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Bakhti, subit la mort ainsi que tous les autres membres de la famille Yala. Après cette conquête, Youçof se rendit maître d'Oran, de Ténès, du Ouancherîch, de Chelif et de tout le pays jusqu'à Alger. De là, il rebroussa chemin, après avoir fait disparaître du Maghreb central toute trace de la puissance des Maghraoua. Dans Tlemcen il installa une garnison almohade, sous les ordres de Mohammed - Ibn-Tinamer le nessoufien, et, sur l'emplacement de son camp, il bâtit la ville de Tagraret, nom qui signifie station en langue berbère. Aujourd'hui Tagraret ne forme qu'une seule ville avec Agadîr qui est l'ancien Tlemcen. La domination des Maghraoua disparut ainsi de tout le Maghreb comme si elle n'y avait jamais existé.

LES EMIRS MAGHRAOUIENS D'AGHMAT.

Je n'ai jamais pu découvrir les noms des émirs d'Aghmat, mais je sais qu'ils y gouvernaient à l'époque où les derniers princes de la famille Zîri[-Ibn-Atïa] régnaient à Fez et que les descendants de Yala l'ifrenide commandaient dans Salé et dans Tedla. Ils eurent pour voisins les Masmouda et les Berghouata. Le dernier de ces émirs vécut entre les années 450 et 460 (de 1058 à 1067). Il se nommait Lacout', fils de Youçof-Ibn-A!i. Sa femme, Zeineb la nefzaouienne, fille d'Ishac, était aussi distinguée par son habileté politique que par sa beauté. En l'an 449 (1057-8), quand les Almoravides s'emparèrent d'Aghmat, Lacout se réfugia dans Tedla et descendit chez Mohammed-IbnTemîm l'ifrenide, seigneur de Salé et des contrées voisines. En l'an 451 (1059), les Almoravides prirent Tedla, tuèrent l'émir Mohammed avec ses Ifrenides et Lacout. L'émir des Almoravides, Abou-Bekr-Ibn-Omar, épousa Zeineb, mais, en partant pour le Désert, l'an 453 (1061), il la céda à son cousin, YouçofIbn-Tachefin, qu'il venait de nommer gouverneur du Maghreb.

1 Variante Laghout. Voy. t. 11, p. 71.

Ce fut à l'intelligence de cette femme que Youçof dut l'établissement de sa puissance; ce fut en suivant les conseils de Zeineb qu'il parvint à obtenir l'autorité suprême, après le départ d'Abou-Bekr, et à détourner la résistance que ce chef avait voulu lui opposer1.

Voilà tout ce que j'ai pu apprendre au sujet de Lacout-IbnYouçof et de sa famille.

NOTICE DES BENI-SINDJAS, DES RIGHA, DES LAGHOUAT et des BENI-OUERRA, TRIBUS MAGHRAQUIENNES.

« Ces quatre peuples appartiennent à la tribu des Maghraoua, >> bien que quelques personnes prétendent qu'ils font partie » d'une toute autre branche de la grande famille zenatienne. » Je tiens ce renseignement d'un homme digne de confiance, lequel l'avait appris d'Ibrahîm-Ibn-Abd-Allah-et-Tîmzoughti, « pre» mier généalogiste zenatien de son époque, » me dit-il. L'on sait cependant que les Sindjas, les Righa, les Laghoaut et les Beni-Ouerra ont toujours compté parmi les branches les plus considérables de la tribu des Maghraoua.

Les Sindjas occupent plusieurs localités de l'Ifrîkïa, du Maghreb central et du Maghreb-el-Acsa. On en trouve aussi au midi du Maghreb central, dans la montagne des Rached et dans celle de Guérîguera; ou les rencontre même dans le Zab et dans le territoire de [la ville de] Chelif. Une de leurs familles, les Beni-Ghiar, habite cette dernière localité, et une autre, les BeniEinan 2, demeure dans le territoire de Constantine.

