara la guerre au gouvernement hafside. Dans le camp qu'il fit dresser en-dehors de Tlemcen, il distribua de l'argent aux troupes et pourvut à tous leurs besoins; puis, dans le mois de Safer 748 (mai-juin 1347), il se mit en marche à la tête d'une armée immense.

Les fils de Hamza-Ibn-Omar, émirs des Arabes nomades de l'Ifrîkïa, lui envoyèrent alors leur frère Khaled pour solliciter son appui dans une tentative par laquelle ils espéraient venger la mort de leur frère Abou-'l-Houl. Sa réponse leur étant favorable, toutes les peuplades de l'Ifrîkïa, même des provinces les plus éloignées, se déclarèrent pour les Mérinides. Ibn-Mekki, seigneur de Cabes, Ibn-Yemloul, seigneur de Touzer, Ibn-elAbed, seigneur de Cafsa, Moulahem-Ibn-Abi-Einan, seigneur d'El-Hamma et Ibn-el-Khalef, seigneur de Nefta, vinrent tous à la fois pour lui offrir leurs respects. Ils le rencontrèrent à Oran et lui prêtèrent le serment de fidélité, les uns de bon gré, les autres par crainte. Ils lui présentèrent aussi

les hommages d'Ibn-Thabet, seigneur de Tripoli, lequel n'avait pas pu les accompagner vu l'éloignement de cette ville. Après eux on vit arriver Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, seigneur du Zab, suivi des principaux cheikhs des Douaouida et de leur chef, Yacoub-Ibn-Ali. Ils trouvèrent le sultan à Beni-Hacen, dans la province de Bougie, et reçurent de lui l'acccueil le plus honorable. Chacun d'eux fut comblé de dons et obtint, en outre, sa confirmation dans le gouvernement de la ville ou du canton dont il était possesseur. Une députation des habitants d'Alger se présenta aussi, et rentra chez elle, accompagnée de plusieurs percepteurs envoyés par le sultan et placés sous l'inspection du vizir Masoud-Ibn-Ibrahim-el-Irniani.

Alors, sans perdre de temps, Abou-'l-Hacen se porta sur Bougie dont il agréa la soumission des habitants, bien que d'abord, a l'approche de son armée, ils eussent conçu le projet de lui résister. Leur émir, Abou-Abd-Allah-Mohammed, fils de l'émir AbouZékérïa, sortit au-devant du sultan mérinide et fut aussitôt envoyé en Maghreb avec ses frères. On lui assigna Nedroma. pour résidence, avec une portion des impôts de cette ville pour

son entretien.

Après avoir installé à Bougie des percepteurs et d'autres fonctionnaires, Abou-'l-Hacen partit pour Constantine. Les fils de l'émir Abou-Abd-Allah [fils du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr] conduits par leur frère aîné Abou-Zeïd, sortirent de cette ville et lui offrirent leur soumission. Il les accueillit avec bonté et les fit conduire à Oudjda, ville dont les impôts furent affectés à leur entretien.

Ayant établi ses agents et percepteurs à Constantine, le sultan fit mettre en liberté les princes hafsides que l'on y retenait prisonniers. Parmi eux se trouvèrent Abou-Abd-Allah-Mohammed, frère du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, les fils de cet Abou-AbdAllah, Mohammed, fils de l'émir Khaled, avec ses enfants et ses frères. Le sultan les emmena à Tunis et de là il les envoya en Maghreb.

Il était encore à Constantine quand les fils de Hamza-Ibn-Omar vinrent le joindre, accompagnés de tous les autres cheikhs des

Kaoub. Ils lui apprirent qu'Abou-Hafs s'était éloigné de Tunis avec les tribus des Aulad-Mohelhel et qu'il allait se jeter dans le Désert. Comme c'était là une chose qu'il fallait empêcher, il fournit à ces chefs un détachement commandé par son affranchi Hammou-el-Acheri, et les envoya à la poursuite des fuyards. Un autre détachement sous les ordres de Yahya - Ibn-Soleiman, membre de la tribu mérinide des Beni-Asker, partit avec Abou-'1- Abbas - Ibn - Mekki et se dirigea sur Tunis. La colonne expédiée contre Abou-Hafs le surprit dans le territoire d'El-Hamma, près de Cabes. Les Aulad-Mohelhel se dispersèrent après une faible résistance; Abou - Hafs prit la fuite; mais son cheval ayant posé le pied dans un trou de gerboise, s'abattit sous lui. Quand la poussière se dissipa on découvrit cet émir et l'affranchi Dafer-es-Sinan qui s'en allaient à pied. Le chef du détachement les arrêta et les chargea de fers; mais, à l'entrée de la nuit, il les fit mettre à mort de peur que les Arabes ne vinssent les délivrer. On porta leurs têtes à Abou'l-Hacen qui venait d'entrer à Bédja.

Une partie des fuyards s'étant jetée dans Cabes, Ibn-Mekki fit arrêter les fonctionnaires de l'empire qui se trouvaient parmi eux, et, dans le nombre, Abou-'l-Cacem-Ibn-Ottou, cheikh almohade, et Sakher-Ibn-Mouça de la tribu de Sedouîkich. On conduisit les prisonniers au sultan qui fit couper la main droite et le pied gauche à Ibn-Ottou, à Sakher-Ibn-Mouça et à AliIbn-Mansour; les autres furent enfermés dans un prison.

