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avait à peu près confondus, en attribuant au premier les effets du second. Je veux parler de la conquête arabe du vi° siècle, qui ne fut qu'une conquête militaire, suivie d'une occupation de plus en plus restreinte et précaire, laissant, au xe siècle, le champ libre à la race berbère, affranchic et retrempée dans son propre sang, et de l'immigration hilalienne du xe siècle, qui ne fut pas une conquête, mais dont le résultat, obtenu par une action lente qui se continue encore de nos jours, a été l'arabisation de l'Afrique et la destruction de la nationalité berbère.

Je publiai alors l'Histoire de l'établissement des Arabes dans l'Afrique septentrionale (1 vol. in-8, avec deux cartes, Marle-Challamel, 1875), ouvrage dans lequel je m'efforçai de démontrer ce que je demanderai la permission d'appeler cette découverte historique.

Mais je n'avais traité qu'un point, important, il est vrai, de l'histoire africaine, et il me restait à présenter un travail d'ensemble. Dans ces trente-quatre années, que de documents, que d'ouvrages précieux avaient été mis au jour! En France, la conquête de l'Algérie avait naturellement appelé l'attention des savants sur ce pays. Nos membres de l'Institut, orientalistes, historiens, archéologues, trouvaient en Afrique une mine inépuisable, et il suffit, pour s'en convaincre, de citer les noms de MM. de Slane, Reynaud, Quatremère, Hase, Walcknaer, d'Avezac, Dureau de la Malle, Marcel, Carette, Yanosky, Fournel, de Mas-Latrie, Vivien de Saint-Martin, Léon Rénier, Tissot, H. de Villefosse.

En Hollande, le regretté Dozy publiait ses beaux travaux sur l'Espagne musulmane. En Italie, M. Michele Amari nous donnait l'histoire des Musulmans de Sicile, travail complet où le sujet a été entièrement épuisé. Enfin l'Allemagne, l'Angleterre, l'Espagne fournissaient. aussi leur contingent.

Pendant ce temps, l'Algérie ne restait pas inactive. Un nombre considérable de travaux originaux était produit par un groupe d'érudits qui ont formé ici une véritable école historique. Je citerai parmi cux: MM. Ber

brugger, F. Lacroix enlevé par la mort avant d'avoir achevé son œuvre, Poulle, le savant président de la Société archéologique de Constantine, Reboud, Cherbonneau, général Creuly, Mac-Carthy, l'abbé Godard, l'abbé Bargès, Brosselard, A. Rousseau, Féraud, de Voulx, Gorguos, Vayssettes, Tauxier, Aucapitaine, Guin, Robin, Moll, Ragot, Elie de la Primaudaie, de Grammont, président actuel de la Société d'Alger, et bien d'autres, auxquels sont venus s'ajouter plus récemment MM. Boissière, Masqueray, de la Blanchère, Basset, Houdas, Pallu de Lessert, Poinssot, Cagnat.....

Grâce aux efforts de ces érudits dont nous citerons souvent les ouvrages, un grand nombre de points, autrefois obscurs, dans l'histoire de l'Afrique, ont été éclairés, et s'il reste encore des lacunes, particulièrement pour l'époque byzantine, le xve siècle et les siècles suivants, surtout en ce qui a trait au Maroc, elles se comblent peu à peu. Je ne parle pas de l'époque phénicienne : là, il n'y a à peu près rien à espérer.

Comme sources, notre bibliothèque des auteurs anciens est aussi complète qu'elle peut l'être. Quant aux écrivains arabes, elle est également à peu près complète, mais il faudrait, pour le public, que deux traductions importantes fussent entreprises, et elles ne peuvent l'être qu'avec l'appui de l'Etat. Je veux parler du grand ouvrage d'Ibn-el-Athir', qui renferme beaucoup de documents relatifs à l'Occident, et du Baïane, d'Ibn-Adhari, dont Dozy a publié le texte arabe, enrichi

de notes.

