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Tels sont les derniers renseignements que j'ai reçus au sujet de cette ville, et j'ignore si le sultan a conclu un traité, soit avec les Cafsides, soit avec Soula.

OMAR, FILS DU SULTAN, EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE SFAX.
S'EMPARE DE CABES ET DE L'ÎLE DE DJERBA.

IL

L'émir [Abou-Hafs-]Omar, fils du sultan Abou-'l-Abbas, avait été élevé sous les yeux de l'ancien gouverneur de Constantine, l'émir Ibrahim, dont il était le frère germain. Après la mort. d'Ibrahîm, il alla demeurer chez son père. Nous avons parlé ailleurs des troubles qui éclatèrent à Tripoli lors de la mort du gouverneur, Abou-Bekr-Ibn-Thabet, et mentionné que Cacem-Ibn-Khalef, le général tripolitain, passa au sultan. En l'an 792 (1390), Cacem fut chargé par ce monarque d'assiéger Tripoli et d'emmener l'émir Omar avec lui. Pendant une année entière, il tint la ville étroitement bloquée, mais, s'étant enfin tout aussi fatigué de la longueur du siége que les habitants euxmêmes, il consentit à recevoir une somme d'argent et à décamper. En l'an 795 (1392-3) l'émir Omar rejoignit son père qui était occupé à bloquer la ville de Cafsa, et lui raconta qu'en passant par Djerba, il avait éprouvé le désagrément de s'en voir refuser l'entrée par Mansour, l'affranchi européen qui y exerçait le commandement. Le sultan lui donna le gouvernement de Sfax pour le consoler, et lui promit de plus celui de Djerba.

Omar se rendit à Sfax et pénétra ensuite dans l'île de Djerba où il rallia autour de lui les tribus berbères qui y faisaient leur séjour. Mansour s'enferma dans le château, nommé El-Cachetil en langue franque, et écrivit au sultan pour savoir ce qu'il devait faire. En réponse, il eut l'ordre de remettre la forteresse et l'île à l'émir Omar.

'Le chapitre auquel notre auteur renvoie le lecteur se trouve plus loin.

Quelque temps après, Omar s'assura l'appui des habitants d'El-Hamma, ennemis jurés de ceux de Cabes, et s'étant mis en marche avec eux, l'an 796 (1393-4), il surprit cette ville et coupa la tête au gouverneur, Yahya-Ibn-Abd-el-Mélek-IbnMekki. De cette manière, Cabes échappa à la domination de la famille Mekki et devint partie des états d'Omar.

MORT DU SULTAN ABOU-'L-ABBAS.

SON FILS, ABOU-FARES-AZouz, LUI SUCCÈDE.

Depuis quelque temps, le sultan Abou-'l-Abbas souffrait tellement de la goutte que, dans la plupart de ses expéditions, il avait dû se faire transporter en une litière à mulets. Vers la fin de sa vie, les attaques de cette maladie prirent une grande intensité et, en l'an 796 (1393-4), elles le conduisirent au bord du tombeau. Il avait alors pour lieutenant-général son frère Zékérïa, qu'il avait désigné comme héritier du trône et dont le fils Mohammed commandait à Bône.

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Les fils du sultan étaient très-nombreux et, comme ils aspiraient tous à l'empire, ils virent avec une jalousie extrême la haute position de leur oncle, et ce ne fut pas sans effroi qu'ils envisagèrent le sort qu'il leur était réservé s'il arrivait au pouvoir plus la maladie de leur père augmentait, plus ils s'abandonnèrent à la consternation. Peu de temps avant de mourir, le sultan envoya à Constantine Abou-Bekr, son fils aîné, avec le diplôme de gouverneur. Les autres frères se rallièrent alors autour d'Abou-Fares-Azouz, second fils du sultan, et ayant arrêté leur oncle Zékérïa, au moment où il entrait au palais pour visiter le souverain malade, ils l'enfermèrent dans un cabinet sous bonne garde. Trois jours après, le sultan mourut; le 4 Chaban 796 (6 juin 1394), les princes reconnurent pour souverain leur frère Abou-Fares, et les notables de la ville, accompagnés de toutes les autres classes de la population, s'empressèrent de lui prêter le serment de fidélité. Le nouveau sultan fit saisir et transporter au palais les richesses en tassées dans les maisons de son oncle, auquel il assigna pour demeure une étroite

prison. S'étant alors chargé des soins du gouvernement, il choisit pour lieutenants plusieurs de ses frères et les établit dans les chefs-lieux de l'Ifrikia: l'un reçut le gouvernement de Souça, l'autre celui d'El-Mehdïa; un troisième, Ismaîl, se fixa à Tunis en qualité de lieutenant-général de l'empire. Les autres furent élevés à la dignité de conseillers d'état.

La nouvelle de ces changements ébranla l'autorité d'El-Mostancer, gouverneur de Touzer, et l'obligea à se réfugier dans El-Hamma. Abou-Zékérïa, un autre fils du feu sultan, abandonna son commandement à Nefta, et se jeta dans les montagnes de Nefzaoua. Abou-Bekr, le frère aîné, partit pour Constantine peu de temps avant la mort de son père et, en passant par Bône, il trouva chez son cousin, l'émir Mohammed. un accueil très-empressé. Arrivé à sa destination, il fut invité par les officiers commandants à produire son diplôme, et, sur la lecture de cette pièce, il se fit ouvrir la porte de la ville dont il prit aussitôt le commandement.

