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Tlemcen. Quand ces chefs eurent emprisonné Abou-Zîan à Biskera, dans l'espoir qu'Abou-Hammou leur prêterait l'appui de ses armes, l'esprit d'insoumission se ranima'dans les cœurs des Aulad-Abi-'l-Leil. Convaincus qu'ils ne sauraient rétablir, à eux seuls, leur domination sur les plaines de l'Ifrîkïa, et croyant ne pouvoir relever leur puissance qu'avec l'aide du seigneur de Tlemcen, ils abandonnèrent l'émir Abou-Fares, après l'avoir conduit en lieu de sûreté à Cafsa, et partirent pour le Zab avec toutes leurs tribus, afin de soutenir Yacoub-Ibn-Ali. Cette démarche n'eut pas le succès qu'ils avaient espéré : ils trouvèrent que ce chef, ainsi qu'Ibn-Mozni, venait d'apprendre par un courrier qu'Abou-Hammou s'était refusé de marcher à leur secours. Ils surent aussi que l'émir Abou-Zian avait recouvré la liberté et quitté le pays.

A ces nouvelles, leur désappointement fut extrême : pleins de regret d'avoir compromis leurs intérêts par une fausse démarche, ils écoutèrent les conseils de Yacoub-Ibn-Ali et prirent le parti de se remettre à la justice du sultan. Mohammed, fils de Yacoub, reçut de son père l'ordre de se rendre auprès d'Abou'l-Abbas afin d'intercéder pour eux, et il s'y fit accompagner par un agent de son excellence Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-AbiHilal. Le sultan accueillit la prière du fils de Yacoub et pardonna aux Arabes. Pour les rassurer davantage et les ramener dans le pays, il leur envoya son frère, Abou-Yahya, et leur accorda des témoignages de faveur et de bienveillance qui surpassaient tout ce qu'ils auraient pu espérer.

IBN-YEMLOL S'EMPARE DE LA VILLE DE TOUZER ET SE LA LAISSE ENLEVER.

Nous avons dit que Yahya-Ibn-Yemloul mourut à Biskera et, qu'en l'an 782 (1380-1), son fils Abou-Yahya, qui était encore très-jeune, vint attaquer Touzer à la tête d'une foule d'Arabes nomades appartenant, les uns, à la tribu des Rîah, et les autres

à celle de Mirdas. L'année suivante, les Aulad-Mohelhel1, quittèrent le service du sultan dont ils s'étaient attiré la colère et allèrent prendre, dans le Désert, leurs quartiers d'hiver. YahyaIbn-Taleb, chef de cette tribu kaoubienne, fit alors chercher Ibn-Yemloul à Biskera, et alla camper avec lui sous les murs de Touzer. Ayant entrepris le siége de cette ville au nom de son protégé, il rassembla tous les amis de la famille Yemloul qui se trouvaient dans le pays, et, secondé par un ramas d'Arabes, habitants du Désert, il attaqua la place pendant plusieurs jours. El-Montacer, le fils du sultan, leur opposa une vigoureuse résistance, jusqu'à ce que ses troupes furent vaincues par une foule de gens dévoués à la famille Yemloul qui étaient accourus de toutes les parties de la ville pour les combattre. Les Arabes y pénétrèrent alors et forcèrent El-Montacer à se réfugier dans la tente de Yahya-Ibn-Taleb. Ce chef prit le prince hafside sous sa protection et le fit escorter à Cafsa où Abd-Allah-et-Toreiki commandait encore.

Abou-Yahya-Ibn-Yemloul, ayant ainsi obtenu possession de Touzer, dépensa en gratifications aux Arabes non-seulement l'argent qu'il avait apporté avec lui, mais aussi toutes les sommes qui se trouvaient dans la caisse de la ville. Il y ajouta le don des impôts que Touzer devait payer cette année-là, et malgré sa profusion, il ne parvint pas à satisfaire l'avidité de ses alliés.

A la nouvelle de ces événements, le sultan alla camper en dehors de Tunis pour organiser un corps d'armée, et en faire l'inspection. Il se dirigea ensuite vers Laribus et, pendant sa marche, il réussit à gagner l'appui des Aulad-Abi-'l-Leil et de leurs confédérés, tous ennemis héréditaires des Aulad-Mohelhel. Ayant augmenté son armée de cette manière, il alla passer quelques jours dans la plaine de Tebessa afin de laisser arriver les renforts qui lui venaient de toute part. De là il se porta sur Touzer et, arrivé à Cafsa, il envoya en avant un détachement sous les ordres de son frère, Abou Yahya, et de son fils El-Montacer. Soula

Le texte arabe imprimé porte, à tort, Hilal.

e

Ibn-Khaled les accompagna, à la tête des Aulad-Abi-'l-Leil, et le sultan les suivit, avec son armée en ordre de bataille. Les deux princes avaient investi Touzer depuis quelques jours quand le sultan arriva. On attaqua la ville de plusieurs côtés à la fois ; le combat dura toute la journée et recommença le lendemain. IbnYemloul, se voyant abandonné par ses partisans, courut se réfugier chez les Arabes nomades qui étaient campés dans les envi

rons.

Le sultan occupa la ville, y rétablit l'autorité de son fils et partit alors pour Cafsa, d'où il se rendit à Tunis. Vers le milieu de l'an 784 (septembre - octobre 1382) il rentra dans sa capitale.

L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, FILS DU SULTAN, EST NOMMÉ GOUVERNEUR

DE TOUZER.