11 est donc possible, maintenant, d'entreprendre une histoire d'ensemble. Je l'ai essayé, voulant d'abord me borner aux annales de l'Algérie; mais il est bien difficile de séparer l'histoire du peuple indigène qui couvre le nord de l'Afrique, en nous conformant à nos divisions arbitraires, et j'ai été amené à m'occuper en même temps du Maroc, à l'ouest, et de la Tunisie et de la Tripoli

1. Kamil-et-Touarikh.

taine, à l'est. Cette fatalité s'imposera à quiconque voudra faire ici des travaux de ce genre, car l'histoire d'un pays, c'est celle de son peuple, et ce peuple, dans l'Afrique du Nord, c'est le Berbère, dont l'aire s'étend de l'Egypte à l'Océan, de la Méditerranée au Soudan.

Fournel, qui a passé une partie de sa longue carrière à amasser des matériaux sur cette question, a subi la fatalité dont je parle, et lorsqu'il a publié le résultat de ses recherches, monument d'érudition qui s'arrête malheureusement au x1° siècle, il n'a pu lui donner d'autre titre que celui d'histoire des « Berbers ».

Mes intentions sont beaucoup plus modestes, car je n'ai pas écrit uniquement pour les érudits, mais pour la masse des lecteurs français et algériens. Je me suis appliqué à donner à mon livre la forme d'un manuel pratique; mais, ne voulant pas étendre outre mesure ses proportions, je me suis heurté à une difficulté inévitable, celle de suivre en même temps l'histoire de divers pays, histoire qui est quelquefois confondue, mais le plus souvent distincte.

Dans ces conditions, je me suis vu forcé de renoncer à la forme suivie et coulante de la grande histoire, pour adopter celle du manuel, divisé par paragraphes distincts, dont chacun est indépendant de celui qui le précède. Ce procédé s'oppose naturellement à tout développement d'ordre littéraire la sécheresse est sa condition d'être; mais il permet de mener de front, sans interrompre l'ordre chronologique, l'exposé des faits qui se sont produits simultanément dans divers lieux. De plus, il facilite les recherches dans un fouillis de lieux et de noms, fait pour rebuter le lecteur le plus résolu.

Ecartant toutes les traditions douteuses transmises par les auteurs anciens et les Musulmans, car elles auraient allongé inutilement le récit ou nécessité des dissertations oiseuses, je n'ai retenu que les faits certains ou présentant les plus grands caractères de probabilité. Je me suis attaché surtout à suivre, le plus exactement possible, le mouvement ethnographique qui a fait de la population de la Berbérie ce qu'elle est maintenant.

Deux cartes de l'Afrique septentrionale à différentes époques, et une de l'Espagne, faciliteront les recherches. Enfin une table géographique complète terminera l'ouvrage et chaque volume aura son index des noms propres.

Constantine, le 1er Janvier 1888.

Ernest MERCIER.

SYSTÈME ADOPTÉ

POUR LA TRANSCRIPTION DES NOMS ARABES

Dans un ouvrage comme celui-ci, ne s'adressant pas particulièrement aux orientalistes, le système de transcription du nombre considérable de vocables arabes et berbères qu'il contient doit être, autant que possible, simple et pratique.

La difficulté, l'impossibilité même, de reproduire, avec nos caractères, certaines articulations sémitiques, a eu pour conséquence de donner lieu à un grand nombre de systèmes plus ou moins ingénieux. Divers signes conventionnels, ajoutés à nos lettres, ont eu pour but de les modifier théoriquement, en leur donnant une prononciation qu'elles n'ont pas; pour d'autres, on a formé des groupes où l'h, cette lettre sans valeur phonétique en français, joue un grand rôle. Chaque pays, chaque académie a, pour ainsi dire, son système de transcription. Mais, pour le public en général, tout cela ne signifie rien, et si l'on a, par exemple, surmonté ou souscrit un a d'un point, d'un esprit ou de tout autre signe (aaaa), l'immense majorité des lecteurs ne le prononcera pas autrement que le plus ordinaire de nos a.

De même, ajoutez un h à un t, à un g ou à un k, vous aurez augmenté, pour le profane, la difficulté matérielle de lecture, mais sans donner la moindre idée de ce que peut être la prononciation arabe des lettres que l'on veut reproduire.

Enfin, en se bornant à rendre, d'une manière absolue, une lettre arabe par celle que l'on a adoptée en français comme équivalente, on arrive souvent à former de ces syllabes qui, dans notre langue, se prononcent d'une manière sourde (ein, in, an, on) et ne répondent nulle

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