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raient formé la souche des Maures et des Numides. Ces nouveaux noms leur auraient été donnés par les Libyens dans leur jargon barbare'. Les colonies phéniciennes établies sur le littoral auraient achevé de constituer la population de l'Afrique, en lui ajoutant un élément nou

veau.

Voilà, en quelques mots, le système de Salluste.

Procope, reproduisant à cet égard les données de l'historien Josèphe, dit que l'Afrique a été peuplée par des nations chassées de la Palestine par les Hébreux. Le rabbin Maïmounide, un des plus célèbres commentateurs du Talmud, nous apprend que les Gergéséens, expulsés du pays de Canaan par Josué, emigrèrent en Afrique.

Enfin, l'historien arabe Ibn-Khaldoun, après avoir examiné diverses hypothèses sur la question, s'exprime comme suit : « Les Berbères sont les enfants de Canaan, fils de Cham, fils de Noë; leur aïeul se nommait Mazir'; ils avaient pour frères les Gergéséens et étaient parents des Philistins. Le roi, chez eux, portait le titre de Goliath (Galout). Il y eut en Syric, entre les Philistins et les Israélites, des guerres, etc. Vers ce temps-là, les Berbères passèrent en Afrique3.

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Ainsi, voilà toute une série de traditions d'origines diverses, rappelant le souvenir d'invasions de peuples asiatiques dans le nord de l'Afrique.

Nous n'avons pas parlé des Hycsos, ces conquérants sémites, plus ou moins mélangés de Mongols, qui, après avoir conquis l'Egypte, renversé la XIII° dynastie et occupé en maîtres le pays durant plusieurs siècles, furent chassés par le Pharaon Ahmés I, de la XVIII dynastie.

En effet, l'histoire de l'Egypte nous démontre péremptoirement qu'autrefois sa vie a été intimement mêlée à celle de la Berbérie, et c'est ce qui a été très bien ca

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1. « barbara lingua Mauros, pro Medis appellantes » (Salluste). 2. Procope. De bello Vandalico. p. 184.

3. Histoire des Berbères (trad. de Slane), t. I.

ractérisé par M. Zaborowski' dans les termes suivants : « L'action réciproque de l'Egypte et de l'Afrique l'une sur l'autre est si ancienne, elle a été si longue et si profonde, qu'il est impossible de démêler ce que la première a emprunté à la seconde, et réciproquement. »

Il est donc possible que les Hycsos, vaincus, soient passés en partie dans le Mag'reb. Mais, en revanche, cette même histoire nous apprend que, vers le xv° siècle avant J.-C., sous la XIX dynastie, une invasion de nomades, aux yeux bleus et aux cheveux blonds, vint de l'ouest s'abattre sur l'Egypte.

Ces populations, que les Egyptiens confondaient avec les Libyens et qu'ils nommaient Tamahou (hommes blonds), d'où venaient-elles? Arrivaient-elles d'Europe ou étaient-elles depuis longtemps établies dans la Berbérie ? Cette question est insoluble; mais, quand on examine la quantité innombrable de dolmens qui couvrent l'Afrique septentrionale, on ne peut s'empêcher d'y voir les sépultures de ces hommes blonds ou un usage laissé par eux. Il faut, en outre, reconnaître la parenté étroite qui existe entre les dolmens de l'Afrique et ceux de l'Espagne, de l'ouest de la France et du Danemarck.

Berbères, Ibères, Celtibères, voilà des peuples frères et dont l'action réciproque des uns sur les autres est incontestable, sans même qu'il soit besoin d'appeler à son aide l'identité de conformation physique ou les rapprochements linguistiques, car ce sont des arguments d'une valeur relative et dont il est facile de tirer parti en sens divers. A quelle époque, par quels moyens se sont établies ces relations de races entre le midi de l'Europe et l'Afrique septentrionale? Les invasions ont-elles eu lieu de celle-ci en celui-là, ou de celui-là en celle-ci? Autant

de

questions sur lesquelles les érudits ne parviendront jamais à s'entendre, en l'absence de tout document précis. Pourquoi, du reste, les deux faits ne se seraient-ils pas produits à des époques différentes?

