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» ajoute-t-il, sont celles que l'on désigne par le titre d'Enfants

» de Demmer. »

Tels sont les renseignements fournis par Ibn-Hazm et recueillis, à ce qu'il nous assure, de la bouche d'Abou-Mohammedbou-Ighni1-el-Berzali l'eibadite, « personnage, dit-il, d'une >> grande piété et très-savant dans les généalogies berbères. Il >> m'a déclaré que les Beni-Ouacin et les Beni-Berzal avaient pro>> fessé la doctrine eibadite et que les Beni-Ifren ainsi que les » Maghraoua étaient restés sonnites [orthodoxes]. »

fils

Les généalogistes berbères, tels que Sabec-Ibn-Soleiman-elMatmati, Hani-Ibn-Masdour-el-Koumi et Kehlan-Ibn-Abi-Loua rapportent, dans leurs livres, que les enfants d'Ourcîk, d'Adîdet, formaient trois branches : les Beni-Zakïa, les BeniDemmer et les Ancha, fils d'Ancher 2, et qu'ils descendent tous de Ouardîren et d'Ourcîk. Zakïa, fils d'Ourdiren, est l'aïeul des Maghraoua, des Beni-Ifren, des Beni-Irnîan et des Beni-Ouacîn, tous enfants d'Isliten, fils de Mesra, fils de Zakia. Anch 3, fils de Ouardîren, est le père de quatre tribus les Beni-Berzal, les les Beni-Saghmar, les Beni-Isdouren et les Beni-Itouweft. De Demmer, fils de Ouardîren, sortent trois tribus : les Beni-Tofourt, les Beni-Gharzoul et les Beni-Ourtantin, tous enfants d'Ournid-Ibn-Demmer 5.

Ces renseignements, fournis par les généalogistes berbères, ne s'accordent pas avec ceux d'Ibn-Hazm.

Les mêmes généalogistes nomment encore d'autres tribus, sans en indiquer les aïcux; telles sont les Yedjefech qui habitent la montagne de Fazaz, près de Miknaça, les Sindjacen, les Our

'L'orthographe de ce nom est incertaine.

Il faut sans doute lire Anten ou Ouanten.

3 Les manuscrits portent Anch, mais il faut lire Anten ou Ouanten. ♦ Le texte arabe porte : Sacman.

5 On lit Ourtatin et Ourind dans le texte arabe. Plusieurs des noms propres mentionnés dans ce chapitre ont été altérés par les copistes. 6 Cette indication n'est pas exacte: Fazaz est très-éloigné du terri

cîfan, les Temelilt, les Tiçat, les Ouaghmert [ou Ghomert], les Tîfracen, les Oudjedîdjen, les Beni-Iloumi, les Beni-Ouemannou et les Beni-Toudjîn. L'on sait cependant, malgré leur silence et de la manière la plus positive, que les Toudjîn sont une branche des Beni-Ouacîn; on verra cela dans le chapitre que nous consacrerons à ce peuple.

Quelques-uns disent que les Oudjedîdjen et les Ouaghmert sont issus d'Ourtnîd, fils de Djana, et que les Berghouata, les Matmata et les Azdadja font partie des Zenata; mais, selon les généalogistes berbères, ces tribus appartiennent à la race berbère sortie de Bernès, ainsi que nous l'avons dit.

Ibn-Abd-el-Hakem, dans son livre sur la conquête de l'Égypte, fait mention d'un certain Khaled-Ibn-Hamîd-ez-Zenati, qu'il dit appartenir à la tribu d'Hetoura', branche de celle de Zenata; mais nous n'avons jamais rencontré le nom d'Hetoura chez aucun autre écrivain.

L'esquisse que nous donnons ici des tribus zenatiennes et de leur origine renferme quelques faits qui ne se trouvent dans aucun livre.

DÉRIVATION DU MOT ZENATA.

Beaucoup de personnes donnent au mot Zenata un sens et une dérivation qui sont inconnus, non-seulement aux Arabes mais aussi au peuple zenatien. Les unes disent, par exemple, que c'est un nom propre inventé par les Arabes pour désigner les Zenata. D'autres prétendent que c'est un nom propre formé par les Zenata eux-mêmes et dont l'emploi fut admis par eux d'un commun accord. D'autres encore assurent que c'est le nom de Zana, fils

toire qu'occupaient les Miknaça auprès de Téza, et encore très-éloigné de l'autre territoire miknacien où s'élève la ville de Mequinez.-Voyez l'Index géographique dans le premier volume de cette traduction.

Voy. t. 1, p. 217.

de Djana; ajoutant ainsi, gratuitement, à la liste généalogique un aïeul dont aucun généalogiste ne fait mention. Selon d'autres, c'est un nom dérivé d'une racine [arabe], et, cependant, il n'existe pas dans la langue arabe une racine usitée qui soit formée des lettres radicales [z, n, t] du mot Zenata. Quelques gens dépourvus d'instruction ont prétendu le dériver de zina (fornication), et ils étayent leur assertion sur un conte ignoble qui répugne à la vérité.

