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NOTICE DES MAGHRAOUA, PEUPLE ZENATIEN DE LA PREMIÈRE RACE. ORIGINE ET VICISSITUDES DES DYNASTIES QU'ILS FONDÈRENT EN MAGHREB.

Les tribus maghraouiennes formaient la plus grande branche de la race zenatienne dont elles étaient aussi la portion la plus brave et la plus puissante. Issues de Maghraou, fils d'Isliten, fils de Mesri, fils de Zakia, fils d'Ourcîk [Ourchîk], fils d'Addidet, fils de Djana, elles avaient pour sœurs les Beni-Ifren et les Beni-Irnîan. Dans notre notice des Beni-Ifren, on trouvera indiquée la diversité d'opinions qui règne au sujet de la filiation de ces trois peuples.

Parmi les nombreuses branches et subdivisions de la tribu des Maghraoua, on remarque les Beni-Ilit, les Beni-Zendak, les Beni-Ourac, les Ourtezmir 3, les Beni-Bou-Said, les Beni-Ourcîfan, les Laghouat, les Beni-Rîgha et d'autres dont je ne me rappelle pas les noms. Le pays qu'ils avaient l'habitude de parcourir est situé dans le Maghreb central et s'étend depuis [la ville de] Chelif jusqu'à Tlemcen et, de là, aux montagnes de Mediouna. Habitués, comme leurs frères, les Beni - Ifren, aux usages de la vie nomade, ils étaient en rivalité avec eux, ce qui donna lieu à de fréquentes querelles suivies de réconciliations.

Les Maghraoua vivaient sous la tente et formaient une nation puissante à l'époque où l'islamisme viut les surprendre. Ayant été confirmés dans leurs possessions, ils embrassèrent cette religion avec sincérité, et ce fut alors que leur émir, Soulat-IbnOuézmar, se rendit auprès d'Othman-Ibn-Affan, à Médine. Ac

▲ Voy. pp. 197, 198 de ce volume.

• Variante: Ilent.

3 Variantes: Ourtezmar, Ourtezměr, Ourtezmin.

• Il y a plusieurs montagnes qui portent ce nom; celle dont il s'agit ici est située près de Mazouna.

cueilli avec une grande bienveillance par ce khalife, il obtint, en récompense de sa démarche, l'honneur d'être formellement reconnu comme chef de sa tribu et du territoire qu'elle occupait. Il rentra alors dans son pays, comblé de dons et de faveurs, jouissant du bonheur de connaître la vraie foi, et partisan zélé des tribus qui [comme les Coreich et les Oméïades, famille d'Othman,] descendent. de Moder. Son dévouement à cette portion de la nation arabe ne se démentit jamais.

Selon un autre récit, il avait été fait prisonnier dans un des combats qui eurent lieu entre les Arabes et les Berbères, lors de la première invasion de son pays et avant que les Berbères eussent accepté l'islamisme. En considération du haut rang qu'il tenait chez son peuple, on l'envoya à Othman. Gracié par ce khalife, il devint bon musulman et fut nommé commandant de sa tribu.

Depuis lors, Soulat et toutes les tribus maghraouiennes se regardèrent comme clients d'Othman et des Oméïades. Dévoués exclusivement à cette branche des Coreichides, les Maghraoua témoignèrent leur respect des obligations qu'impose la clientèle, en soutenant avec zèle la cause des Oméïades espagnols. Cela est un fait que l'on va reconnaître en lisant leur histoire.

