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Reprenons l'histoire de Zîri-Ibn-Atïa: après s'être remis du grave échec qu'El-Modaffer lui avait fait éprouver, Zîri resta dans le Désert, où il avait rassemblé ses partisans maghraouiens, et, là, il apprit qu'une révolte avait éclaté dans l'empire sanhadjien Makcen-Ibn - Zîri - Ibn-Menad et ses frères venaient de s'insurger contre l'autorité de leur neveu1, Badîs, qui était monté sur le trône après la mort de son père, El-Mansour-Ibn-Bologguin. Cette nouvelle suffit pour diriger son attention vers le pays des Sanhadja et pour lui inspirer l'idée d'y pénétrer à l'improviste. Il fit donc une irruption dans le Maghreb central et bloqua Itouweft, fils de Bologguîn, dans Téhert. Badîs quitta Cairouan pour aller au secours de son oncle; mais, en passant par Tobna, il trouva que Felfoul-Ibn-Said-Ibn-Felfoul s'était aussi mis en révolte. Par son départ [de Cairouan], il avait fourni à ce chef l'occasion d'envahir l'Ifrîkïa et se vit lui-même obligé de rebrousser chemin afin de combattre le chef rebelle. Nous devons faire observer que Said-Ibn-Khazroun, père de Felfoul, s'était réfugié en Ifrîkïa et avait obtenu d'El-Mansour-Ibn-Bologguîn le gouvernement de Tobna. Badis marcha donc contre Felfoul et et envoya Hammad-Ibn-Bologguîn avec un corps de troupes sanhadjiennes contre Zîri-Ibn-Atïa. Les deux armées en vinrent aux mains dans la vallée du Minas, auprès de Téhert, et les Sanhadja essuyèrent une défaite qui leur coûta la perte de leur camp et de plusieurs milliers d'hommes.

A la suite de cette victoire, Zîri s'empara de Téhert, de Tlemcen, de Chelif, de Ténès et d'El-Mecîla, villes dans lesquelles il fit aussitôt célébrer la prière au nom de Hicham-el-Mowaïed et de son chambellan El-Mansour-Ibn-Abi-Amer. Ensuite, il marcha à la poursuite des Sanhadja et mit le siége devant Achîr, [ancienne] capitale de leur royaume.

Il prit alors sous sa protection Zaoui, fils de Ziri-Ibn-Menad et les autres chefs sanhadjiens qui s'étaient révolté contre. Badîs et il écrivit à El-Mansour[-Ibn-Abi-Amer] une lettre dans laquelle

• Voy. t. 11, p. 46.

il demandait à rentrer en grâce et à donner des otages; promettant de servir loyalement, s'il voulait bien lui accorder encore le gouvernement du Maghreb. Ensuite, il exprimait le désir que les frères Zaoui et Halal eussent l'autorisation de se rendre à la cour de Cordoue. El-Mansour y donna son consentement et ces princes arrivèrent chez lui, l'an 390 (1000). Abou-'l-Behar, l'autré frère, sollicita aussi la permission de se rendre en Espagne et il y envoya plusieurs messagers chargés de rappeler ses anciens services au souvenir d'El-Mansour-Ibn-Abi-Amer; mais ce ministre n'avait pas encore oublié la défection du chef şanhadjien et se borna de lui répondre qu'il verrait plus tard.

L'an 394 (4001), Zîri tomba malade sous les murs d'Achîr et leva le siége avec l'intention de rentrer dans son pays, mais il cessa de vivre avant d'y arriver. Les membres de la famille Khazer et tous les Maghraoua reconnurent alors pour chef son fils El-Moëzz. Dans le commencement de son règne, ce prince s'occupa uniquement de la guerre contre les Sanhadja; mais, ensuite, il répondit à l'invitation d'El-Mansour-Ibn-Abi-Amer et se rallia franchement aux Amerites, partisans de ce ministre. Il s'était attiré toute la bienveillance de cette faction, quand ElMansour mourut. Alors il offrit à Abd-el-Mélek-el-Modaffer, fils. d'El-Mansour, une forte somme d'argent pour se faire nommer gouverneur du Maghreb, et il ajouta que, pour garantir sa fidélité, il enverrait à Cordoue, comme otage, son fils Moannecer. El-Modaffer agréa cette proposition et chargea son vizir, AbouMohammed-Ali-Ibn-Hadlem, de porter au nouveau gouverneur le diplôme de sa nomination. Voici le texte de cette pièce :

