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prisonner et auquel ils rendirent la liberté. Ils se mirent alors en campagne avec leur nouveau souverain, afin de repousser AbouYahya-Abou-Bekr, mais la bataille qui s'ensuivit se termina

par leur défaite. Les Arabes nomades qui avaient pris parti pour Abou-Derba lui persuadèrent alors de se porter sur Tripoli afin d'enlever les trésors immenses que son père y avait apportés. Celui-ci s'embarqua aussitôt pour Alexandrie, après avoir laissé à Tripoli, comme lieutenant, son gendre Mohammed-Ibn-AbiAmran - Ibn-Ibrahîm - Ibn -Abi-Hafs. La tyrannie d'El-Batîci, parent et chambellan d'Ibn-Abi-Amran, indisposa enfin les habitants de la ville, et, pendant qu'il s'occupait à entretenir les préventions de son maître contre eux et à les faire châtier par des avanies et des confiscations, une révolte éclata et Ibn-AbiAmran dut s'embarquer pour éviter la mort. Au moment de son départ, il raconta à un natif de la ville qui s'était avancé pour lui dire adieu, comment El-Batici avait travaillé pour lui inspirer de la méfiance à l'égard des Tripolitains. Cette révélation coûta la vie au chambellan qui fut massacré sur le champ. On tua aussi le cadi de Tripoli, tunisien qui avait secondé El-Batîci dans ses intrigues. Ce mouvement populaire fut excité par Ahmed-Ibnel-Arebi.

Mohammed-Ibn-Kâbour, qui prit alors le commandement de Tripoli, fut assassiné par Saîd - Ibn - Taher - el-Mezoughi. La ville passa ensuite sous l'autorité de Said - Ibn - Taher et d'Abou-'l-Berékat-Ibn -Abi-'d-Donia, qui gouvernèrent conjointement. Celui-ci mourut de mort naturelle et laissa Saîd en possession de tout le pouvoir. Après une administration de douze ans, Said mourut et fut remplacé par Thabet-Ibn-Ammar, membre d'une tribu hoouarite, les Zekoudja. Au bout de six mois Thabet fut tué par Ahmed, fils de Saîd-Ibn-Taher, qui prit aussitôt le commandement; mais, un matin, au moment où il entrait dans le cabinet d'ablution afin de se purifier pour la prière, il fut assassiné par quelques individus appartenant à la tribu de sa victime. Alors, vers l'an 727 (1326-7), les habitants prirent pour gouverneur Mohammed, fils de leur ancien cheikh, Thabet-Ibn-Ammar.

Pendant l'espace de vingt ans, Mohammed-Ibn-Thabet exerça une autorité absolue à Tripoli, et l'influence de l'empire hafside ne s'y fit plus sentir. Pour dissimuler toute la grandeur de son pouvoir, il s'adonnait au commerce et s'habillait comme un simple négociant; il allait à pied dans les rues, il rapportait luimême à la maison les provisions et autres objets dont il avait besoin, et, pour mieux cacher son ambition, il traita les gens du peuple avec beaucoup de familiarité et de condescendance. Ayant obtenu du sultan de Tunis un agent pour administrer la ville, il laissa ce fonctionnaire exercer, en apparence, le droit de commander, de changer et de réformer.

Quand les merînides, sous les ordres de leur sultan Abou-'lHacen, eurent subjugué l'Ifrîkïa et occupé Tunis, MohammedIbn-Thabet reconnu l'autorité du vainqueur tout en conservant la sienne. Pour mettre en sûreté les richesses qu'il avait amassées il les fit transporter à Alexandrie, mais, peu de temps après, il fut tué près de sa maison par quelques membres de la tribu de Medjrîs. Ses amis et ses partisans massacrèrent les assassins.

Thabet-Ibn-Mohammed, son fils et successeur, adopta l'habilllement, la parure et l'équipage d'un souverain: il se donna des chambellans et des courtisans, et continua à jouir des pompes mondaines jusqu'à la prise de sa ville par les chrétiens.

Plusieurs navires appartenant à des négociants européens se rassemblèrent dans le port de Tripoli, sans que personne y fit attention, vu le grand mouvement commercial qui y régnait et la fréquence des arrivages et des départs. Pendant la nuit, les chrétiens pénétrèrent dans la ville et, étant très-nombreux, ils obligèrent la garnison à mettre bas les armes. Thabet-IbnMohammed s'enfuit chez les Aulad-Morghem, émirs de la tribu des Djouari, population établie dans les environs de la ville, mais il fut mis à mort par ces chefs, ainsi que son frère Ammar, parce qu'il avait versé du sang djouarien pendant son administration. Il avait régné six ans. Les chrétiens chargèrent leurs navires de toutes les richesses, effets et meubles dont ils purent s'emparer; ils embarquèrent aussi la garnison qu'ils avaient faite prisonnière, ainsi qu'un grand nombre de femmes qu'ils

voulaient emmener en captivité. Pendant plusieurs jours ils se tinrent prêts à partir à la moindre alerte; mais le revers qu'ils craignaient ne leur arriva pas, parce qu'il n'y avait plus alors dans Tripoli un homme de cœur et de courage. A la fin, ils entrèrent en pour parlers avec les musulmans du voisinage au sujet du rachat de la ville, et, moyennant cinquante mille pièces d'or, ils remirent la place entre les mains du seigneur de Cabes, Abou-'l-Abbas-Ahmed-Ibn-Mekkí, qui avait emprunté la plus grande partie de cette somme aux musulmans du Djerîd. Ceci eut lieu en l'an 7551 (1354).