Mohammed-Ibn-Abi-Hilal, confident du sultan Abou-'l-Abbas, reçut de ce prince, qui était alors sur son lit de mort, l'ordre de se rendre en mission auprès d'Abou-Fares-Abd-el-Azîz qui venait de remplacer, sur le trône du Maghreb, son père, le sultan Abou-'l-Abbas, fils d'Abou-Salem. Il partit dans le mois de Safer 796 (décembre 1393), emportant avec lui des cadeaux tels qu'un sultan doit offrir à un autre. Arrivé à Mîla, il apprit la mort de son maître et, en conséquence d'un ordre que l'émir Abou-Bekr lui expédia de Constantine, il rapporta les cadeaux à cette ville et se fixa auprès du prince gouverneur.

Telles sont les dernières nouvelles dignes de foi que nous avons apprises au sujet des Hafsides, et tel est l'état où ils se trouvent à présent.

HISTOIRE DES BENI-MOZNI, ÉMIRS DE BISKERA ET DE CETTE PARTIE DU ZAB QUI EN DÉPEND.

La ville de Biskera est actuellement la capitale du Zab, région qui a pour limites la bourgade d'Ed-Doucen du côté de l'occi

dent, et les bourgades de Tennouma et de Badis, du côté de l'o-rient. Le Zab est séparé de la plaine nommée El-Hodna par des montagnes dont la masse principale se dirige de l'ouest à l'est1 et dont plusieurs cols facilitent les communications entre les deux pays. C'est encore là une partie du Deren [l'Atlas], vaste chaîne qui s'étend sans interruption depuis le fond du Maghreb jusqu'au midi de Barca. L'extrémité occidentale de cette montagne, l'extrémité qui est vis-à-vis du Zab, est habitée par un débris de la tribu des Ghomert, peuple zenatien; l'extrêmité orientale touche à l'Auras, autre montagne bien connue qui domine Biskera et qui forme la limite septentrionale de la plaine du Zab. Dans la suite de cet ouvrage nous donnerons quelques renseignements sur les habitants de l'Auras.

Le Zab est un pays étendu, renfermant de nombreux villages, assez raprochés les uns des autres et dont chacun s'appelle un zab 3. Le premier en est le Zab d'Ed-Doucen; ensuite on trouve le Zab de Tolga, le Zab de Melili et ceux de Biskera, de Tehouda et de Badis. Biskera est la métropole de tous les villages zabiens.

A l'époque où les [Hammadites] rois des Sanhadja, demeuraient dans la Calà-Beni-Hammad et que les dynasties aghlebide et fatemide avaient disparu [de l'Afrique], les cheikhs qui gouvernaient Biskera appartenaient aux Beni-Romman, famille qui était originaire de la ville, et qui tirait son influence du nombre de ses membres et de la possession de presque toutes les fermes voisines. Djâfer-Ibn-Abi-Romman, un de ces cheikhs, laissa une grande réputation. Vers l'an 450 (1058), quand Biskera se révolta contre Bologguîn, fils de Mohammed, ce fut Djâfer qui excita le soulèvement. L'armée sanhadjienne, com

L'auteur aurait du dire]: du nord au sud.

Ici l'auteur a écrit du sud au nord; il aurait du mettre de l'est à l'ouest.

3 Ziban pluriel de Zab, est le nom par lequel cette région est généralement connue.

Voy, t. pp. 47, 48.

mandée par Khalef-Ibn-Abi-Haidera, prit la ville d'assaut et en transporta les chefs à la Calâ, où Bologguîn les fit tous mourir, pour servir d'exemple.

Le conseil administratif de Biskera se composa ensuite des Beni-Sindi, autre famille de cette ville. Arous-Ibn-Sindi, chef de cette maison, montra un sincère dévouement aux Sanhadja, et cela dans un temps où leur autorité s'était affaiblie et cédait aux atteintes de la décrépitude. Ce fut lui qui fit mourir ElMontacer-Ibn-Khazroun, chef zenatien qui, lors de son retour de l'Orient, avait marché contre le sultan [hammadite] à la tête des Maghraoua, des Arabes athbedjites et des Beni-Adi, tribu hilalienne. Voulant tendre un piége à cet aventurier, le sultan lui céda comme apanage les campagnes du Zab et du Rîgha; puis, il le fit assassiner par Arous, ainsi que nous l'avons déjà raconté. La chute des Sanhadja entraîna celle des Sindi.

A l'époque où s'éleva la dynastie almohade, les Romman se virent [encore] la famille la plus nombreuse et la plus ancienne de Biskera.

Quant à la famille Mozni, elle formait originairement une petite fraction d'une tribu arabe nomade qui, dans le cinquième siècle de l'hégire, pénétra en Ifrîkïa de compagnie avec l'avant-garde des Beni-Hilal-Ibn-Amer, dont elle s'était fait l'alliée. Les BeniMozni prétendent se rattacher à l'illustre tribu de Mazen, branche des Fezara, mais ils appartiennent en réalité à la tribu de Djora-Ibn-Alouan-Ibn-Mohammed-Ibn-Locman-Ibn-Khalifa-IbnLatîf, fraction des Athbedj. Leur aïeul se nommait Mozna-IbnDîfel-Ibn-Mahya-Ibn-Djora. Je tiens ces renseignements d'un généalogiste hilalien, et leur exactitude me paraît démontrée par la position du pays où demeurent les Beui-Mozni: toutes les peuplades du Zab ne sont que des débris de la tribu d'Athbedj; débris qui, n'ayant plus assez de force pour mener une vie nomade, se sont fixés dans les villages du Zab, à l'instar de leurs prédécesseurs en ce pays, les Zenata et les premières bandes des Ara

Voy. t. 1, p. 49.

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