Après la mort de Soulat, son fils Hafs succéda au commandement des Maghraoua et des autres tribus zenatiennes. Ce fut un des plus grands princes qui régnèrent sur ce peuple. Quand il mourut, l'autorité passa à son fils Khazer. La révolte de Meicerael-Hakîr et de la tribu de Matghara ayant affaibli l'influence du khalifat dans le Maghreb-el-Acsa, Khazer et ses Maghraoua profitèrent de cet état de choses pour se faire redouter des émirs

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4 Ou Merouanides. La dynastie des Oméïades qui régna en Espagne fut appelée merouanide, parce que son fondateur, Abd-er-Rahman, appartenait à la branche merouanide de la famille d'Oméĩa. Ce prince était fils d'Abd-er-Rahman, fils de Moaouïa, fils de Hicham, fils d'Abdel-Melek, fils de Merouan, fils d'El-Hakem, fils d'Abou-'l-Aci, fils d'OméYa lequel fut père d'Abou-Sofyan, aïeul de la dynastie oméïade qui règna en Orient.

arabes-moderides qui commandaient à Cairouan. Devenus une puissante nation, ils étendirent leur domination sur les Zenata nomades du Maghreb central. Quand la chute des Oméïades de l'Orient eut suspendu l'influence des Arabes en Maghreb, la domination et les prétentions des Maghraoua prirent un grand essor. Sur ces entrefaites, Khazer mourut et laissa le commandement à son fils Mohammed.

En l'an 170 (786-7), sous le khalifat d'El-Hadi, on vit arriver en Maghreb Idris l'ancien, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen, qui vint y chercher un refuge. Soutenu par les tribus berbères d'Auréba, de Sedîna et de Maghîla, il détacha ce pays pour toujours de l'empire des Abbacides et y fonda un royaume pour lui-même. En 174 (790-4), il envahit le Maghreb central et reçut la soumission des Maghraoua. Alors leur chef, Mohammed-Ibn-Khazer, lui remit la ville de Tlemcen qu'il venait d'enlever aux Ifrènides et lui procura ainsi le moyen d'arracher toutes les provinces du Maghreb central à la domination des Aghlebides. Après la mort d'Idris, ses états et la ville de Tlemcen passèrent à son fils, Idris-Ibn-Idrîs, qui jouit dès lors du même appui que son père avait reçu de la famille Khazer. Idris I régnait encore quand son frère, Soleiman-Ibn-AbdAllah, vint le trouver après avoir quitté l'Orient. Le réfugié s'établit dans Tlemcen et obtint de l'affection fraternelle le gouvernement de cette ville. Son fils, Mohammed-Ibn-Soleiman, lui succéda, avec l'autorisation d'Idris II. De cette manière, Tlemcen et les villes qui en dépendent devinrent l'apanage des Beni-Soleiman. Les forteresses maritimes de cette province se partagèrent bientôt entre les descendants de Soleiman : les fils d'Idris, fils de Mohammed-Ibn-Soleiman, gardèrent Tlemcen; ceux d'EïçaIbn-Mohammed se fixèrent à Archgoul, et la famille d'IbrahimIbn-Mohammed eut le gouvernement de Ténès. Dans la province de Tlemcen, le pays ouvert fut abandonné aux Beni-Ifren et aux Maghraoua, et, dans le Maghreb central, les plaines continuèrent d'être en la possession de Mohammed-Ibn-Khazer.

Les choses restèrent en cet état jusqu'à la formation de l'empire fatemide. Alors, en l'an 298 (940-1), Obeid-Allah le Mehdi

envoya en Maghreb une armée ketamienne sous les ordres d'Arouba-Ibn-Youçof le ketamien. Ce chef rentra en Ifrîkïa après avoir conquis la partie orientale du Maghreb. Une autre armée ketamienne, commandée par Messala-Ibn-Habbous, pénétra dans le même pays, s'empara des états idrîcides et obligea les membres de cette famille à reconnaître la souveraineté d'ObeidAllah. Yahya-Ibn-Idrîs-Ibn-Omar, dernier des rois idrîcides, abdiqua le pouvoir et fit sa soumission au vainqueur. En récompense de sa conduite, Messala lui confia le gouvernement de Fez et reprit le chemin de Cairouan après avoir choisi MouçaIbn-Abi-'l-Afïa, émir des Miknaça et seigneur de Teçoul et de Tèza, pour commander dans les plaines du Maghreb. MohammedIbn-Khazer, petit-fils de ce Mohammed-Ibn-Khazer-Ibn-Hafs qui avait soutenu la cause d'Idris l'ancien, se mit alors en révolte et porta les Zenata et les peuples du Maghreb central à proscrire les partisans de la dynastie fatemide. En Pan 309 (921922), le Mehdi Obeid-Allah fit marcher contre lui une armée ketamienne sous la conduite de Messala - Ibn - Habbous, gouverneur du Maghreb. Ibn-Khazer rassembla les Maghraoua et les autres peuples zenatiens afin de résister à cette attaque. L'armée de Messala fut mise en déroute et ce général, s'étant élancé sur Mohammed-Ibn-Khazer, mourut de la main de ce chef.

