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sassiné par son cousin, Abou-Yeddas-Ibn-Dounas, ainsi que nous l'avons déjà mentionné. La nouvelle de ces deux victoires consécutives donna la plus vive satisfaction à Ibn-Abi-Amer.

Un autre récit nous présente ces événements d'une manière différente et place la mort de Yeddou à l'époque où Zîri rentra en Afrique, après avoir fait sa visite à El-Mansour. Yeddou, diton, avait profité du voyage de Ziri en Espagne pour lui enlever la ville de Fez et y tuer un grand nombre de Maghraoua. Zîri, étant de retour, y assiégea son adversaire pendant quelque temps et emporta enfin la place d'assaut. Beaucoup de monde périt des deux côtés et Yeddou lui-même perdit la vie. Sa tête fut envoyée par Zîri au seuil du khalifat, à Cordoue.

Je dois faire observer que l'auteur de ce récit place dans une même année, 383 (993), la visite de Zîri à El-Mansour et la mort de Yeddou. Dieu sait s'il a raison!

Plus tard, la mésintelligence éclata entre Zîri et Abou-'l-Behar; un conflit eut lieu qui amena la défaite de celui-ci et son départ pour Ceuta d'où il prétendit vouloir passer en Espagne afin de se présenter devant El-Mansour. Ce ministre s'empressa d'envoyer au-devant du chef sanhadjien une escorte de troupes sous la conduite d'Eïça-Ibn-Saîd-Ibn-el-Catta, secrétaire d'état ; mais le fugitif, au lieu de les attendre, s'écarta du chemin et monta au château des Djeraoua. Il avait même eu la précaution de faire partir pour Cairouan quelques amis qui devaient intercéder pour lui auprès d'El-Mansour-Ibn-Bologguin, et amener une réconciliation entr'eux. Bientôt après, il alla joindre ce prince dont il était l'oncle et reçut de lui l'autorisation de reprendre son ancien gouvernement. De cette façon, il rentra sous l'autorité du gouvernement chîite et répudia celle des Oméïades.

El-Mansour-Ibn-Abi-Amer plaça alors tous les états du Maghreb sous le commandement de Zîri-Ibn-Atïa, le seul de tous les princes africains auquel il crut pouvoir confier la défense du

Notre auteur se trompe: ce fut Habbous, neveu de Yeddou, auquel Abou-Yeddas ôta la vie. — Voy. ci-devant, p. 221.

pays et le maintien de la domination oméïade. Il le chargea aussi de combattre le traître Abou- 'l - Behar. Pour se conformer à cet ordre, Zîri se mit en marche, avec une foule de tribus, tant zenaliennes que berbères, et contraignit le chef sanhadjien à s'enfuir jusqu'à Cairouan. Devenu maitre de Tlemcen et de tous les autres états d'Abou-'l-Behar, il s'acquit une grande puissance et étendit son autorité depuis le Maghreb-el-Acsa jusqu'au Zab. La dépêche par laquelle il fit part de son succès à Ibn-Abi-Amer fut accompagnée d'un cadeau ainsi composé : deux cents chevaux de race; cinquante chameaux mehari1 d'une vitesse extraordinaire; mille boucliers en peau de lamt 2, plusieurs faisceaux d'arcs en bois de zan3; quelques civettes, une giraffe, quelques lamt et plusieurs autres animaux sauvages du Désert; mille charges de dattes; plusieurs charges d'étoffes en laine fine. Le ministre répondit à ce témoignage de respect en confirmant Zîri dans le gouvernement du Maghreb, par un acte en date de l'an 384 (991-2). Il autorisa aussi les nomades de la tribu de Zîri à camper dans les environs de Fez.

Devenu tout puissant en Maghreb, Zîri expulsa les Ifrenîdes de Fez et les rejeta dans le territoire de Salé. En l'an 384 (994), il fonda la ville d'Oudjda, y établit son armée et les troupes de sa maison, avec un de ses parents pour gouverneur, et, voulant en faire un lieu de retraite en cas de revers, il y fit porter tous ses trésors. Dès lors, Oudjda forma le boulevard de la frontière qui sépare le Maghreb central du Maghreb-el-Acsa.