Autrefois, les Beni-Sindjas formaient une grande population et se signalèrent en Ifrikïa et en Maghreb par la part qu'ils prirent à la guerre des Zenata contre les Sanhadja. A cette époque, ils n'eurent presqu'aucun autre métier que le brigandage sur les

1 Voy. t. I, p. 72.

2 Variante: Ghiar.

T. III.

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grandes routes et le pillage des villes. En l'an 544 (1120-1), ils bloquèrent Cafsa, après en avoir ravagé les environs et massacré toutes les troupes melkatiennes qu'ils y rencontrèrent. Ils repoussèrent même une sortie de la garnison et lui tuèrent beaucoup de monde. Leurs désordres devinrent enfin si intolérables que Mohammed-Ibn-Abi-'l-Arab, général du sultan [sanhadjien Ali-Ibn-Yahya], fut envoyé dans le Djerîd avec un corps d'armée pour les faire cesser. Cet officier en 2 expulsa les Sindjas et rétablit la sûreté des communications; puis, en l'an 515 (1124-2), quand ils y recommencèrent leurs déprédations, il les attaqua de nouveau, leur tua beaucoup de monde et rapporta une grande quantité de têtes à Cairouan. Le gouvernement sanhadjien ne cessa de poursuivre cette population et de la moissonner avec l'épée jusqu'à ce qu'il en brisa la puissance.

Les Arabes hilaliens étant alors arrivés en Ifrikïa, enlevèrent aux Zenata et aux Sanhadja les campagnes de ce pays et forcerent [les Sindjas] à se réfugier dans leurs châteaux forts et dans leurs montagnes. Ils les contraignirent même au paiement de l'impôt, à l'exception de quelques familles qui se tenaient dans le Mont-Rached et d'autres régions du Désert. Elles restèrent dans ces contrées, bien loin des postes occupés par les troupes de l'empire, et ne payèrent aucune espèce de contribution; mais, ayant été domptées par les Amour, tribu arabe hilalienne qui vint s'établir dans cette localité, elles finirent par devenir les alliés et serviteurs du conquérant.

Les Sindjas du Zab sont, de nos jours, une population de contribuables, payant l'impôt aux cheikhs qui occupent les places fortes de cette contrée. Ceux qui habitent les territoires de Chelif et de Constantine sont aussi de ces populations soumises qui paient l'impôt au gouvernement établi. Ils professaient tous les mêmes doctrines kharedjites que les Zenata de la première

Peut-être telkatiennes, c'est-à-dire sanhadjiennes. Dans la note 2, p. 260 de ce volume, il faut lire Telkat, Tolokkata et Telkata. 2 Pour ána, liscz ánha dans le texte arabe.

race, et ceux d'entr'eux qui habitent actuellement le Zab ont conservé ces croyances hétérodoxes. Dans El-Mechentel, pays situé entre le Zab et la montagne des Rached, on rencontre aussi des Sindjas. Ils s'étaient établis dans les montagnes qui touchent au pays des Ghomert et payaient tribut aux Arabes hilaliens. qui les avaient subjuguées, et, maintenant qu'ils ont passé sous le joug des Sahari, fraction des Oroua zoghbiens qui est venue se fixer dans leur pays, ils se trouvent réduits au niveau d'esclaves.

Les Righa se composent d'un grand nombre de familles. Lors des divisions qui éclatèrent dans le sein du peuple zenatien, une partie des Righa alla s'établir dans le Djebel-Aïad et dans la plaine qui se prolonge depuis cette montagne jusqu'à Nigaous.. Ils y demeurent sous la tente; ceux de la montagne paient l'im-pôt aux émirs de la tribu d'Aïad, lesquels prélèvent cette contribution pour le compte du gouvernement établi, celui de Bougie. Ceux de la plaine de Nigaous font partie de la population

concédée aux Arabes.