L'armée mérinide se porta alors sur la capitale; le sultan l'y suivit de près et, dans le mois de Djomada second de la même année (sept. 1347), il fit son entrée à Tunis accompagné d'un cortége magnifique. Son arrivée imposa silence à toutes les langues et calma l'agitation des esprits; les gens malintentionnés n'osèrent plus bouger, et rien ne resta du brillant empire des almohades hafsides qu'une faible étincelle dont on distinguait encore la lueur à Bône. Ce fut Abou-'l-Hacen lui-même qui laissa subsister ce dernier reste de leur domination en y établissant comme gouverneur l'émir El-Fadl, fils du sultan Abou-YahyaAbou-Bekr. Il voulut ainsi témoigner ses égards envers un

prince auquel il tenait par des liens de famille et qui, peu de temps avant la mort de son père, était allé en ambassade à la cour de Maghreb.

Abou-'l-Hacen se rendit ensuite à Cairouan et, de là, à Souça et à El-Mehdïa. Il contempla les monuments que renferment ces villes et les débris des anciennes constructions élevées par les rois fatemides et par les Zirides; il chercha aussi la bénédiction divine en visitant les tombeaux où reposent, dit-on, certains compagnons du Prophète et certains tabés, leurs successeurs immédiats. Ce fut vers la fin du mois de Châban (décembre), qu'il rentra à Tunis.

L'ÉMIR ABOU-'L-ABBAS-EL-FADL EST NOMMÉ GOUVERNEUR

DE BONE.

Peu de temps avant la mort d'Abou-Yahya-Abou-Bekr, le sultan Abou-'l-Hacen s'était décidé à lui faire demander en mariage une de ses filles. Il confia cette mission à son conseiller et confident, Arîf-Ibn-Yahya, cheikh des Beni-Soueid, tribu zoghbienne, et il fit accompagner ce chef par une bande de légistes, d'hommes de plume et d'affranchis, tous occupant une haute position à la cour. Dans cette députation se trouvèrent AbouAbd-Allah-es-Sitti, mufti du tribunal impérial, Abou-'l-FadlIbn-Abi-Medîn, secrétaire d'état, et l'eunuque Amber, émir du harem. Le sultan hafside agréa cette demande et fit partir pour le Maghreb sa fille Azouna, sœur germaine de l'émir El-Fadl auquel il donna la commission de faire le voyage avec elle. Le cheikh almohade, Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed-Ibn-Akmazîr, reçut l'ordre de les accompagner. Pendant qu'ils étaient en route, El-Fadl apprit la mort de son père. Arrivé à la cour de Maghreb, il trouva l'accueil le plus flatteur, ayant obtenu du sultan la place d'honneur et la promesse d'être placé sur le trône de l'Ifrîkia.

Voy. t, 1, 202.

Devenu maître du royaume hafside, Abou-'l-Hacen se garda bien d'exécuter un pareil engagement; mais, pour reconnaître les liens de famille qui l'attachaient à El-Fadl et pour remplir, en quelque sorte, la promesse faite précédemment, il confirma ce prince dans le gouvernement de Bône, poste qu'il avait toujours occupé. El-Fadl resta dans cette ville quand Abou-'l-Hacen en partit pour Tunis, et, comme il s'était attendu à obtenir le royaume de son père, tant à cause de sa parenté avec le sultan du Maghreb que de son ambassade à cette cour, il ressentit profondément le mauvais procédé dont il fut la victime. Aussi se tint-il immobile dans son gouvernement, épiant sans cesse l'occasion de se venger.

LES ARABES RECONNAISSENT POUR SULTAN IBN-ABI-Debbous.
'L-HACEN Essuie UNE DÉFAITE AUX ENVIRONS de Cairouan.

ABOU

Devenu maître du royaume des Hafsides, le sultan Abou-'lHacen encourut la haine des Arabes en leur ôtant les villes qu'ils possédaient à titre de fiefs (icta) et en leur refusant les dons que l'ancien gouvernement avait eu l'habitude de leur accorder. Ces nomades s'humilièrent devant la puissance du sultan mérinide, mais ils attendaient avec impatience le moment 'de se venger, et quelques-uns d'entre eux se permirent de faire des courses dans le territoire de l'empire. Or, de pareilles marques d'insubordination étaient, pour Abou-'l-Hacen, des crimes impardonnables. Une troupe de ces Arabes pénétra même jusque dans la plaine de Tunis et enleva les bêtes de somme que le sultan y faisait paître. Dès lors, les rapports qui régnaient entre eux et lui prirent un aspect menaçant, et ces nomades, redoutant le châtiment qu'ils avaient mérité, envoyèrent une députation à la capitale. Ils confiérent le soin de les disculper à Khaled-IbnHamza et à son frère Ahmed, chefs des Kaoub, assistés de Khalifa-Ibn-Abd-Allah, chef des Beni-Meskin, et de Khalifaben-Bou-Zeid, chef des Hakîm.

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