En l'an 386 (996), il encourut le mécontentement d'El-MansourIbn-Abi-Amer en laissant paraître l'indignation que lui inspira la position du khalife Hicham, réduit à subir la domination de son ministre. Ce fut en vain qu'El-Mansour essaya de lui faire

Voy, pour le Mehari les Chevaux du Sahara et le Grand Désert de M. le géneral Daumas.

2 Espèce de bubale dont on trouvera la description dans Léon et Dapper. Voy. aussi Marmol, t. 1, p. 52.

3 Le zan est une espèce de chêne bien connue en Algérie.

éprouver des humiliations; ses tentatives n'aboutirent qu'à irriter la fierté d'un chef incapable de supporter une injure. Son secrétaire, Ibn-el-Catta, ne pouvant obtenir de Zîri le renvoi de l'armée [à Ceuta], se fit livrer la forteresse de Hadjr-en-Nesr par l'officier qui y commandait. Cet homme fut envoyé par lui à la capitale [Cordoue] et reçut d'El-Mansour une forte gratification avec le titre d'En-Naseh (le fidèle). Ziri leva alors la masque toutà-fait en se déclarant l'ennemi d'El-Mansour et le partisan de Hicham-el-Mowaïed dont la réclusion et l'avilissement avaient excité sa commisération. El-Mansour, de son coté, céda aux mouvements de la colère : il supprima le traitement que Zîri touchait comme vizir; il raya de la liste des vizirs le nom de ce chef; il le mit hors la loi et fit choix de l'affranchi Ouadeh pour gouverner le Maghreb et combattre le rebelle. Une troupe d'élite, composée de guerriers choisis dans tous les corps de l'armée et parfaitement équipés, fut mise à la disposition de cet officier, ainsi qu'une forte somme d'argent pour frais de guerre, avec grande provision d'arcs et d'autres armes. Parmi les princes africains qui se trouvaient à Cordoue et qui reçurent l'ordre de partir pour l'Afrique avec Ouadeh, on remarqua Mohammed-Ibn-elKheir, petit-fils de Mohammed-Ibn-el-Kheir, Zîri-Ibn-Khazer, Bekças-Ibn-Séïd-en-Nas, neveu des précédents, Noubakht-IbnAbd-Allah-Ibn-Bekkar l'ifrenîde, Ismaïl-Ibn-el-Bouri et Mohammed-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Medyen, chefs miknaciens, et Khazroun-Ibn-Mohammed l'azdadjien. Les principaux officiers de la milice eurent aussi l'ordre de prendre part à cette expédition.

En l'an 387 (997), Ouadeh quitta la capitale à la tête de son armée et aborda à Tanger, d'où il alla camper sur le bord du Redat. Zîri-Ibn-Atïa parut alors sur l'autre bord avec tous les guerriers de sa tribu. Trois mois après le commencement des hostilités, Ouadeh fit arrêter les chefs des Beni-Berzal, dont il soupçonna la fidélité, et les envoya à Cordoue, en priant El-Mansour de les punir. Ce ministre leur adressa une reprimande sévère, mais, ayant entendu leur justification, il les traita avec indulgence et leur donna une autre destination. Ouadeh s'empara ensuite d'Azîla et de Nokour; puis, à la suite de plusieurs com

bats, il réussit à surprendre, de nuit, le camp de Zîri, qui s'était posté près d'Azîla, et à lui tuer beaucoup de monde.

Ibn-Abi-Amer, voulant surveiller de près les opérations de son général et lui expédier des renforts, quitta Cordoue à la tête d'une armée, se rendit à Algésiras et dressa son camp auprès du port où l'on s'embarque pour l'Afrique. Il envoya alors chercher son fils Abd-el-Mélek-el-Modaffer, qu'il avait laissé à EzZahera en qualité de lieutenant-général, et, lui ayant adjoint les premiers dignitaires de l'empire ainsi que plusieurs chefs militaires pour compléter sou cortége, il le fit passer en Afrique et repartit lui-même pour Cordoue. La nouvelle de l'arrivée d'ElModaffer en Maghreb se répandit avec une grande rapidité et produisit le meilleur effet tous les princes berbères qui, jusqu'alors, avaient soutenu Zîri, s'empressèrent d'accourir auprès du fils d'El-Mansour et jouir d'un accueil tellement bienveillant que jamais chose pareille ne s'était vue.

