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coup de monde. El-Mansour poursuivit Mabed jusqu'à El-Mecîla, où il le perdit de vue. Il était encore campé près de cette ville, quand il apprit que Hamîd-Ibn-Yezel, officier auquel il avait confié le gouvernement de Téhert et le commandement des tribus qui s'étaient alliées aux Fatemides, venait de répudier son autorité et de s'embarquer à Ténès pour l'Espagne. Il partit sur-le-champ pour Téhert et y Téhert et y installa un nouveau gouverneur, ainsi que dans Ténès; puis il tourna ses armes contre les Louata et les rejeta dans le Désert.

Rentré en Ifrîkïa, l'an 335, il se mit en campagne avant l'expiration de l'année et marcha contre El-Fadl qui faisait des courses dans la province de Castîlïa. Arrivé à Cafsa, il prit la route d'El Meddîla, dans le Zab, et s'empara de Madas, château qui en est voisin. Ne pouvant atteindre El-Fadl, qui s'était enfoncé dans le Désert, il reprit le chemin de Cairouan, où il fit sa rentrée en l'an 336 (947-8). Fadl reparut alors dans l'Auras et mit le siége devant Baghaïa; mais Batît-Ibn-Yala, un de ses compagnons, le tua de guet-apens et porta sa tête à El-Mansour.

Quelque temps après, Abd-Allah-Ibn-Bekkar, chef maghraouien, assassina Aïoub, l'autre fils d'Abou-Yezîd, et alla présenter la tête de sa victime à El-Mansour dont il cherchait à gagner la faveur. La mort d'Abou-Yezîd et de ses fils entraîna la dispersion de leurs partisans. El-Mansour continua à poursuivre et à châtier les tribus ifrénides jusqu'à ce qu'il eût exterminé le parti nękkarite.

PREMIER EMPIRE FONDÉ PAR LES BENI-IFREN DANS LE MAGHREB CENTRAL ET DANS LE MAGHREB-EL-ACSA.

Les nombreuses branches de la tribu d'Ifren vivaient dispersées les Beni-Ouargou, les Mérendjîsa et quelques autres habitaient l'Ifrikïa, ainsi que nous l'avons dit, et une foule de peuplades, appartenant à la même grande famille, occupait la région qui sépare Téhert de Tlemcen. Ce furent ceux-ci qui fondèrent Tlemcen et dont le chef, Abou-Corra, se révolta en

Maghreb et assiégea Omar-Ibn-Hafs dans Tobna, vers l'époque où les Abbacides commencèrent à régner.

Lors de la chute d'Abou-Yezîd, quand El-Mansour châtia les Ifrenides établis en Ifrîkïa, les branches de la même tribu qui habitaient les environs de Tlemcen conservèrent intacts leur nombre et leur puissance. Au temps d'Abou-Yezîd, elles eurent pour chef Mohammed-Ibn-Saleh. Quand El-Mansour accorda aux Maghraoua et à leur chef, Mohammed-Ibn-Khazer, le commandement de cette partie du Maghreb, la guerre s'alluma entre ceux-ci et les Beni -Ifren. Mohammed - Ibn - Saleh fut tué par Abd-Allah-Ibn-Bekkar, chef ifrenide qui avait passé aux Maghraoua, et son fils, Yala, lui succéda dans le commandement.

Yala-Ibn-Mohammed s'acquit une grande réputation et fonda la ville d'Ifgan. Abd-er-Rahman-en-Nacer, souverain oméïade d'Espagne, voulant rallier à sa cause les Zenata du Maghreb, chercha l'amitié des princes de ce pays et, parmi les premiers à le soutenir, il trouva Yala, fils de Mohammed. L'exemple de ce chef fut suivi par El-Kheir-Ibn-Mohammed-Ibn-Khazer et ses Maghraoua. En l'an 343 (954-5), Yala enleva Oran à Moham med-Ibn-[Abi-]Aoun, commandant que Doouas - Ibn-Soulat-elLehîci, chef ketamien, y avait installé l'an 298 (910-1). La ville fut prise d'assaut et ruinée de fond en comble. Quelque temps auparavant, Yala avait marché contre Téhert, accompagné d'ElKheir-Ibn-Mohammed, et mis en déroute les Lemaïa que l'eunuque Meiçour, gouverneur de la place, menait contre lui. Téhert succomba; Meiçour fut fait prisonnier et Abd-Allah-IbnBekkar tomba entre les mains d'El-Kheir et fut livré par lui à Yala-Ibn-Mohammed. Celui-ci ne voulut pas se contenter d'une. seule victime pour expier la mort de son père; aussi, pour conserver son droit de vengeance [afin de pouvoir l'exercer plus tard contre la famille d'Ibn-Bekkar,] il envoya cet homme à un Ifrenide qui le fit mourir pour satisfaire à une vengeance personnelle.

