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il descendit au palais d'Ibn-Yemloul et confisqua les trésors de ce chef. Plusieurs des habitants vinrent alors dégager leur responsabilité en livrant au vainqueur les objets de prix que le fugitif lear avait laissés en dépôt. Le sultan donna le gouvernement de Touzer à son fils El-Mont acer et fit venir El-KhalefIbn-el-Khalef de Nefta, pour remplir les fonctions de chambellan auprès du jeune prince. El-Khalef nourrissait une vieille inimitié contre Ibn-Yemloul, et ce fut pour lui créer des embarras qu'il avait fait la paix avec le sultan. Voyant les autres chefs mis dans l'impossibilité d'éviter leur perte, il était accouru auprès d'Abou-'l-Abbas pour lui offrir sa soumission. Le sultan accepta les spécieux hommages d'El-Khalef dont l'appui lui paraissait nécessaire, et ayant consenti à oublier le passé, il l'établit dans Touzer comme chambellan d'El-Montacer, et l'autorisa à gouverner par lieutenant la ville de Nefta. Ces arrangements terminés, il repartit pour Tunis.

El-Khalef s'étant ensuite imaginé qu'en faisant sa soumission il s'était jeté au-devant de sa perte, ouvrit une correspondance avec Ibn-Yemloul et lui écrivit de Touzer même. Une lettre qu'il adressa à Yacoub-Ibn-Ali, cheikh des Riah et premier moteur de. toutes ces insurrections, lettre dans laquelle il poussait ce chef à soutenir Ibn-Yemloul, fut interceptée par les partisans du sultan. A la lecture de cet écrit qui montrait la trahison d'El-Khalef, ils le mirent en arrestation, installèrent un des leurs comme lieutenant à Nefta et instruisirent le sultan de ce qui venait d'arriver. Lors de la révolte de Cafsa 1, l'émir El-Montacer s'empressa d'ôter la vie au prisonnier.

Parlons à présent de Cafsa : Mohammed-Ibn-Abi-Zeid passa au sultan avec son frère Ahmed, peu de temps avant la prise de cette ville dont il était un des cheikhs. Cette démarche eut pour motif la jalousie qui régnait entre les deux fils d'AbouZeid et Ibn-el-Abed. On les appelait les fils d'Abou-Zeid parce qu'ils descendaient de ce personnage: leur père, Abd-el-Azîz,

Voy, ci-devant, p, 97.

étant fils d'Abd-Allah, fils d'Ahmed, fils d'Ali, fils d'Abd-Allah, fils d'Ali, fils d'Omar, fils d'Abou-Zeid. Nous avons déjà parlé des commencements de cette famille. Sous le règne d'AbouZékérïa I, leurs ancêtres percevaient les impôts du Djerîd. Le sultan Abou-'l-Abbas s'étant alors emparé de leur ville, témoigna sa haute satisfaction de leurs anciens services et, pour récompenser leur empressement à reconnaître son autorité, il les établit dans Cafsa, auprès de son fils 2 [Abou-Bekr]. L'aîné devint alors coadjuteur d'Abd - Allah, affranchi turc qui gouvernait la ville au nom du sultan. Trompé par les sujétions de Satan et par les inspirations de l'ambition, il attendit un moment favorable et tenta un coup de trahison. Profitant de l'absence de l'émir Abou-Bekr, qui s'était rendu à Touzer pour visiter son frère, il rassembla une foule de mauvais sujets et marcha sur la citadelle. Abd Allah - et - Toreiki, qu'il comptait surprendre, eut connaissance de son intention et envoya chercher des secours dans les villages voisins, après avoir fermé les portes de la forteresse. Pendant plus d'une heure, il se défendit vigoureusement et donna à ses amis le temps d'arriver. Cette augmentation de forces effraya les insurgés qui, se voyant abandonnés par les misérables qui les avaient égarés, coururent se cacher dans les maisons de la ville. Presque tous les meneurs de cette conspiration furent arrêtés. L'émir Abou-Zeid apprit à Cafsa que l'on s'était révolté à Touzer et il partit en toute hâte pour cette dernière ville, mais, en y arrivant, il trouva l'ordre parfaitement rétabli. Voulant, toutefois, faire un exemple des coupables, il ordonna le massacre des prisonniers et mit [Iba-]AbiZeid hors la loi. Repoussés par tout le monde, le proscrit et son frère se déguisèrent avec des habillements de femme et allèrent sortir de la ville, quand ils furent arrêtés à la porte par les hommes de garde. Conduits aussitôt devant l'émir, ils furent mis à mort, après avoir subi d'affreuses mutilations. L'émir El

