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Zemoul, que la tribu Saharienne des Oulad 'Anan, à moitié détruite par plusieurs années de sécheresse, vint se réfugier dans le Tell. Les uns s'établirent sur les bords du Roumel, à Aïn Semara, et les autres poussèrent jusqu'au Ferdjioua.

Dans cette riche contrée, ils ne tardèrent pas à se relever de leurs malheurs et à acquérir une certaine influence. Deux familles puissantes vivaient alors au Ferdjioua: les Ben Touati, qui commandaient aux Oulad 'Anan, et les Ben Achour, chefs d'une autre tribu dite les Beni Silin. L'autorité était donnée tantôt à l'une, tantôt à l'autre de ces deux familles; mais à la suite de cette. rivalité de pouvoirs, une guerre acharnée éclata entre elles, et les Oulad 'Anan, vaincus, durent se réfugier à la zmala du bey, établie alors sur les bords du Roumel, devant Constantine. Le bey accueillit les Oulad 'Anan, leur donna les terres qu'ils occupent aujourd'hui encore et les admit dans son makhzen avec le titre de Mezarguia (lanciers), cavaliers auxiliaires, relevant du kaïd des Zemoul. La mission spéciale des Oulad 'Anan était de faire la correspondance entre Constantine, Biskra et jusqu'à Touggourt. Comme salaire, on leur délivrait cinq cents charges de blé ou orge qu'ils allaient prendre au poste magasin de Sétif.

Les terres des Oulad 'Anan sont fertiles; un petit ruisseau dit Oued Ras 'Arousi les arrose. On y trouve plusieurs ruines antiques. L'une d'elles se nomme Gue ber el Yhoudia, parce que, dit la légende, on y enterra jadis une juive;

6o Les Oulad 'Aziz sont originaires des Oulad Moussa Achach, berbères de l'Aurès. Ils occupent une contrée

montagneuse et quelque peu boisée. Ils ont plusieurs puits à côté de ruines romaines ;

7o Les 'Atatfa viennent des Oulad Saoula du Sahara ; ils ont également un territoire mouvementé où se trouvent des puits et des ruines;

80 Oulad Sellam. Ils sont originaires des Oulad Sellam du Hodna. Leurs ancêtres s'étant battus avec leurs frères de tribu, vinrent se placer sous la protection des Tures qui les installèrent à Bekikia, où nous les retrouvons encore aujourd'hui. Leur territoire est partic en plaine, partie en montagnes couvertes de bois, où abonde le gibier. Ils ont de l'eau en grande quantité, dans les ravins et les puits. Ruines romaines;

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90 Beni Imeloul. Cette fraction vient du Ahmar Kheddou de l'Aurès; manquant de ressources dans leurs montagnes, ils obtinrent du bey l'autorisation de s'établir à l'endroit où ils vivent actuellement. Ils ont des terres de culture et des parties montagneuses, très-boisées en essences résineuses; on y voit beaucoup de puits et de ruines antiques. Sous les beys, ils étaient spécialement chargés de fabriquer du goudron pour enduire les chameaux du gouvernement (1);

10 Oulad Sidi Hamla. Le territoire de cette fraction est constitué azel. Ils sont d'origine religieuse et viennent des Oulad Sidi Hamla du Hodna.

D'après la tradition locale, les marabouts de Sidi Hamla seraient les premiers que les Beys placèrent sur le territoire des Berrania. Peu de temps après on leur adjoignit les Oulad Adjaz, à la tête desquels se trouvait

(1) On sait que les chameaux sont enduits de goudron pour être guéris ou préservés de la gale.

un nommé Ahmed ben Trad que les Turcs investirent du titre de cheïkh.

Les tribus voisines, telles que les Telar'ma, Oulad Abd-en-Nour et Oulad bou 'Aoun, assaillirent à plusieurs reprises le nouveau groupe de population pour l'expulser du pays; mais elles ne réussirent qu'à lui enlever quelques bestiaux. Ahmed ben Trad, homme de grande énergie, avait réuni autour de lui une troupe de solides cavaliers, et repoussa avec avantage les agressions de ses ennemis. On se souvient encore des exploits d'Ahmed ben Trad, et les bardes de la tribu, dans leurs chants de guerre, lui font tenir ce langage:

« Les Ouerzifa et les Bou Haoufan (fractions des Abden-Nour) se sont ligués contre moi.

« Il n'y a pas jusqu'aux Telar'ma qui se sont mis de la partie pour m'accabler.

« Quant à toi, Telr'emti, je connais ta valeur.

« Tu nages comme un poisson entre les deux montagnes de Tekouia et de Meziout.

« Mais si tu oses sortir de tes limites, tu succomberas comme meurt le poisson hors de l'eau. »

Les marabouts de Sidi Hamla et les Oulad Adjaz restèrent forts contre leurs ennemis tant que l'union exista entre eux; mais les marabouts ambitieux voulurent renverser le cheïkh ben Trad, dont l'autorité et la valeur leur portait ombrage. « Un soldat, disaient-ils, ne doit pas commander à des hommes de religion. » Les marabouts, plus nombreux que leurs rivaux, les dépouillèrent de ce qu'ils possédaient. Ahmed ben Trad et ses gens se virent donc forcés de demander la protection du kaïd de la zmala. Celui-ci employa alors les Oulad Adjaz et les

Oulad 'Anan en qualité de mezarguia (lanciers), c'est-àdire de cavaliers auxiliaires au service du bey.

Sous la domination turque, les diverses fractions dites Berrania relevèrent, ainsi que nous l'avons vu plus haut, de chefs différents; aucun lien ne les unissait, elles. étaient même souvent en guerre l'une contre l'autre. Après la prise de Constantine, le général Négrier les plaça dans les mains d'un seul chef, qui prit le titre de kaïd des Berrania. Cette organisation a été conservée jusqu'à ce jour.

Chez les Berrania, dans la fraction des Oulad Aziz, à Hadjer el-Merkeb, existe une famille de marabouts jouissant d'une grande considération : ce sont les Oulad Sidi bel-Kheïr. Nous allons dire ce que la légende locale raconte à leur sujet :

Sidi bel-Kheïr, leur ancêtre, venant de l'Est, s'arrêta au pied du Bou 'Arif. Non loin de là, vivait alors un autre marabout du nom de Sidi Yahia, qui vit avec déplaisir un rival s'installer au milieu de populations reconnaissant son autorité religieuse. Sidi Yahia résolut de le faire tuer; mais, dès que les meurtriers se présentèrent, Sidi bel-Kheir poussa un tel cri, que l'écho en retentit dans toute la montagne. A cet appel, les arbres, se détachant de terre, accoururent en galoppant sur leurs racines, et vinrent se ranger en bataille pour protéger le marabout. Les assassins s'enfuirent effrayés, mais les arbres prirent racine sur place, pour perpétuer le souvenir du miracle de Sidi bel-Kheïr.

Dans une autre circonstance, le marabout, gardant luimême ses troupeaux, fut assailli par une bande de maraudeurs qui en voulaient à ses moutons. Mais, au mo

ment où ils allaient les saisir, le troupeau entier s'éloigna en volant comme une compagnie de perdrix. Les maraudeurs, qui appartenaient à la tribu des Achach, prièrent le marabout de leur pardonner, et, à dater de ce jour, lui payèrent l'impôt religieux.

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