Les fils de Thabet se rendirent à Alexandrie, où ils s'occupèrent du commerce jusqu'à la mort d'Ahmed-Ibn-Mekki. A la suite de cet événement qui eut lieu en 766 (1364-5), Abd-erRahman, fils d'Ahmed-Ibn-Mekki, prit le commandement. AbouBekr, fils de Mohammed-Ibn-Thabet, se rappela alors les scènes de sa jeunesse, la demeure de ses aïeux, et nolisa plusieurs bâtiments chrétiens, dans lesquels il fit monter ses partisans et les affranchis de son père. En l'an 771 (1369), il bloqua avec sa flotte le port d Tripoli, pendant qu'une foule de brigands arabes, dont il avait acheté les services, accourut pour le soutenir. Ayant rassemblé de plus les habitants du littoral et des villages voisins, il emporta la ville de vive force. Abd-er-Rahman se réfugia chez les Aulad-Morghem-Ibn-Saber, et resta sous leur protection jusqu'à ce qu'ils trouvèrent l'occasion de le conduire en lieu de sûreté, auprès de son oncle Abd-el-Mélek, seigneur de Cabes.

Devenu maître de Tripoli, Abou-Bekr-Ibn-Thabet reconnut la souveraineté d'Abou-l-Abbas, sultan de Tunis et fit célébrer la prière au nom de ce monarque dans toutes ses mosquées. Jusqu'à sa mort, qui eut lieu en 792 (1390), il ne cessa de cultiver la bienveillance du sultan en lui payant un tribut et en lui envoyant des cadeaux dignes d'être offerts à un grand prince.

Son pupille et neveu, Ali-Ibn-Ammar, lui succéda. Le com

Voy. p. 52 de ce volume.

mandant de ses troupes se nommait Cacem-Ibn-Khalef-Allah. Comme Ali soupçonnait cet officier de vouloir soutenir les droits du jeune enfant qu'Abou-Yahya[-Abou-Bekr-Ibn-Thabet] avait laissé en mourant, il s'empressa de l'éloigner de Tripoli, en le chargeant d'aller percevoir les impôts dans la province de Mesrata. Cacem ressentit alors des craintes pour sa vie et se mit en révolte; mais l'arrivée d'une lettre de grâce le fit rentrer à Tripoli. Cédant encore à ses appréhensions, il obtint la permission d'aller faire le pèlerinage, et, débarqué à Alexandrie, il rencontra Mohammed-Ibn-Abi-Hilal, l'ami intime du sultan, qui se rendait à la Mecque. Ayant obtenu la protection de ce grand personnage, il s'embarqua pour Tunis avec l'intention de pousser le sultan à faire la conquête de Tripoli. En passant devant cette dernière ville, il reçut des Beni-Thabet une lettre très-amicale dans laquelle ils l'invitèrent à reprendre la position qu'il avait occupée chez eux. Il y consentit, mais, ayant ensuite appris que sa vie était en danger, il partit pour Tunis. Le sultan, auquel il fit annoncer son arrivée et dont il tourna ensuite les pensées vers la conquête de Tripoli, laissa partir son fils, l'émir Abou-Hafs-Omar, avec lui, afin d'y mettre le siége. Arrivé sous les murs de la ville, El-Cacem-Ibn-Khalef-Allah obtint l'appui d'une fraction de la tribu des Debbab, mais le reste de ces nomades émbrassa le parti d'Ali-Ibn-Ammar-Ibn Thabet. Il tint la place étroitement bloquée pendant toute une année, sans cesser de montrer un grand dévouement au service du sultan. Par ses soins, des sommes considérables, provenant des impôts, furent envoyées à Tunis, et, grâce à ses efforts, les Arabes se laissèrent gagner à la cause du souverain hafside.

Les assiégeants continuèrent à empêcher la ville de recevoir des vivres et à repousser les fréquentes sorties de la garnison ; mais, fatigués enfin par tant d'efforts, ils consentirent à décamper, après avoir fait reconnaître aux habitants l'autorité du sultan et reçu les arrérages de l'impôt, lequel n'avait pas été

A la place d'el-Khalifa, il faut lire el-khifa.

payé pendant plusieurs années. L'émir Abou-Hafs reprit alors la route de Tunis où il rejoignit son père en l'an 795 (1392-3). A cette occasion, il obtint le gouvernement de Sfax et, après s'y être installé, il occupa Cabes, ainsi que nous l'avons dit 1. AliIbn- Ammar - Ibn- Thabet exerce encore le gouvernement de Tripoli.

FIN DE L'HISTOIRE DE L'EMPIRE

HAFSIDE

ALMORAVIDE ET DES CHEFS QUI SE

RENDIRENT INDÉPendants dans le djerîd, le zab et les

PROVINCES ORIENTALES DE L'IFRÎKÏA. EN TERMINANT le volume suiVANT,
QUI RENFERMERA L'HISTOIRE DE LA TRIBU DES ZENATA

ET DES DYNASTIES QU'ELLE A FONDÉES, NOUS
AURONS ACHEVÉ NOTRE TRAVAIL.

Page 122 de ce volume.

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