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courut pour le protéger et pour montrer combien il respectait les droits d'amitié et de parenté. Les officiers du sultan qui se trouvaient dans cette ville, ses domestiques, ses gouverneurs de provinces, les ambassadeurs du roi chrétien et les envoyés nègres, toutes les personnes qui y étaient arrivées avec l'émir Abd-Allah, un des plus jeunes, des fils du sultan, se joignirent à Youçof et le suivirent à Biskera. Pendant plusieurs mois, il hébergea cette nombreuse compagnie et pourvut à tous leurs besoins. Ce ne fut qu'après l'évasion du sultan et sa rentrée à Tunis, que ces personnages se mirent en route, avec YacoubIbn-Ali, pour se rendre auprès de lui. Youçof-Ibn-Mansour rendit, en cette occasion, un grand service au sultan Abou-'lHacen, et, pendant le reste de ses jours, il mérita la haute faveur de ce monarque et de ses enfants.

Flus tard, quand les chefs des diverses régions de l'Ifrîkïa abandonnèrent le parti d'Abou-'l-Hacen, l'émir du Zab lui resta fidèle. Pendant le séjour du sultan à Tunis, il lui faisait passer de l'argent, et quand ce monarque arriva dans la ville d'Alger, après avoir échappé au naufrage, il continua à lui en envoyer. Après le départ d'Abou-'l-Hacen pour le Maghreb-el-Aesa, dont il espérait reconquérir le trône, ce serviteur dévoué ne cessa de faire célébrer, dans toutes les mosquées de ses états, le service solennel du vendredi au nom de son malheureux souverain. Abou-'l-Hacen mourut, en 752 (1351), dans la montagne des Hintata.

Abou-Einan, fils du sultan Abou-'l-Hacen, entoura alors l'empire mérinide d'une renommée impérissable: après avoir incorporé Tlemcen dans ses états et renversé le trône que les BeniAbd-el-Ouad y avaient établi de nouveau, il réunit sous un même drapeau tous les peuples zenatiens et, en l'an 753 (1352), il dirigea cette armée vers la frontière de l'Afrique orientale. Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni lui envoya alors, spontanément, un écrit par lequel il le reconnaissait pour son souverain, et,

Dans le texte arabe, on a imprimé Yacoub à la place de Mansour.

encore plus tard, il lui offrit ses hommages par l'entremise d'Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abi-Amr, secrétaire et chambellan de ce souverain. Ceci eut lieu à l'époque où Abou-Einan avait mis une armée aux ordres d'Ibn-Abi-Amr afin de soumettre l'Ifrîkïa et de rétablir l'ordre dans la province de Bougie. En l'an 754, cet officier rassembla les émirs des tribus [qui habitaient ce pays], les commandants des populations nomades et les chefs des cantons, et se rendit avec eux auprès du sultan mérinide. Parmi eux se trouvèrent Youçof-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni, émir du Zab, Yacoub-Ibn-Ali, émir des Arabes nomades, et tous les chefs des Douaouida. Abou-Einan les accueillit avec une bonté parfaite, en considération du dévouement qu'ils avaient montré à sa famille et à son père, et, aux marques d'honneur qu'il leur accorda, il ajouta de riches cadeaux. Youçof-Ibn-Mansour fut confirmé, comme auparavant, dans le gouvernement du Zab, du Righa et de Ouargla ; il rentra chez lui, comblé de faveurs, après s'être assuré la bienveillance du sultan et un rang très-honorable à la cour.

