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gneuse et sensiblement plus chaud dans les fractions de la plaine.

III.

Les Segnïa eurent de fréquentes guerres avec leurs voisins; les anciens du pays nous ont raconté celles qui éclatèrent de leur temps.

En 1808, le bey Toubbal se porta, avec une colonne légère, contre les Segnia, pour les punir de leurs brigandages sans cesse renouvelés. Dans une de leurs courses, ils avaient eu la hardiesse de voler un troupeau de chameaux appartenant au beylik. Les Segnïa se refugièrent à la hâte dans la montagne du Guerioun; mais le bey parvint à surprendre dans la plaine un de leurs principaux douar, et fit passer au fil de l'épée tous ses habitants, sans même épargner les femmes et les enfants.

Nâman bey, en 1811, marcha aussi contre eux pour les forcer à payer l'impôt qu'ils avaient refusé de verser entre les mains de leur kaïd. L'expédition du bey échoua, les récalcitrants s'étant retranchés au sommet du Djebel Tarf, d'où ils repoussèrent avec avantage les assauts dirigés contre eux. Enhardis par ce succès, ils se maintinrent en rebellion pendant deux années, et Tchakar bey, en 1813, fut obligé de faire appel aux tribus des Oulad Abd en-Nour et des Telar'ma pour se joindre aux Zemoul et détruire, par un suprême effort, ce foyer de résistance qui, par ses brigandages, portait le désordre dans toute la contrée environnante. Les Segnïa, avertis de la prise d'armes qui se préparait contre eux, se re

fugièrent dans le Djebel Fedjoudj; mais, pressés de toutes parts, impuissants contre leurs nombreux assaillants, ils demandèrent grâce, payèrent un impôt et promirent de vivre désormais d'une manière plus régulière.

A peine les contingents amenés par l'agha de la déira. avaient-ils quitté leur territoire, que les Segnïa furent attaqués par un autre ennemi auquel ils ne s'attendaient pas. C'était les Beni Oudjana, qui, de leurs montagnes de l'Aurès, avaient guetté le moment propice pour les accabler. Le désespoir donna de nouvelles forces aux Segnia, et ils repoussèrent victorieusement les agresseurs. Du temps d'Ahmed bey Mamelouk, en 1817, les Sahari vinrent razer les troupeaux des Segnia. Ceux-ci se mirent à la poursuite des ravisseurs et les atteignirent à Teniet-el-Mendri, où se livra un combat sanglant, ce qui n'empêcha pas les nombreux cavaliers des Sahari d'emmener le produit de leur razia. Mais, peu après, les Segnia, rassemblés à la voix de Ben Mzian, cheïkh des Oulad Mahboub, attaquèrent à l'improviste les Sahari et, à leur tour, leur enlevèrent de nombreux chameaux. L'année suivante, les deux partis ennemis, marchant l'un contre l'autre, se rencontrèrent au pied du Djebel bou 'Arif. Il y eut beaucoup de cavaliers tués de part et d'autre.

Cependant les Segnïa continuaient à vivre en vagabonds et å se soustraire à toute autorité. Braham bey marcha contre eux en 1818, et leur prit quelques troupeaux; mais les pertes en hommes qu'il éprouva firent considérer celle expédition comme désastreuse pour l'armée du bey. Néanmoins, l'année suivante, Braham Bey écrivit

aux Segnïa pour les engager à éviter une nouvelle effusion de sang. Ceux de la tribu qui désiraient vivre en bonne intelligence avec l'autorité, conseillèrent au bey de faire arrêter à l'improviste quelques-uns des leurs, et de les garder en otage pour forcer leurs frères à traiter à l'amiable. Les arrestations eurent lieu, en effet; mais au moment où, sous une faible escorte, on conduisait les otages à Constantine, une bande de cavaliers Segnia vint les délivrer, blessa et mit en fuite les cavaliers. du bey.