Un grand nombre de Rîgha s'est établi dans le pays qui sépare les bourgades du Zab d'avec le territoire de Ouargla. Ils y ont bâti plusieurs villes, villages et bourgades sur le bord d'un ruisseau qui coule de l'Ouest à l'Est. Tous ces établissements sont entourés d'arbres; les bords du ruisseau sont couronnés de dattiers au milieu desquels circulent des eaux courantes dont les sources ont embelli le Désert. La population de ces cosour est très-nombreuse. De nos jours, on appelle cette localité le Pays des Righa; en effet, ils y sont en majorité, mais on y rencontre aussi des Sindjas, des Beni-Ifren et d'autres peuplades zenatiennes. L'union de ces populations ayant été brisée par les efforts des unes à dominer les autres, il en est résulté que chaque fraction occupe une ou plusieurs bourgades et y maintient son indépendance. L'on rapporte qu'autrefois il y avait bien plus de monde qu'à présent et l'on attribue la ruine du pays à Ibn-Ghanîa qui, dans ses guerres avec les Almohades, avait fait des incursions dans toutes les provinces de l'Ifrîkïa et du Maghreb et qui avait dévasté ce territoire dont il abattıt les arbres et combla les sources d'eau. Des villages en ruine, des débris d'édifices et

des troncs de dattiers renversés semblent encore attester la vérité de cette tradition '.

Dans les premiers temps de la dynastie hafside, le pays des Righa était placé sous l'autorité du chef almohade qui gouvernait le Zab. Ce fonctionnaire résidait tantôt à Biskera, tantôt à Maggara, et comptait les bourgades de Ouargla au nombre des locacalités qu'il administrait. Quant El-Mostancer [le souverain

'Les remarques d'Ebn-Khaldoun sur l'Oued Righ sont d'une justesse et d'une exactitude remarquables.

Le ruisseau qu'il signale est formé par la portion de l'eau des puits artésiens que les irrigations n'ont pas absorbée. Ce ruisseau a été l'objet de quelques controverses, parce que ceux qui eo niaient l'existence prenaient pour terme de comparaison nos rivières d'Europe auxquelles, assurément, on ne peut comparer celle-ci.

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Mais il est très-certain, et je l'ai observé sur place, — qu'il existe une ligne de fond le long des plantations de palmiers de l'Oued Righ, ligne qui aboutit au grand Chot Melghir après avoir reçu de nombreux affluents que le trop plein des sources jaillissantes et les torrents qui viennent de l'Ouest lui apportent, les premiers, incessaniment, et, les autres, dans les hivers pluvieux. Cette eau se voit rarement à la surface du sol, parce que celui-ci est sablonneux et se laisse pénétrer ; mais sa présence se trahit par l'espèce de liquidité du terrain, liquidité telle qu'en certains endroits appelés Bakhbakha ou bourbiers, il est très-dangereux de s'aventurer. Il y a certainement, à une assez faible profondeur, une couche imperméable, l'argile dont le percement des puits artésiens a fait reconnaître la présence en couches puissantes dans toute cette région; l'eau coule dessus et ne se montre que rarement à la surface dans les endroits où des irrégularités du fond la rendent apparente.

En somme, l'Oued Righ mérite bien plus le nom de rivière (puisqu'après tout il y coule de l'eau toute l'année) que cette quantité d'oued du Sahara qui ne sont que des lignes de fond que les eaux pluviales humectent seules et à de longs intervalles.

Ce que dit Ebn-Khaldoun de la double population de ce pays est arrivé traditionnellement jusqu'à nos jours. Ainsi, à Tougourt, par exemple, les Beni-Mansour se considèrent comme les vrais Rouagha; et ils appellent étrangers les Mestaoua qui ne sont séparés d'eux que par la rue qui va de Bab-el-Khodra à Bab-ben-'abd-es-Selam. Ceci rend compte des discordes qui déchirent la contrée et qui se manifestent.aujourd'hui comme il y a quatre siècles.

Les dévastations faites par Ebn-Ghania ont laissé des traces encore

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