En l'an 758 (1357), le sultan Abou-Einan partit pour l'Ifrîkïa avec l'intention de prendre Constantine. Youçof-Ibn-Mozni étant venu le joindre sous les murs de cette forteresse, fut élevé au rang de vizir et admis au nombre des intimes du monarque. Yacoub-Ibn-Ali quitta alors le parti d'Abou-Einan parce que ce prince, voulant assurer l'obéissance du chef arabe et de sa tribu, lui avait demandé plusieurs otages. Il s'était déjà éloigné avec ses gens pour rentrer dans le Zab quand le sultan se précipita sur les parties de ce pays et du Tell qui appartenait au fugitif et abattit les dattiers, combla les puits, détruisit les édifices et en fit disparaître jusqu'aux vestiges de la civilisation. Yacoub se jeta dans le Désert avec ses tribus et mit le sultan dans l'impossibilité de l'atteindre. Revenu à Biskera, Abou-Einan passa trois jours aux environs de cette ville afin de réorganiser son armée et de lui donner ce repos qu'une expédition fatiguante à travers les sables avait rendu nécessaire. Pendant ce temps, Youçof-IbnMozni leur fournit du fourrage, du blé, de la viande, du sel, de l'huile et tout ce qui pourrait leur rendre ce séjour agréable. Il

y

pourvut avec une telle abondance à tous leurs besoins que son hospitalité lui a mérité un souvenir immortel. Au sultan il présenta les impôts que le Zab avait fournis cette année-là; ils se composèrent de plusieurs quintaux d'or, que l'on déposa entre les mains de commissaires fidèles, pour le compte du trésor public. Voulant le récompenser de sa générosité, le sultan lui prodigua de riches cadeaux et l'autorisa à porter, lui et tous les membres de sa famille, des habillements pareils à ceux des princes, des princesses et des demoiselles de la famille royale. Il reprit alors la route de sa capitale.

En l'an 759 (1358), Youçof envoya son fils Ahmed auprès du sultan qui tenait alors sa cour à Fez. Ahmed se mit en route avec le vizir Soleiman-1bn-Dawoud qui rentrait en Maghreb après avoir fait une expédition en Ifrîkïa, et il emmena avec lui plusieurs chevaux de race et un nombre de beaux esclaves nègres que son père destinait au sultan. Sa réception fut des plus honorables, et son séjour à Fez se prolongea jusqu'à la fin de l'annéę, quand Abou-Einan mourut. Le régent de l'empire lui donna en retour un cadeau magnifique et le congédia avec des lettres de recommandation aux gouverneurs des territoires et des forteresses qu'il devait traverser. Après la mort du sultan, le feu de la discorde ne tarda pas à se propager dans l'empire mérinide : plusieurs révoltes éclatèrent dans les provinces, et ce ne fut qu'à grand peine et au péril de la vie qu'Ahmed parvint à rejoindre son père. Parti pour se rendre dans son pays, il s'était arrêté à Tlemcen où se trouvait une garnison mérinide, et là il devint le prisonnier d'Abou-Hammou, sultan des Abd-el-Ouad, qui était encore venu s'emparer de l'ancienne capitale de sa famille. Il dut son salut à Sogheir-Ibn-Amer, cheikh des BeniAmer-Ibn-Zoghba, qui le prit sous sa protection à cause de l'amitié qu'il portait à Youçof -Ibn-Mansour-Ibn-Mozni et du désir qu'il avait de ménager à ses Arabes un asile dans le Zab et un protecteur dans Ibn-Mozni. Sogheir lui présenta une forte

'A la place de thiab casrihi, le traducteur lit binat casrihi.

somme d'argent et une partie des dons qu'il avait lui-même reçus des Mérinides; il lui prêta aussi une troupe de cavalerie fournie par les Beni-Amer et le mit ainsi en mesure d'atteindre un lieu de sûreté. L'évasion d'Ahmed fut une chose tout-à-fait merveilleuse.

Les Almohades hafsides ayant alors expulsé de Bougie et de Constantine les garnisons mérinides, Youçof-Ibn-Mansour reconnut de nouveau l'autorité hafside et continua, jusqu'à sa mort, à lui montrer une apparence de soumission. Il mourut le 10 Moharrem, 767 (29 sept., 1365).