1. Peuples primitifs de l'Afrique. (Nouvelle revue, 1er mars 1883.)

Mais ne nous arrêtons pas à ces détails.

Du rapide exposé qui précède résultent deux faits que l'on peut admettre comme incontestables :

1o Des invasions importantes de peuples asiatiques ont eu lieu, à différentes époques, dans l'Afrique septentrionale;

2o Cette région a été habitée anciennement par une race blonde, ayant de grands traits de ressemblance, comme caractères physiologiques et comme mœurs, avec certaines peuplades européennes.

Quelle conclusion tirerons-nous maintenant de cette constatation?

Dirons-nous, comme certains, que la race berbère est d'origine purement sémitique, ou, comme d'autres, purement aryenne?

Nullement. La race berbère, en effet, peut avoir subi, à différents degrés, cette double influence, et il peut exister parmi elle des branches qu'il est possible de rattacher à l'une et à l'autre de ces origines. Mais il n'en est pas moins vrai que, comme ensemble, elle a persisté avec son type spécial de race africaine, type bien connu en Egypte dans les temps anciens, et que l'on retrouve encore maintenant dans toute l'Afrique septentrionale.

Sans vouloir discuter la question de l'unité ou de la pluralité de la famille humaine, il est certain qu'à une époque très reculée, la race libyenne ou berbère s'est trouvée formée et a occupé l'aire qui lui est propre, toute l'Afrique du nord.

Sur ce substratum sont venues, à des époques relativement récentes, s'étendre des invasions dont l'histoire a conservé de vagues souvenirs, et ce contact a laissé son empreinte dans la langue, dans les mœurs et dans les caractères physiologiques. Les peuples cananéens, les Phéniciens ont eu une action indiscutable sur la langue berbère; et les blonds, qui, peut-être, étaient en grande minorité, ont imposé pendant un certain temps leur mode de sépulture aux Libyens du Tell. Malgré l'adoption de la religion musulmane et la modification profonde subie par les populations du nord de

l'Afrique, du fait de l'introduction de l'élément arabe, il existe encore en Algérie, notamment aux environs de la Kalâa des Beni-Hammad, dans les montagnes au nord de Mecila, des tribus qui construisent de véritables dolmens.

Mais cette action des étrangers, que nous reconnaissons, a eu des effets plus apparents que profonds, et il s'est passé en Afrique ce qui a eu lieu presque partout et toujours, avec une régularité qui permettrait de faire une loi de ce phénomène la race vaincue, dominée, asservie, a, peu à peu, par une action lente, imperceptible, absorbé son vainqueur en l'incorporant dans son

sein.

Le même fait s'est produit au moyen âge à l'occasion de l'invasion hilalienne, et cependant le nombre des Arabes était relativement considérable et leur mélange avec la race indigène avait été favorisé d'une manière toute particulière, par l'anarchie qui divisait les Berbères et annihilait leurs forces. L'élément arabe a néanmoins été absorbé; mais, en se fondant au milieu de la race autochthone disjointe, il lui a fait adopter, en beaucoup d'endroits, sa langue et ses mœurs.

race

N'est-ce pas, du reste, ce qui s'est passé en Gaule : l'occupation romaine a romanisé pour de longs siècles les provinces méridionales, sans modifier, d'une manière sensible, l'ensemble de la race. Dans le nord, les conquérants francks se sont rapidement fondus dans la conquise, sans laisser d'autre souvenir que leur nom substitué à celui des vaincus. Ces effets différents s'expliquent par le degré de civilisation des conquérants, supérieur aux vaincus dans le premier cas, inférieur dans le second. En résumé, ces conquêtes, ces changements dans les dénominations, les lois et les mœurs, n'ont pas empêché la race gauloise de rester, comine fond, celtique.

De même, malgré les influences étrangères qu'elle a subies, la race autochthone du nord de l'Afrique est restée libyque, c'est-à-dire berbère.

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