L'année suivante, le sultan marcha encore contre Ibn-Yemloul, qui avait renouvelé ses tentatives contre Touzer, et l'obligea à rentrer dans le Zab. Arrivé à Cafsa, il reçut la visite de son fils El-Montacer, et accueillit les plaintes que lui adressèrent les habitants de Touzer contre Abou-'l-Cacem-es-Chehrezouri chambellan de ce prince. Choqué des actes de tyrannie dont leurs notables accusaient ce fonctionnaire, il le fit mettre aux fers et le renvoya à Tunis. Comme El-Montacer se formalisa de ce procedé et jura de ne plus se charger du gouvernement de Touzer, le sultan l'emmena à Tunis et le remplaça dans ce commandement par l'émir Zékéria.

Les indices du génie qui se faisaient voir dans ce prince, qui était un des plus jeunes enfants du sultan, lui méritèrent cette marque de confiance; et les talents qu'il déploya plus tard, soit en défendant la ville, soit en se conciliant l'amitié des chefs arabes et des populations nomades, justifièrent complètement le choix de son père. A vrai dire, son administration ne laissa rien à désirer.

MORT DE L'ÉMIR ABOU-ABD-ALLAH, SEIGNEUR DE BOUGIE.

Nous avons dit qu'à l'époque où le sultan allait entreprendre l'expédition qui lui ouvrit les portes de la capitale, il nomma son fils, l'émir Abou-Abd-Allah-Mohammed, gouverneur de Bougie. Il lui donna en même temps un chambellan et lui recommanda de se laisser guider par les conseils du prévôt de la ville. Ce personnage, nommé Mohammed-Ibn-Abi-Mehdi, était amiral de la flotte et chef de tous les braves aventuriers et archers qui habitaient ce port de mer. Abou-Abd-Allah administra sa principauté à la satisfaction générale et sut mettre à profit les services du prévôt qui, tout en remplissant les fonctions d'intendant du palais, d'homme d'affaires du prince, et de ministre chargé de tout le poids du gouvernement, visait toujours à mériter l'approbation du sultan. L'émir son maître lui en sut bon gré et, jusqu'à sa mort, il ne cessa de lui témoigner tous les égards auxquels un bon serviteur a le droit de s'attendre.

Vers le commencement de l'an 785 (mars, 1383), l'émir AbouAbd-Allah mourut dans son lit, sans avoir jamais été tourmenté par le moindre souci; sans avoir été troublé par la moindre crainte; il mourut comblé de toute la bienveillance de son père, de toute l'affection de ses sujets, et cela seul aurait suffi pour lui ouvrir les portes de la miséricorde divine. Le sultan apprit cette triste nouvelle à Tunis et s'empressa d'expédier à Abou-'l-Abbas-Ahmed, fils du défunt, la patente qui le nommait gouverneur de Bougie et qui le plaçait sous la tutèle d'Ibn-Abi-Mehdi.

EXPÉDITION DU SULTAN DANS LE ZAB.

J'étais encore à Tunis, où j'avais établi mon séjour, quand j'arrivai, dans la composition de ce livre, au récit de la reprise de Touzer, enlevé par le sultan à Ibn-Yemloul. Ensuite, vers le milieu de l'an 784 (octobre, 1382), je m'embarquai pour l'Orient afin de remplir le devoir du pèlerinage. Arrivé à Alexandrie,

Je me rendis au Caire, et là je recueillis de la bouche de voyageurs la suite des événements qui se passèrent en l'Afrique septentrionale depuis mon départ. J'appris d'abord que l'émir AbouAbd-Allah, fils du sultan Abou-'l-Abbas, était mort à Bougie en l'an 785. Je reçus ensuite les renseignements suivants au sujet de l'expédition que le sultan mena, l'année suivante, dans le Zab. Ahmed-Ibn-Mozni, seigneur du Zab et de Biskera, témoignait peu de respect pour l'autorité du gouvernement hafside; il donnait asile aux personnes qui fuyaient la vengeance du sultan ; comptant aussi sur l'appui des Arabes qui occupaient, à côté de lui, certaines régions du Zab et du Tell, et se fiant surtout aux secours que les Douaouida et leur chef, Yacoub-Ibn-Ali, pouvaient lui fournir, il s'était abstenu, pendant plusieurs années, d'acquitter l'impôt. Ibn-Yemloul s'était ménagé une retraite chez lui et, à plusieurs reprises, il avait envahi le territoire de Touzer d'après les conseils et avec le concours de son protec

teur.

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Le sultan céda enfin à sa juste indignation et, en l'an 786 (1384), il rassembla une armée, attira sous ses drapeaux tous les Arabes Beni-Soleim et marcha vers le Sud. Après avoir traversé la plaine de Tebessa, il tourna l'Auras [par l'Est] et déboucha dans le Zab, en se dirigeant vers Tehouda. Les Douaouida, secondés par plusieurs tribus rîahides, accoururent à sa rencontre afin de défendre l'approche de Biskera et de l'empêcher de pénétrer dans le pays. En prenant les armes, ils avaient écouté les inspirations de la jalousie; ne pouvant supporter de voir envahir leur territoire et leurs pâturages par les BeniSoleim. De toutes les fractions de la tribu des Douaouida, les Beni-Sebâ-Ibn-Chibl furent les seuls qui se rangèrent du côté du

sultan.

Ibn-Mozni convoqua alors les guerriers de son territoire et rassembla tous les combattants que sa propre tribu, les Athbedj, pouvait lui fournir. Le nombre de ses partisans fut si considérable que Biskera suffisait à peine pour les contenir.

Quand les deux armées se trouvèrent en présence, le sultan laissa passer plusieurs jours en escarmouches et, pendant ce

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