Toutes ces opinions procèdent de la supposition que les Arabes ont formé des mots pour exprimer toutes les espèces de choses et qu'ils n'emploient jamais des mots radicaux ou dérivés qui ne font pas partie de leur langue. En thèse générale, ce principe est vrai, mais il arrive aussi que les Arabes se servent de mots étrangers: tantôt, ce sont des noms propres auxquels ils n'ont fait subir aucune altération; tels sont les mots Ibrahim, Youçof `et Ishac, qui appartiennent à la langue hébraïque; tantôt ce sont des mots d'emprunt dont ils ont adouci la prononciation par suite d'un fréquent usage; tels sont lidjam (bride), zendjebil gingembre), dibadj (brocart), nirouz (équinox du printemps), yasmîn (jusmin), adjorr (brique) 1. A force d'être employés par les Arabes, ces termes ont acquis le caractère des mots dont la formation et l'origine sont dues à ce peuple. On remarque dans ces mots arabisés, car c'est ainsi qu'on les nomme, des altérations qui affectent les voyelles et les consonnes. Il est même reçu chez les Arabes [de modifier les termes qu'ils empruntent à l'étranger,] car ce changement opéré dans le mot primitif équivaut à la création d'un nouveau mot. Quelquefois le terme emprunté renferme des consonnes qui n'existent pas en Arabe, et alors on leur substitue celles qui s'articulent par les organes voisins. Il faut se rappeler que le nombre des sons articulés n'a point de limites; les Arabes se servent de vingt-huit sons, ce qui forme

1 Lidjam est une altération du mot persan ligam; zendebil vient de chenkelil; dibadj de dibah, nirouz de nevrouz; yasmin est le même en persan qu'en arabe. M. de Sacy suppose qu'il existait en persan un mot qui s'écrivait agor, d'où le mot arabe adjorr ou adjor aurait été formé. Voy. son Anthologie grammaticale, p. 406, note 430.

leur alphabet; mais, entre les sons produits par deux organes voisins, il peut y avoir plusieurs sons intermédiaires, sons que l'on retrouve chez d'autres peuples et dont une partie seulement peut être exprimée par certains Arabes. Tous les auteurs qui ont traité de la nature du langage ont indiqué ce fait dans leurs livres.

Cela posé, il faut savoir que Zenata dérive de Djana, nom propre qui désigne l'ancêtre de cette tribu, savoir: Djana, fils de Yahya, le même qui figure dans leurs généalogies. Or, quand ce peuple veut convertir un nom propre en nom générique, ils lui ajoutent un t à la fin ; de cette manière, ils ont formé Djanat ; et, pour donner à ce nom, qui est au singulier, toute la compréhension dont il est susceptible, ils y ajoutent un n [signe du pluriel berbère], de sorte qu'il devient Djanaten. Le dj de ce mot ne se prononce pas de la manière arabe; il représente un son qui tient le milieu entre le dj et le ch [c'est-à-dire le j français] et auquel l'oreille aperçoit une espèce de sifflement. [Les Arabes] ont remplacé ce son par celui du z, à cause de l'analogie qui existe entre l'articulation du z et celle du ch; ainsi, de Djanat ils ont fait Zunat. Sous cette forme, c'est un nom collectif; pour en faire un patronymique, on y ajoute un a; ensuite, comme ce mot est d'un usage très-fréquent, on supprime l'a long qui suit le z, afin d'en alléger la prononciation.

PREMIÈRE PÉRIODE DE L'HISTOIRE DES ZENATA.

L'histoire des Zenata en Ifrîkïa et en Maghreb commença immédiatement après l'apparition de la race berbère en ces pays, c'est-à-dire dans un siècle tellement reculé que Dieu seul peut en savoir l'époque. Les ramifications de la souche zenatienne sont trop nombreuses pour être comptées; mais on y remarque particulièrement les Maghraoua, les Beni-Ifren, les Djeraoua, les Beni-Irnian, les Oudjedîdjen, les Ghomert, les Yedjefech, les Beni-Ouacia, les Beni-Tîgherest, les Beni-Merîn, les Toudjîn,

' Peut-être : Tigherîn.

les Beni-Abd-el-Ouad, les Beni-Rached, les Beni-Berzal, les Beni-Ournid et les Beni-Zendak. Chacune de ces branches se subdivise en plusieurs familles.

Les Zenata habitent le pays qui s'étend depuis Tripoli jusqu'au Molouïa et renferme le Mont-Auras, le Zab, et les régions au Sud de Tlemcen. Immédiatement avant la promulgation de la loi islamique, leur tribu la plus nombreuse et la plus puissante était celle des Djeraoua. Les Maghraoua venaient en seconde ligne et les Beni-Ifren en troisième. Les Francs [Romains], lors de leur domination dans le pays des Berbères, avaient imposé à ces peuples la religion chrétienne et se tenaient dans les villes du littoral. Les Zenata et les Berbères qui habitaient les campagnes leur témoignaient un certain degré d'obéissance; ils payaient l'impôt aux époques fixes et prenaient part à leurs expéditions militaires; mais quant aux autres obligations, ils y montraient une résistance très-vive.

Dieu ayant donné l'islamisme au monde, envoya les musulmans en Ifrîkïa, pays qui obéissait alors à Djorédjîr (Grégoire), roi des Francs. Ce chef obtint l'appui des Zenata et des Berbères; mais, dans sa rencontre avec les vrais croyants, il perdit la bataille et la vie. Les richesses des vaincus, leurs femmes et la ville de Sbaitla tombèrent au pouvoir des Arabes, et ceuxci, dans une seconde invasion, prirent Djeloula et d'autres villes. Les Francs, chassés de leurs possessions africaines, rentrèrent dans leur pays d'outre-mer.

Les Berbères, se croyant alors assez forts pour résister aux musulmans, réunirent leurs bandes et occupèrent les forteresses qui couronnaient les montagnes, pendant que les Zenata se rallièrent à la Kahena, femme qui se tenait dans l'Auras avec sa tribu, les Djeraoua. Mis en déroute par les Arabes et poursuivis à travers les plaines, les montagnes et les déserts, ces peuples durent, bon gré mal gré, embrasser l'islamisme et subir la dcmination des enfants de Moder. Dès lors, le gouvernement arabe leur imposa les mêmes obligations auxquelles les Francs les

avaient soumis.

Les liens de la puissance arabe s'étant ensuite relâchés dans

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