<< Au nom de Dieu le miséricordieux, le clément! Que la bé» nédiction divine soit sur notre seigneur Mahomet! De la part >> du chambellan El-Modaffer [le triomphant] Abd-el-Mélek-Ibn>> -el-Mansour-Ibn-Abi- Amer, l'épée de l'empire de l'ımam >> et khalife, Hicham-el-Mowaïed-billah, émir des croyants, >> que Dieu prolonge l'existence de ce monarque! A tous les » habitants de la double ville de Fez et à tous les peuples du » Maghreb; que Dieu leur accorde sa protection! Nous prions » Dieu pour votre prospérité, pour votre salut et pour le bien

» de votre religion. Louanges soient rendus à Dieu qui sait tout >>> ce qui est caché, qui pardonne aux péchés et qui tourne à » son gré les cœurs des hommes! Louange au Tout-Puissant » qui donne la vie, qui la reprend et qui fait ce qu'il veut! >> Louange à Celui dont l'ordre ne trouve point d'opposi>>tion et dont la sentence n'admet point d'appel! C'est à lui >> seul qu'appartient le royaume et le commandement; le bien et » le mal sont dans sa main. C'est lui que nous adorons; c'est » à lui que nous demandons secours1! Quand il décide qu'une » chose arrive, il n'a qu'à dire sois! et elle est ?! Que Dieu » répande ses bénédictions sur Mahomet, seigneur de ses en» voyés, sur la famille de Mahomet pure de tout péché, et sur >> tous les prophètes et apôtres divins! Que le salut soit aussi

» à vous tous !

<< Considérant qu'El-Moëzz, fils de Zîri-Ibn-Atïa, que Dieu » l'exalte! nous a envoyé des messagers et des lettres, à plu»sieurs reprises, afin de se disculper de certains actes qu'une >> dure nécessité l'avait forcé de commettre, et afin d'obtenir le >> pardon de certaines fautes dont les mauvaises suites ont été » réparées par les bons effets de son repentir; car le repentir >> efface le péché, et l'acte de demander pardon écarte la répri>> mande; - considérant aussi que Dieu, lorsqu'il veut une >> chose, en rend l'exécution facile et que souvent vous repous» sez des choses qui seraient à votre avantages; — considé>> rant encore qu'El-Moëzz a promis d'obéir fidèlement, de >> marcher dans la voie droite, d'agir avec sincérité, de rendre » d'utiles services et de n'exiger qu'une modique subvention,

<< Par ces motifs, nous l'avons chargé de veiller à vos intérêts >> et nous lui avons imposé l'obligation d'agir envers vous selon » la justice, de vous délivrer de l'empire de l'oppression, de » pourvoir à la sûreté de vos routes, de favoriser les hommes de

4 Coran, sourale 1, verset 4.
2 Coran, sourale, verset 111.
3 Coran, sourate 1, verset 213.

>> bien et de pardonner aux coupables, à l'exception de ceux qui » ont transgressé les lois de Dieu, dont le nom soit béni et exalté! >> En recevant son assentiment à ces conditions, nous avons >> pris Dieu à témoin, et, en fait de témoin, Dieu [nous] suffit 1! >> Aussi, nous avons envoyé un des grands officiers de l'empire, >> notre féal ami, le vizir Abou-Mohammed-Ali-Ibn-Hadlem2, que >> Dieu exalte afin qu'il reçoive d'El-Moëzz les sûretés qu'il » doit fournir et qu'il rende impératives les obligations d'un >> acte par lequel El-Moëzz obtiendra de grands avantages. Nous >> lui avons ordonné de vous faire assister à la ratification de ce » traité comme parties intéressées, et, à cause du grand intérêt » que nous prenons à votre bonheur, nous mandons à El-Moëzz » de protéger les faibles contre les forts et de ne jamais per>> mettre que le moindre mal vous arrive; car telle est notre » volonté, soyez-en parfaitement assurés.