L'année suivante, Obeid-Allah envoya son fils, Abou-'l-Cacem, contre Ibn-Khazer. A l'approche de ce prince, les Zenata prirent la route du Désert et, se voyant traqués par lui jusqu'au Molouïa, ils coururent se réfugier dans le territoire de Sidjilmessa. Abou-'l-Cacem se jeta alors sur le Maghreb, qu'il parcourut en tous sens, afin de le soumettre à l'autorité du gouvernement fatemide.

Ayant alors confirmé Ibn-Abi-'l-Afta dans son commandement, il rentra en Ifrîkïa, sans avoir à souffrir, en marche, de la moindre ruse de guerre.

* Il faut remplacer le mot ictada par intacad dans le texte arabe.

Vers cette époque, [Abd-er-Rahman-Jen-Nacer, seigneur de Cordoue 1, conçut l'espoir d'occuper le Maghreb occidental, et, après avoir écrit aux princes idricides et aux chefs zenatiens pour leur faire connaître ses intentions, il leur envoya, l'an 316 (928-9), son conseiller privé, Mohammed-Ibn-Abd-Allah-IbnAbi-Eïça. La réponse d'Ibn - Khazer ne se fit pas attendre : il s'empressa d'expulser du Zab les partisans des Fatemides et de leur enlever Chelif et Ténès. Il prit aussi la ville d'Oran, y plaça comme gouverneur son fils El-Kheir et soumit à l'autorité des Oméïades toutes les parties du Maghreb central, à l'exception de Téhert. Son zèle pour cette cause trouva un imitateur dans Idrîs, fils d'Ibrahim-Ibn-Eïça-Ibn-Mohammed-Ibn-Soleiman et seigneur d'Archgoul.

En l'an 317 (929-30), En-Nacer enleva Ceuta aux Idrîcides. Plus tard, Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa passa du côté des Oméïades et prêta son appui à Mohammed-Ibn-Khazer. Felfoul, frère de celui-ci, alla se joindre aux Fatemides et, en récompense de sa défection, il obtint du Mehdi Obeid-Allah le gouvernement de Téhert. Ayant alors marché sur Fez, chassant devant lui les populations nomades, tant zenatiennes que miknaciennes, il réussit à soumettre le Maghreb. En 322 (934), l'eunuque Meiçour [général fatemide] entra dans ce pays et mit le siége devant Fez; mais la résistance qu'il y trouva fut si grande qu'il repartit pour l'Ifrîkïa. En 328 (939-40), Hamîd-Ibn-Yesel [officier au service des Fatemides] passa du côté de Mohammed-Ibn-Khazer; puis, il traversa le Détroit et obtint d'En-Nacer le gouvernement du Maghreb central.

L'embarras que la révolte d'Abou-Yezîd créa au gouvernement fatemide permit à Mohammed-Ibn-Khazer et aux Maghraoua de montrer toute leur puissance, et, en l'an 333 (944-5), ils marchèrent contre Téhert avec Hamid-Ibn-Yesel, le général oméïade. Parmi les chefs qui prirent part à cette expédition, on remarqua El-Kheir-Ibn-Mohammed, son frère Hamza, son on

1 Souverain oméïade de l'Espagne.

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