El-Modaffer se porta à Tanger où il opéra sa jonction avec Ouadeh, et il y passa quelque temps afin d'organiser l'armée. Quand tous ses préparatifs furent terminés, il se mit en marche à la tête d'une multitude innombrable et, arrivé sur le bord du Mena2, dans la province de Tanger, il découvrit l'armée de Ziri qui avançait à sa rencontre. Dans le mois de Choual 388 (octobre 998), eut lieu une bataille des plus acharnées : les partisans d'El-Modaffer commencèrent même à craindre une défaite, mais leur chef demeura inébranlable. Quand le tumulte du combat était au plus fort, un des serviteurs de Zîri, mu par un sentiment de vengeance, profita de la confusion pour lui porter trois coups de lance qui le blessèrent grièvement au cou. Il partit aussitôt à bride abattue pour annoncer cette nouvelle à ElModaffer. Comme l'étendard de Zîri était encore debout, le prince traita le transfuge de menteur; puis, ayant appris la

1 Palais magnifique bâti par El-Mansour à quatre lieues Est de Cordoue.

• Variante: Meta, Meti. Dans l'édition imprimée du Cartas, on lit El-Mena.

vérité du fait, il chargea sur l'ennemi, le mit en pleine déroute et en fit un grand carnage. Le camp de Zîri et les richesses immenses qu'on y avait déposées tombèrent au pouvoir du vainqueur.

Zîri, grièvement blessé, fut transporté à Fez par un petit nombre de ses partisans, échappés au désastre, et, ne pouvant s'y faire admettre, il consentit à s'en aller quand les habitants lui auraient remis son harem. Il partit alors avec les femmes de sa famille et courut au Désert pour échapper aux troupes qui le poursuivaient. Ses états rentrèrent tous au pouvoir des Oméïades. El-Mansour apprit la nouvelle de cette victoire par une dépêche que son fils lui envoya, et il en ressentit une telle satisfaction qu'il rendit à Dieu des actions de grâce, distribua d'abondantes aumônes, affranchit une foule d'esclaves et envoya à son fils Abd-el-Mélek-el-Modaffer le diplôme de gouverneur du Maghreb.

El-Modaffer rétablit bientôt l'ordre dans le pays et en mit les frontières à couvert d'insulte; il envoya des fonctionnaires du gouvernement dans les provinces et expédia Mohammed, fils de Hacen-Ibn-Abd-el-Ouédoud, à Tedla avec un gros détachement de la milice. A Hamid-Ibn-Yesel, il donna le gouvernement de Sidjilmessa. Tous ces officiers se rendirent dans leurs provinces respectives et en envoyèrent les impôts (kharadj) au gouverneur en chef, après avoir reçu la soumission des habi

tants.

Dans le mois de Djomada [premier] 389 (avril-mai 999), ElMansour rappela son fils et nomma Ouadeh gouverneur du Maghreb. Ce général administra avec autant de fermeté que d'intégrité; mais, dans le mois de Ramadan de la même année (août-sept.), il fut remplacé par son neveu Obeid-Allah-IbnYahya. Celui-ci eut pour successeur Ismaïl-Ibn-el-Bouri qu'ElMansour remplaça, plus tard, par Abou-'l-Ahouas-Megguen-IbnAbd-el-Azîz-et-Todjîbi. Après la mort d'El-Mansour, son fils Abd-el-Mélek-el-Modaffer rappela El-Moëzz, fils de Zìri, du Maghreb central où il s'était réfugié, l'établit dans Fez et lui remit le commandement que Zîri avait exercé.

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