<< Voulant aussi que le cadi Abou-Abd-Allah donne jugement » avec notre autorisation et appui, de sorte que le blâme d'au>> cun censeur ne puisse l'atteindre devant Dieu, il nous à plu » de lui confier les fonctions de juge et, comme nous espérons » qu'il justifiera notre choix, nous le revêtissons de la dignité » de cadi. Ainsi, que Dieu nous soit en aide ! plaçons notre » confiance en Dieu seul!

<< Recevez de notre part un salut plein de bienveillance au>> quel je prie Dieu d'ajouter sa miséricorde et sa bénédiction!

<< Ecrit dans le mois de Dou-'l-Câda de l'an trois cent quatre>> vingt-seize (août 1006). »

Ce fut ainsi qu'El-Moëzz, fils de Zîri, obtint le gouvernement du Maghreb entier, à l'exception, toutefois, de la ville et province de Sidjilmessa; car Ouadeh, l'affranchi d'El-Mansour, étant gouverneur du Maghreb, avait choisi Ouanoudîn, fils de Khazroun-Ibn-Felfoul, pour y commander, ainsi que l'on verra plus loin.

1 Coran, sourate iv, verset 81

Dans le texte arabe imprimé, ce nom est écrit Djedlem. La leçon adoptée dans la traduction est celle d'un de nos manuscrits.

Encouragé et ranimé par l'arrivée de ce diplôme, El-Moëzz envoya ses agents dans toutes les provinces pour y prélever l'impôt, et, tout en augmentant l'étendue de son empire, il ne cessa de trouver une obéissance parfaite dans les diverses classes. de ses sujets.

Après la dissolution du khalifat des Oméïades espagnols et le démembrement de leur empire par les gouverneurs de leurs provinces, El-Moëzz forma le projet d'enlever Sidjilmessa à la famille de Ouanoudîn-Ibn-Khazroun. En l'an 407 (1016-7), il se mit en marche avec une armée nombreuse qu'il avait rassemblée pour cet objet; mais, ayant été battu et repoussé par les troupes. de Sidjilmessa qui s'etaient avancées à sa rencontre, il ne ramena à Fez qu'un débris de ses bandes et passa le reste de ses jours à lutter contre les difficultés de sa position. Il mourut en 417 (1026) et eut pour successeur, son cousin, Hammama, fils d'El-Moëzz-Ibn-Atïa. Quelques historiens, trompés par la similitude du nom, ont pris ce Hammama pour le fils d'El-MoëzzIbn-Zîri.

Hammama atteignit à une grande puissance et vit sa cour fréquentée par une foule d'émirs, de légistes, d'ambassadeurs et de poètes. En l'an 424 (1033), son autorité fut menacée par l'émir ifrenide, Abou-'l-Kemal-Temîm, fils de Zîri-Ibn-Yala et membre de la famille de Yeddou-Ibn-Yala, laquelle était alors maîtresse des environs de Salé1. Temîm marcha sur Fez à la tête des tribus ifrenides et de leurs alliés zenatiens, attaqua Hammama qui venait au-devant de lui avec les Maghraoua, et le força à prendre la fuite après un combat très-acharné. Cette journée coûta la vie à une foule de Maghraoua. Les Ifrenides s'emparèrent de Fez, mirent au pillage le quartier juif et réduisirent en esclavage les femmes de ce peuple. Par ce coup fatal, la prospérité des juifs fut anéantie.

Pendant que Temîm établissait son autorité dans Fez et dans les provinces du Maghreb, Hammama s'était réfugié dans Oudjda

1 Voy. ci-devant, p. 222.

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