1 Ci-devant, p. 145.

Lisez ibnihi dans le texte arabe. Voy. p. 95 de ce volume.

Montacer, qui était toujours à Touzer, s'empressa alors de faire. mourir El-Khalef-Ibn-el-Khalef, de peur qu'il ne fût tenté d'agir comme eux. Il commença par infliger à ce malheureux les tortures les plus cruelles, sans écouter les inspirations de la miséricorde. Le sultan, ayant soumis le Djerîd, abolit partout le gouvernement des cheikhs et incorpora ce pays dans ses états.

:

Maintenant nous allons parler d'El-Hamma, ou le Hamma de Cabes, ville de la province de Castilia. On l'appelle aussi le Hamma des Matmata à cause des Berbères de cette tribu qui y avaient fixé leur séjour et qui, dit-on, l'avaient fondée. De nos jours, elle renferme trois tribus : une fraction des Toudjîn et deux fractions des Ourtadjen, ennemies l'une de l'autre, savoir les Aulad-Youçof et les Aulad-Djehaf. Ceux-ci obéissent à la famille Ouchah; les Aulad-Youçof ont pour chefs les AbouMeniâ. J'ignore le degré de parenté qui existe entre ces deux familles. On raconte au sujet des Abou-Meniâ et de leur droit au commandement que Redja-Ibn-Youçof, l'aïeul de cette maison, avait trois fils Bousak, Yahmed et Melalt. Après sa mort, l'autorité passa à Bousak qui la transmit à son fils Abou-Meniâ, lequel la laissa à son fils Hacen. Mohammed, fils de Hacen, commanda ensuite et eut pour successeur son frère Mouça-IbnHacen, qui transmit le pouvoir à son frère Abou-Allan 3 et ainsi de suite. Le premier chef des Aulad-Djehaf se nommait Mohammed-Ibn-Ahmed-Ibn-Ouchah. Avant lui, son oncle maternel, Omar-Ibn-Kelli exerça les fonctions de cadi.

Des agents nommés par le gouvernement de Tunis avaient successivement dirigé l'administration d'El-Hamma jusqu'à ce que le sultan y supprimât le kharadj et tous les autres impôts. Au commencement du règne d'Abou-Yahya-Abou-Bekr, la présidence

Ici, on lit de plus dans le texte arabe un passage dont les mots : et ne l'abrita ni un ciel ni une terre paraissent-être la traduction littérale.

2 Variante: Ouriadjen.

3-Variante: Einan, qui est peut-être la bonne leçon.