Son fils Ahmed lui succéda et suivit la même ligne de politique. Il est encore aujourd'hui émir du Zab, où il exerce le pouvoir dont son père fut revêtu ; il se conduit de la même manière, mais autant que la disposition de Youçof fut généreuse et libérale, autant celle du fils est marquée par la prétention et la jactance ; « ton Seigneur crée et choisit tout ce qu'il veut ». Il a plusieurs fils dont l'aîné, Abou-Yahya, est né de la sœur de YahyaIbn-Mohammed-Ibn-Yemloul et doit hériter du gouvernement

du Zab.

Lors des malheurs qui frappèrent le Djerid, Yahya-Ibn-Yemloul, fléau de son pays, vint s'établir chez Ahmed, et celuici, craignant que le sultan hafside n'exigeât de lui une soumission réelle, distribua de l'argent aux Arabes et tâcha, mais inutilement, de former une alliance avec le seigneur de Tlemcen. Pendant quelque temps, il demeura indécis sur la conduite qu'il devait tenir, mais Dieu jeta enfin dans son cœur une lumière directrice et lui fit voir le chemin du salut. Renonçant alors aux habitudes d'une feinte soumission, il s'empressa de suivre la voie droite de l'obéissance. Ce fut Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-Hilal, cheikh des Almohades, qui, étant passé chez lui de la part du sultan Abou-'l-Abbas, le décida à reconnaître de bonne foi l'autorité du gouvernement hafside. A cette occasion, Ahmed envoya au sultan un riche cadeau par l'entremise d'Ibn-Abi-Hilal

A Coran; sourat 28, verset 68.

et il joignit à ce don un acte de loyale soumission. Le prince agréa cette offrande et rendit à Ahmed ses bonnes grâces.

HISTOIRE DES BEni-yemloul, seigNEURS DE TOUZER, [DES BENI-ABED, SEIGNEURS DE CAFSA,] DES BENI-KHALEF, SE:GNEURS DE NEFTA ET DES BENI-ABI-MENIA, SEIGNEURS D'EL-HAMMA.

Yahya-Ibn-Mohammed - Ibn-Ahmed-Ibn - Yemloul, seigneur de Touzer et chef de la famille Yemloul, tenait le premier rang parmi les chefs djeridiens à cause de l'étendue de ses états et de l'importance de la ville où il avait établi son autorité. Les Yemloul prétendent remonter jusqu'à des Arabes de la tribu de Tenoukh qui entrèrent en Ifrîkïa avec les avants-coureurs de la première invasion musulmane, et qui se fixèrent dans cette localité lors de la conquête. La famille Yemloul y poussa de nombreuses branches, et, grâce à son origine et à ses alliances matrimoniales, elle devint une des maisons dont les membres formaient le grand conseil de la ville. Ces officiers remplissaient les fonctions d'ambassadeur auprès des souverains, recevaient les agents qui venaient de la part du khalife et s'occupaient de tout ce qui concernait l'utilité publique. Telle fut la position de ces familles sous la dynastie des Hammad, princes d'El-Calâ, sous celle d'Abd-el-Moumen, souverain de Maroc, et sous le gouvernement des Hafsides, rois de Tunis. Parmi elles on distinguait particulièrement les BeniOuatas, les Beni-Forcan, les Beni-Mareda et les Beni-Aoud.

Dans le temps d'Obeid-Allah le fatemide, la présidence du conseil de Touzer appartenait à Ibn-Forcan. Ce fut lui qui provoqua l'expulsion d'Abou-Yezîd', en s'apercevant que ce perturbateur tramait un soulèvement contre Abou-'l-Cacem-el-Caïm. Sous les Hammadites, Yahya-Ibn-Outas remplissait les fonctions de président à Touzer et décida les habitants de Castilïa2 à re

1 Voy. ci-après, dans le chapitre qui renferme l'histoire d'Abou-Yezîd. • Les manuscrits et le texte arabe portent Cosanțîna.

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