Quand Yala eut établi sa puissance en Maghreb, il fit célébrer la prière publique au nom d'Abd-er-Rahman-en- Nacer dans toutes les mosquées, depuis Téhert jusqu'à Tanger. Il demanda

alors au souverain oméïade des hauts commandements dans les villes du Maghreb pour les membres de sa famille, et obtint pour son parent, Mohammed-Ibn-el-Kheir-Ibn-Mohammed, le gouvernement de Fez. L'année même de sa nomination, Mohammed demanda, par esprit de piété, la permission d'aller faire la guerre sainte en Espagne, et, quand cette autorisation lui fut accordée, il laissa dans Fez, en qualité de lieutenant, son cousin 1 Ahmed-Ibn-Abi-Bekr, petit-fils d'Ahmed-Ibn-Othman-Ibn-Saîd. Ce fut Ahmed-Ibn-Abi-Bekr, qui, en l'an 344 (955-6), bâtit à Fez le minaret de la grande mosquée qui est située dans le quartier des Cairouanites.

La puissance de Yala-Ibn-Mohammed ne cessa de croître jusqu'à l'an 347, quand El-Moëzz[, le khalife fatemide,] mit son secrétaire, Djouher le sicilien 2, à la tête d'une armée et l'envoya de Cairouan en Maghreb. Aussitôt que ces troupes eurent dépassé la frontière de l'Ifrîkïa, Yala s'empressa de faire acte de soumission. Oubliant ses obligations envers les Omeïades, il partit de sa ville d'Ifgan et alla au-devant du général fatemide. Ses promesses de fidélité et l'engagement qu'il prit au nom des Zenata de servir la cause des Fatemides lui valurent [en apparence] un bon accueil; mais Djouher nourrissait déjà dans son cœur l'intention de le faire assassiner. Pour y parvenir, il attendit le moment où Yala devait s'en retourner à 3 Ifgan. D'après ses instructions secrètes, quelques-uns de ses affidés vinrent ce jourlà donner une fausse alerte sur les derrières de l'armée; les chefs ketamiens, sanhadjiens et zenatiens s'y précipitèrent à

3

A la lettre fils de son oncle paternel. Ce reuseignement ce saurait être exact puisque les généalogies des deux chefs s'y opposent : l'aïeul paternel de l'un se nommait Mohammed et celui de l'autre s'appelait Ahmed. L'auteur du Cartas, p. 54 du texte arabe de l'édition imprimée, avait déjà donné cette fausse indication, et Ibn-Khaldoun á copié les paroles de cet historien sans s'apercevoir de l'erreur.

2 Voy. t. I, p. 543.

* Le texte imprimé, d'accord avec les manuscrits, porte min; il faut Lire ila

l'envi et, dans la confusion qui en résulta, quelques officiers ketamiens et sanhadjiens se saisirent de Yala et le tuèrent à coups de lance. Le sang de ce chef étant ainsi retombé sur deux puissantes tribus, il n'y avait pas moyen de le venger. Djouher dévasta la ville d'Ifgan et, levant alors le masque tout-à-fait, il poursuivit les Zenata avec acharnement. Quelques historiens disent que Djouher revenait de son expédition contre Téhert quand il fit la rencontre de Yala; ils ajoutent qu'il le tua dans les environs du Chelif.