d'El-Hamma fut exercée par Mouça-Ibn-Hacen, de la famille AbouMeniâ. La ville avait en même temps pour gouverneur un des généraux du sultan, nommé El-Mediouni. Cet officier, ayant découvert que les habitants complotaient un soulèvement, s'empressa d'en prévenir le sultan, qui était alors en expédition, et, en attendant la réponse, il attaqua les conjurés et les mit en fuite. Sept membres de la famille des Aulad-Youçof furent faits prisonniers et mis à mort. Dans la suite, les affaires reprirent leur ancien cours et Mouça-Ibn-Hacen rentra au commandement. Après sa mort, l'autorité passa à son frère, Abou-Allan, qui gouverna très-longtemps et se distingua par la sainteté de sa vie. Il mourut en l'an 742 (1341-2) et transmit l'autorité à son fils Omar, qui la laissa à son frère cadet Abou-Zîan-Ibn-Abi-Allan. Leur cousin, Moulahem-Ibn-Mohammed, commanda ensuite et fit partie de la députation envoyée par les habitants du Djerîd au sultan Abou-'l-Hacen. Quand il mourut, Hassan-Ibn-Hedjrès, un de ses cousins, succéda au commandement, mais il se laissa déposer par Mohammed-Ibn-Ahmed-Ibn-Ouchah, chef des AuladDjehaf. Celui-ci fut tué par le peuple d'El-Hamma, qui se révolta contre lui en l'an 778 (4376-7). Le cadi, Omar-IbnKelli, perdit la vie en même temps. L'ancien chef, Hassan-IbnHedjrès, reçut encore le commandement, mais il fut renversé de nouveau et emprisonné par Youçof, fils d'Abd-el-Melek-IbnHaddjadj-Ibn-Youçof-Ibn Ouchah. Youçof est actuellement en possession du pouvoir; il obéit ostensiblement au sultan et invite régulièrement l'agent du gouvernement à venir recevoir l'impôt. Il dissimule ainsi ses véritables sentiments et son désir d'indépendance, mais la puissance du sultan l'entoure maintenant de tous côtés.

Un de leurs généalogistes m'a dicté les renseignements qui suivent c'est la famille Tamel-Ibn-Bousak qui fournit à la ville d'El-Hamma les membres du corps des cheikhs. Tamel fut le

1 A la page 27 de ce volume, notre auteur écrit ce nom MoulahemIbn-Abi-Einan.

premier de cette maison qui exerça le commandement. Ouchah, dit le même généalogiste, était fils de Tamel, et ses descendants formaient deux familles, les Beni-Hacen et les Beni-Youçof. De cette manière, Hassan-Ibn-Hedjrès, Moulahem, Omar et AbouAllan appartiennent tous à la famille des Beni-Hacen, et Mɔhammed-Ibn-Ahmed-Ibn-Ouchah est de la famille des Beni-Youçof. Ces indications ne s'accordent pas avec celles qui précèdent, et Dieu seul en sait l'exactitude.

Quant à Nefzaoua et aux cantons de Castîlïa, on les considère maintenant comme dépendances de Touzer. Ils consistent en un grand nombre de villages, peu éloignés les uns des autres et situés au sud-est de Touzer, ville dont ils sont séparés par la fameuse sibkha dont la traversée est si dangereuse et qu'on ne

doit pas essayer de passer à moins de suivre une ligne de route qui est indiquée par des poutres dressées [de distance en distance]. Quelquefois le voyageur qui s'y aventure s'écarte du chemin et périt englouti.

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Ces villages ont pour habitants quelques débris de la tribu de Nefzaoua, branche de la souche des Berbères-Botr. Ils y sont restés depuis la ruine de leur peuple et l'empiétement des Arabes sur les territoires appartenant aux populations berbères. Ils ont chez eux des confédérés d'origine franque dont les ancêtres vinrent de Sardaigne. Ceux-ci s'y établirent d'abord comme [chrétiens] tributaires, payant la capitation, et leurs descendants y restent encore Des Arabes, appartenant les uns à la tribu d'EsCherîd et les autres à celle de Zoghb, famille soleimide, sont ensuite venus s'établir chez eux, parce qu'ils n'avaient plus assez de moyens pour mener la vie de nomades. Ils y ont acquis des terres et des eaux. Leur nombre a fini même par surpasser celui des Nefzaoua, de sorte qu'ils forment, à présent, la majorité de la population. Les Nefzaoua n'ont pas de chef spécial, vu leur faiblesse numérique, et ils restent pour l'ordinaire, eux et leur pays, sous la juridiction de Touzer. Aujourd'hui, le commandement de

Voy. t. I, p. civ.

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