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conquête de l'Ifrikïa, il donna à Masoud le commandement du Djerîd. Ce fut là que cet officier finit ses jours. A Mouça, le troisième frère, il accorda une place parmi ses vizirs et, lors des revers qui le forcèrent à sc réfugier dans la montagne des Hintata, il n'eut plus d'autre ministre que lui. Le sultan Abou-Einan confia ensuite à Masoud les charges les plus importantes et l'établit gouverneur chez les Sedouîkich, dans la province de Constantine. Mohammed-es-Sobéïa, fils de Mouça, géra le vizirat jusqu'à la mort d'Abou-Einan. Cette famille éprouva ensuite l'inconstance de la fortune; mais, bientôt, Mohammed, fils d'EsSobéïa, devint vizir d'Abd-el-Halîm, surnommé El-Hali, fils du sultan Abou-Ali. Cette nomination eut lieu en l'an 762 (1360-4), pendant que ce prince essayait de prendre la capitale de l'empire mérinide, tentative qui ne lui réussit pas, comme on le verra dans l'histoire des Beni-Merîn. Plus tard, Es-Sobéïa reprit sa position à la cour du sultan et rentra dans le corps des vizirs. Depuis lors, il a toujours occupé de hautes positions dans l'état, ayant administré les gouvernements de Sidjilmessa, de Maroc, de Téza, de Tedla et du pays des Ghomara. Il est encore en service actif.

HISTOIRE DES OUDJEDÎDJEN ET DES OUAGOMERT, TRIBUS

ZENATIENNEs.

Nous avons mentionné que les Oudjedîdjen et les Ouaghmert font partie des tribus zenatiennes et qu'ils tirent leur origine d'Ourtenîd, fils de Djana. Nombreux et puissants dans les temps anciens, ils occupèrent diverses localités du pays des Zenata. La plupart des Oudjedîdjen habitaient Mindas, dans le Maghreb central, et avaient pour voisins les Beni-Ifren, du côté de l'Occi

élèves. Rien n'est cependant plus certain que la manière dont les Arabes prononcent ce nom : ils disent clairement et nettement Messaoud; d'ailleurs, en arabe, mim, fetha, sin se prononce mès, jamais mas, de même que la vraie prononciation d'aïn, domma waw ne saurait être dépeinte, même approximativement, que par les lettres dou. 1 Page 188 de ce volume.

dent, les Louata du Seressou, du côté du Midi, et les Matmata de l'Ouancherich, du côté de l'Orient.

A l'époque où Yala-Ibn-Mohammed l'ifrenide régnait [sur le Maghreb], ils eurent pour chef un homme de leur tribu nommé Einan. Sous la conduite de cet émir, ils firent pendant longtemps une guerre acharnée aux Louata du Seressou. Ces hostilités éclatèrent, dit-on, au sujet d'une femme appartenant à la tribu des Oudjedîdjen qui avait épousé un louatien. Les femmes du camp où son mari la conduisit furent indignées de se voir préférer une étrangère, et, pleines de jalousie, elles insultaient à leur nouvelle voisine et lui reprochaient sa pauvreté. Piquée de leurs sarcasmes, elle écrivit à Einan en le priant de la venger. Le chef oudjedîdjenite, outré de colère, se mit en campagne à la tête de tous ses parents zenatiens et de tous les voisins qu'il put rassembler. Les Beni-Ifren marchèrent avec lui sous la conduite de leur chef Yala; les Maghîla, commandés par Kelmam-IbnHaïati, les accompagnèrent ainsi que les Matmata sous les ordres de Gharaba'. Après une longue suite d'hostilités, les Oudjedîdjen enlevèrent le Seressou aux Louata et les chassèrent jusqu'à Kodia-t-el-Abed, sur l'extrême limite de cette région. Dans un des nombreux combats qui eurent lieu entre les deux partis, Einan, chef des Oudjedîdjen, perdit la vie. Il fut tué à Molakou, localité du Seressou. Les vaincus se réfugièrent dans le Guériguera, montagne située au Midi du Seressou et habitée par quelques tribus maghraouiennes. Alahem, cheikh de ces peuplades, avait été élevé par les soins de son prédécesseur, Omar, fils de Tamza. En langue berbère tamza signifie démon2. Voyant arriver les Louata, ce chef les fit attaquer perfidement par ses gens, en tua plusieurs et s'empara de leurs effets. Le reste de ces malheureux prit la fuite et se jeta dans les montagnes de Yaoud et de Derrag, où il continue à demeurer jusqu'à

1 Voy. t. 1, p. 235.

2 Tamza dans le dialecte berbère de l'Algérie signifie l'interstice entre les dents incisives. La signification qu'tbn-Khaldoun assigne à ce mot n'y est pas connue.

ce jour. Les Oudjedidjen occupèrent alors le territoire que leurs adversaires avaient possédé à Mindas et le gardèrent pour euxmêmes jusqu'à ce que les Beni-lloumi, d'un côté, leur en arrachèrent une partie, pendant que les Beni-Ouemannou les attaquèrent d'un autre côté et s'emparèrent du reste. Les Beni-Abd el-Ouad et les Toudjîn enlevèrent le Seressou aux Beni-Quemannou et le conservent encore.

Les Ouaghmert, nommés actuellement Ghomert [et Ghomra]. sont frères des Oudjedidjen; ayant, comme eux, pour aïeul, Ourtnid-Ibn-Djana. Ils formaient autrefois une très-grande tribu dont les nombreuses branches se fixèrent dans des localités diverses. La majeure partie de ce peuple occupait les montagnes qui s'étendent au midi du pays des Sanhadja, depuis El-Mechentel jusqu'à Ed-Doucen. Ils prirent une part si active à la révolte d'Abou-Yezîd, l'Homme à l'âne, qu'ils se firent châtier sévèrement par Ismaïl [-el-Mansour], aussitôt que ce prince eut vaincu son adversaire. Plus tard, les Sanhadja, commandés par Bologguîn, leur donnèrent encore une rude leçon.