Braham bey, furieux de cette mésaventure, prescrivit aux contingents de toutes les tribus soumises de se rendre aux Segnia et de ravager leurs cultures. Se mettant Jui-même à la tête d'une colonne de troupes turques, il alla camper à Fesguia. Les Segnia, attaqués de toutes parts, se défendirent avec le courage du désespoir; il y eut beaucoup de morts de part et d'autre. Toute résistance devenait impossible; il fallait trouver son salut dans la fuite ou succomber. Quelques-uns se refugièrent chez leurs amis des tribus voisines; d'autres, moins heureux, se cachèrent dans les bois du Guerioun, alors très touffus. Les troupes du bey mirent le feu à ces bois et commencèrent à traquer les fugitifs comme des bêtes fauves. C'en était fait des Segnïa, sans un bouleversement politique qui changea les dispositions prises à leur égard. Le massacre durait déjà depuis deux jours, quand Braham bey fut supplanté par le bey Mamelouk. Celui-ci fit grâce aux rebelles, se borna à leur infliger une amende et mit fin ainsi à cette guerre d'extermination.

Les Segnïa, s'étant refaits de leurs pertes, échangérent encore des coups de fusil avec leurs voisins des

Haracta, Amer Cheraga et Beni Oudjana de l'Aurès. Quelques temps après sa nomination au gouvernement de Constantine, c'est-à-dire vers 1825-26, El-Hadj Ahmed dut se porter chez les Segnia pour les punir de leur refus de payer l'impôt. Il réussit à prendre une partie de leurs troupeaux, et trente cavaliers, surpris dans cette rencontre, eurent la tête tranchée séance tenante. Les Segnia, furieux, se mirent à la poursuite du bey, et, pendant sa retraite, lui tuèrent quinze hommes.

En 1830, les contingents de la province de Constantine, répondant à l'appel du pacha, suivirent El-Hadj Ahmed à Alger pour combattre l'armée française, qui venait de mettre le pied sur le sol africain. Les Segnïa refusèrent de prêter leur concours à cette prise d'armes.

Dès que la nouvelle de la chute d'Alger se fut répandue, plusieurs tribus, mécontentes de la domination turque, se déclarèrent ouvertement en révolte, Les Segnïa poussérent même plus loin leur manifestation: ils se donnèrent pour chef le nommé Ben Djaber, cavalier renommé des Oulad Seguen, et lui octroyèrent le titre de Bey elAmma, le bey du peuple. Le nouveau dignitaire, ayant composé son entourage en khalifas, aghas et kaïds, adressa des proclamations aux tribus environnantes pour les engager à reconnaître son autorité; les Kherareb firent acte de soumission; mais les Amer Cheraga renvoyèrent à coups de pierre les émissaires du nouveau bey. On se battit alors aux environs de Meheris, et quelques hommes succombèrent de part et d'autre.

Cependant El-Hadj Ahmed bey, après la chute d'Alger, était parvenu à regagner Constantine malgré la coalition organisée contre lui par tous les mécontents. Aidé de

ses cousins, les Ben Ganâ du Sahara, il dut entrer aussitôt en campagne et réduire chaque tribu l'une après l'autre. Les Segnia, invités à se présenter au camp du bey, répondirent qu'ils étaient tout disposés à se soumettre, à condition qu'ils seraient placés sous l'autorité directe du bey, et non plus du kaïd des Zemoul qui les administrait précédemment. Ils se rendirent même en députation auprès du cheïkh el-Arab Ben Ganâ, oncle maternel du bey, le priant d'intercéder en leur faveur. Pendant celle première année, en effet, les Segnïa relevèrent, non du bey, mais du cheïkh el-Arab, entre les mains duquel ils payèrent leur impôt. Il avait fallu consentir à cette combinaison, pour ne pas soulever de nouveaux embarras. Mais, l'année suivante, le kaïd des Zemoul, Mohammed ben el-Arbi, reçut le burnous d'investiture. Son titre de nomination mentionnait qu'il aurait à administrer les Segnïa, comme l'avaient fait tous ses prédécesseurs. En même temps, le bey écrivait aux Segnia d'obéir à leur nouveau chef, s'ils ne voulaient être punis avec la dernière des rigueurs. La lecture de cette lettre indisposa tellement les Segnïa, qu'ils furent un instant sur le point de massacrer l'émissaire qui l'avait apportée. Le bey, informé de la disposition des esprits, ordonna aux tribus makhzen de se tenir prêtes à marcher contre les rebelles, que l'on commença à surveiller, en plaçant des postes de cavaliers à la limite de leur pays. Dès que leurs troupeaux se montraient en rase campagne, on courait sus sans relâche. On leur enleva, de cette manière, environ cinq mille moutons et un nombre considérable de bœufs et de chameaux.

Fatigués de ces pertes incessantes, les Segnïa résolu

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