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dans chacun de ces monuments les morts d'une ou deux

journées.

Mais les environs de nos tombeaux des Mâdid sont très-peu fertiles, et leur stérilité semble remonter à des temps fort éloignés. Ils ont dû, par suite, être toujours bien déserts.

La ville la plus rapprochée des Beni-Sfao est la Kalaâ, qui fut depuis une des capitales des Hammadites mais il faut trois heures de marche, dans d'affreux chemins, pour aller de la ville aux tombeaux, et il est peu probable qu'on transportât habituellement les morts à une si grande distance; ce qui fait repousser l'idée d'une fosse commune aux morts d'un même jour; et ce qui doit faire repousser aussi bien, pour ces monuments, l'attribution de tombeaux de famille.

Nous sommes réduits, par conséquent, à supposer qu'une circonstance extraordinaire avait rassemblé sur ces lieux un grand nombre d'hommes, et que plusieurs cadavres furent alors enfouis pêle-mêle sous les mêmes pierres.

Une bataille nous paraît expliquer assez bien ces faits, et rien, dans le point de départ de notre hypothèse, ne s'oppose à cette explication.

Les Berbères ont eu constamment à défendre leur patrie contre des envahisseurs, et plusieurs fois, sur les champs de bataille, se sont rencontrés de nombreux combattants.

Il nous semble donc parfaitement admissible qu'à la suite de luttes, soit entre les habitants du pays et leurs conquérants, soit entre les tribus elles-mêmes se faisant mutuellement la guerre, les Berbères ont très-bien pu

élever ces monuments, et y ensevelir ceux qui étaient morts dans le combat.

La présence de femmes et d'enfants, inhumés avec les hommes dans un même tombeau, ne peut détruire notre hypothèse; car les légendes racontent bien souvent que, dans les grandes batailles, les femmes se tenaient avec les enfants à la suite des armées, excitant par leurs cris le courage de leurs maris ou de leurs frères.

Il est vrai que, dans les fouilles, on ne trouve généralement aucune arme; mais les armes étaient chose précieuse pour les survivants; et d'ailleurs l'armure des Berbères consistait en boucliers de cuir et en lances de fer, qui n'auraient pu résister à l'action du temps.

Cette hypothèse nous paraît surtout admissible pour les tombeaux qui nous occupent; leur nombre ferait supposer 500 à 600 morts environ, ce qui serait un chiffre un peu trop fort sans doute pour une lutte de tribu à tribu, mais parfaitement vraisemblable dans une guerre nationale.

Il est vrai qu'à Roknia le nombre des tombeaux est beaucoup plus considérable, et que, souvent, on trouve deux ou plusieurs cadavres ensevelis sous la même pierre.

Mais le pays entre Jemmapes et Guelma était très-fertile, et devait par suite être fort habité; c'était, en outre, le passage ordinaire des Arabes envahissant l'Afrique, et c'est là que les plus grandes luttes eurent lieu entre les deux peuples.

Il est donc possible, à notre avis, que des armées se soient rencontrées plusieurs fois aux environs de Roknia, et que les morts de plusieurs batailles aient été réunis dans la même nécropole.

En résumé, l'étude de ces monuments mégalythiques nous amène à prendre les conclusions suivantes;

1o Les tombeaux des Mâdid appartiennent à la race berbère, ainsi que les tombeaux de Roknia, et que tous les tombeaux circulaires de l'Algérie ;

2o Leur construction ne s'est arrêtée qu'à l'islamisme, et remonte le cours des siècles;

Ceux dans lesquels se trouvent plusieurs cadavres, ont été probablement élevés en l'honneur des guerriers morts dans les combats.

INSCRIPTIONS D'EL-MADHER (CASÆ)

ET

DES ENVIRONS

Une affiche apposée ces jours derniers sur les murs de Constantine, pour annoncer aux entrepreneurs que des travaux d'utilité publique pour la création d'un village à El-Madher allaient être mis en adjudication, m'a rappelé que j'avais eu l'occasion d'explorer le territoire que l'administration se propose d'affecter au nouveau centre et que j'y avais recueilli un certain nombre d'inscriptions dont une a, du moins, le mérite de nous transmettre le nom que portait la localité pendant l'occupation romaine. Je vais donc faire à la hâte quelques emprunts aux notes que j'ai recueillies pendant l'hiver de 1863-1864, et je commencerai par quelques renseignements sur la topographie du pays.

En sortant de Batna pour suivre la route de Constantine, on parcourt une large vallée fermée, au sud, par le Djebel-bou Arif, qui s'allonge jusques chez les Achèche, et au nord, par les dernières pentes du Bou-Kherchouch, du grand massif du Belezma, et les montagnes boisées des Haracta-Djerma, connues sous les noms de Djebel Badach et de Djebel-Djebbas, beaucoup moins élevées que le Bou-Kherchouch, qui porte sa tête dans les nues.

La route quitte la vallée à Aïn-el-Ksar, entre le DjebelDjebbas, qui s'infléchit brusquement jusqu'au niveau de la plaine, et le Djebel-Touda, masse rocheuse isolée, qui finit à l'Oued-el-Madher. De l'autre côté de cette rivière, la chaîne se reforme dans une direction parallèle au BouArif et prend successivement les noms de Djebel-Hazem et de Djebel-Gontas, et se perd dans la grande plaine de Roumila.

La vallée s'arrête au Sebkha-Djendeli, lac d'eau saumâtre d'une superficie d'environ 3,000 hectares, qui se trouve sur la limite des territoires des Haracta-el-Madher et des Achèche; au-delà sont les grandes plaines des Achèche et des Segnia.

La partie de la vallée la plus rapprochée de Batna, jusqu'au Chabet-Ali-Guerra, qui descend du Ras-Babach, un des pitons du Bou-Arif, a formé les territoires des hameaux de Fesdis et de Quessaïa. Le territoire d'El-Madher, que l'administration se propose de livrer à l'industrie européenne, fait suite aux précédents, en s'appuyant au pied de la montagne et en se développant sur les deux rives de l'Oued-el-Madher, qui prend sa source à environ 200 mètres à l'est du Chabet-Ali-Guerra. Il est traversé par le chemin de Batna à Chemorra, qui se bifurque à la ferme Pérès en deux tronçons, dont l'un suit le pied de la montagne et évite ainsi les terrains humides de la plaine, impraticables en hiver. Les deux tronçons se réunissent à environ huit kilomètres plus loin, à hauteur de Bir-bou-Zian.

A partir du point de bifurcation, si l'on examine attentivement le terrain autour des blocs qui se sont détachés d'un banc remarquable de rochers formant une

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