Quand l'empire sanhadjien se partagea en deux royaumes dont le nouveau fut gouverné par Hammad et par ses descendants, les Ouaghmert servirent les Hammadites en partisans dévoués. Ibn-Abi-Djelli, l'un de leurs cheikhs qui avait joui de la faveur de Hammad, passa, toutefois, du côté de Badîs et reçut de ce prince un riche cadeau et des montures pour ceux de ses gens qui l'avaient suivi. Il obtint en même temps le gouvernement de la ville et de la province de Tobna. Les Arabes hilaliens ayant envahi l'Ifrîkïa, enlevèrent aux Ouaghmert tout de pays ouvert et les forcèrent à se réfugier dans les montagnes qui s'élèvent au Midi d'El-Mecîla et du pays des Sanhadja. Obligés, dans ce lieu de séjour, à renoncer aux habitudes de la vie nomade, les Ouaghmert abandonnèrent leurs tentes pour s'établir à demeure fixe dans des villages. Les Douaouida, après avoir soumis les plaines et les dépendances du Zab, se firent concéder par le gouvernement tunisien tous les impôts que pourraient fournir les montagnes des Ghomert. De nos jours, le territoire de cette population zenatienne est inclus dans les posses

sions des Aulad-Yahya Ibn-Ali-Ibn-Sebâ, famille douaouidienne.

Dans les temps anciens, un devin zenatien, nommé MouçaIbn-Saleh', parut chez les Ghomert, acquit une grande célébrité et laissa chez eux une renommée qui se maintient encore. L'on s'y transmet de vive voix certains oracles qu'il prononça en langue berbère. Ces discours affectent une forme rhythmique et renferment l'histoire de l'empire que cette race zenalienne devait fonder, ainsi que des victoires qu'elle remporterait sur les tribus des plaines et des montagnes et sur les habitants des villes. La véracité d'une grande partie de ces prédictions a été confirmée par les événements. L'on rapporte de cet homme un oracle qui, étant traduit en arabe, annonce que la dévastation atteindra Tlemcen; que les maisons de cette ville deviendront un champ qui sera labouré par un nègre au moyen d'un taureau noir et borgne. Des hommes dignes de foi ont assuré qu'ils virent l'accomplissement de cette prédiction après la destruction de Tlemcen par les Mérinides, entre les années 760 et 770. Parmi les Zenata de cette branche, Ibn-Saleh a encore des partisans dévoués et des adversaires acharnés : les uns le regardent comme un saint ou un prophète, les autres le considèrent comme un magicien. Jusqu'à présent, aucun renseignement n'est venu pour nous aider à reconnaître son véritable caractère. Dieu seul le sait.

NOTICE DES BENI-OUARGLA, TRIBU ZENATIENNE, ET DE LA VILLE QUI PORTE LEUR NOM ET QUI EST SITUÉE DANS ᏞᎬ ᎠᎬᏚᎬᎡᎢ ᎠᎬ L'IFRIKIA.

Les Beni-Ouargla, peuple zenatien, descendent de Ferîni, fils de Djana, et sont frères des Izmerten, des Mendjésa, des Sebertera et des Nomaleta 2. De toutes ces tribus, celle des Ouargla est

1 Voy. t. 1, p. 203.

2 Voy, ci-devant, p. 186.

maintenant la mieux connue. Ils n'étaient qu'une faible peuplade habitant la contrée au Midi du Zab, quand ils fondèrent la ville qui porte encore leur nom et qui est située à huit journées au Sud de Biskera, en tirant vers l'Ouest. Elle se composa d'abord de quelques bourgades voisines les unes des autres, mais sa population ayant augmenté, ces villages finirent par se réunir et former une ville considérable. Les Beni-Ouargla avaient alors parmi eux une fraction d'une tribu maghraouienne, les Beni - Zendak, et ce fut chez ceux-ci qu'Abou - Yezîd le nekkarite se réfugia, l'an 325, après avoir pris la fuite pour éviter l'emprisonnement1. Ce perturbateur passa une année sous la protection de cette tribu et se rendit à plusieurs reprises chez les Beni Berzal du Mont-Salat et chez les tribus berbères de l'Auras, afin de les convertir aux doctrines de la secte nekkarienne. Quand il quitta définitivement son lieu de retraite, il passa dans l'Auras.

Les Beni-Ouargla, voyant leur ville devenir très-populeuse, en firent une place forte pour leur servir d'asile et pour recevoir une foule de nomades zenatiens qui avaient été expulsés de leurs territoires par les Arabes hilaliens, à l'époque où les Athbedj s'approprièrent les plaines du Zab et celles qui entourent la CâlaBeni-Hammad.

L'émir Abou-Zékérïa le hafside, devenu souverain de l'Ifrîkïa, eut occasion d'en parcourir toutes les localités, pendant ses marches à la poursuite d'Ibn-Ghanîa. Etant passé par Ouargla, il en fut émerveillé et, voulant ajouter à l'importance de cette ville, il y fit bâtir l'ancienne mosquée dont le haut minaret porte encore inscrit sur une pierre le nom du fondateur et la date de sa construction.

De nos jours, la ville des Ouargla est la porte du Désert par laquelle les voyageurs qui viennent du Zab doivent passer quand ils veulent se rendre en Soudan avec leurs marchandises. Les habitants actuels descendent, les uns, des anciens Beni-Ouargla

1 Voy. p. 203 de ce volume.

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