La confédération des tribus ifrenides se brisa par suite de cet événement et leur domination fut anéantie. Plus tard, ils se rallièrent, dans le Maghreb, autour de Yeddou, fils de Yala, ainsi que nous le raconterons ailleurs. Une partie considérable du peuple ifrenide passa en Espagne où nous la retrouverons tantôt. La puissance des Beni-Ifren se releva à Fez par les efforts de la postérité de Yala et se consolida ensuite à Salé. Plusieurs princes ifrenides régnèrent dans cette ville, ainsi que nous allons le raconter.

SECOND EMPIRE IFRENIDE.

ROYAUME DE CHALA.

En l'an 347 (958-9), après l'assassinat de Yala-Ibn-Mohammed et la ruine de la coalition ifrenide, Yeddou, fils de Yala, traversa le Maghreb-el-Acsa, se réfugia dans le Désert pour échapper à Djouher et ne sortit de sa retraite qu'après le départ du général fatemide pour l'Ifrikïa. Selon un autre récit, il fut emmené prisonnier par Djouher, mais il parvint à effectuer son évasion. Il rallia alors autour de lui les débris de son peuple.

En quittant le Maghreb, Djouher établit dans Basra El-HacenIbn-Kennoun l'idricite, chef des Beni-Mohammed, pour commander aux Idricides qui s'étaient retirés dans le Rif et le pays des Ghomara. En l'an 350 (961-2), Ibn-Kennoun défit les troupes de Mohammed-Ibn-Cacem-Ibn-Tamlès1, vizir auquel le nouveau

↑ Notre auteur, dans son chapitre sur les Idricides du Rif, place l'expédition d'Ibn-Tamlès, ou Tamellès, en l'an 352. Voy. t. II, p. 149.

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souverain oméïade, El-Hakem-el-Mostancer, avait donné l'ordre de traverser le Détroit et de soumettre le Maghreb. Quand IbnTamlès fut rentré en Espagne, El-Hakem envoya en Afrique une seconde armée sous la conduite de l'affranchi Ghaleb. Les instructions de ce général portaient qu'il devait soumettre le Maghreb et déraciner les derniers restes de la puissance des Idricides. Cette famille perdit alors ses états, et tous ses membres furent déportés en Espagne, l'an 365 (975-6). Quand Ghaleb eut établi la suprématie des Oméïades dans le Maghreb, il reçut d'El-Hakem l'ordre de rentrer en Espagne et d'aller prendre la défense de la Frontière. Yahya Ibn-Mohammed-Ibn-Hachem - et -Todjîbi, ex-commandant de la Frontière Supérieure (Aragon), lequel avait conduit la légion arabe et les garnisons des forteresses [espagnoles] au secours de Ghaleb, obtint alors le gouvernement du Maghreb. A l'époque où El-Hakem tomba en paralysie, la puissance des Oméïades s'affaiblit dans le Maghreb, et l'Espagne eut besoin de toutes ses troupes afin de couvrir ses frontières et d'en repousser l'ennemi [chrétien]. Le chambellan El-Mashafi se vit donc obligé de rappeler Et-Todjîbi et de confier le gouvernement du Maghreb à Djâfer-Ibn-Ali-Ibn-Hamdoun, ex-émir du Zab et d'El-Mecîla, lequel avait abandonné le parti des Fatemides pour celui des Oméïades. Cette nomination eut un double avantage : elle assurait à l'empire les services d'un officier distingué et garantissait le pays contre ses tentatives ambitieuses. En cas de revers, le khalifat des Oméïades ne pouvait avoir rien à craindre des Berbères, peuple accablé par le malhear, affligé par de rudes épreuves et dont une portion considérable se trouvait déjà réunie à Cordoue [sous le drapeau du souverain]. Djâfer et son frère revêtirent leurs robes d'investiture et partirent pour le Maghreb, emportant avec eux des sommes considérables et une quantité de pelisses magnifiques qu'ils devaient distribuer [comme emblèmes d'autorité] aux princes africains. Arrivé à sa destination, l'an 365 (975-6), Djâfer prit le commandement et s'entoura des chefs des tribus zenatiennes. Parmi ces grands personnages, on compta YeddouIbn - Yala, émir des Beni - Ifren, son cousin Noubakht - Ibn

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