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est parvenue sous le nom de Périple de Hannon; malheureusement la date manque. L'on sait seulement, d'après Pline, que c'était à l'époque de la plus grande puissance de Karthage, alors que, selon Erathosthène, cité par Strabon, on comptait plus de trois cents colonies phéniciennes au delà du détroit '.

ORGANISATION POLITIQUE DE Karthage. La puissance acquise par Karthage au milieu des populations berbères était le fruit de l'esprit d'initiative, du courage et de l'adresse dont les Phéniciens avaient sans cesse donné des preuves pendant de longs siècles. Chacun avait coopéré à cette conquête; le gouvernement avait donc été d'abord une république où le rang de chacun était égal Puis, les fortunes commerciales et militaires s'étant faites, les grandes familles avaient conservé le pouvoir entre leurs mains, et il en était résulté une oligarchie assez compliquée. Le pouvoir exécutif était dévolu à deux rois, assistés d'un conseil dit des anciens, composé de vingt-huit membres, tous paraissant avoir été élus par le peuple et pour un temps assez court. L'exécutif nommait les généraux en chef, mais leur déléguait une partie de ses pouvoirs, ce qui tendait à en faire de véritables dictateurs, tout en offrant l'avantage de rétablir une unité nécessaire dans le commandement. Pour compléter la machine gouvernementale, un autre conseil, dit des Cent-Quatre, composé de l'aristocratie, exerçait les fonctions judiciaires et contrôlait les actes de tous 3. Ce gouvernement impersonnel n'avait pas les avantages d'une démocratie et en avait tous les inconvénients; il manquait d'unité et, par suite, de force, et ouvrait la porte à toutes les intrigues et à toutes les compétitions..

CONQUÊTE DE KARTHAGE DANS LES ÎLES ET SUR LE LITTORAL DE LA MÉDITERRANÉE. Dès le sixième siècle avant notre ère, les Karthaginois firent des expéditions guerrières dans les îles et sur le rivage continental de la Méditerranée. En 543, à la suite d'une guerre contre les Phocéens, ils restèrent maîtres de l'île de Corse. Quelques années plus tard, eut lieu leur premier débarquement en Sicile (536).

1. Vivien de Saint-Martin.

Voir également : « Navigation d'Hanno capitaine carthaginois aux parties d'Afrique, delà les colonnes d'Hercule, par Léon l'Africain (trad. Temporal), t. I, p. xxv et suiv.

2. Suffetes (Chofetim) ou juges. Les auteurs anciens leur donnent le nom de rois. Tite-Live les compare aux consuls (XXX).

3. Mommsen, Histoire romaine, t. II, p. 217 et suiv. - Aristote, Polit., 1. II. Polybe, VI et pass.

Les relations amicales de Karthage avec l'Italie, remontent à cette époque; déjà les Etrusques l'avaient aidée dans sa guerre contre les Phocéens; en 509 fut conclu son premier traité d'alliance avec les Romains 1.

Sous l'habile direction de Magon, la puissance punique s'étendit sur la Méditerranée, dont tous les rivages reçurent la visite des vaisseaux de Karthage se présentant, non plus comme de simples trafiquants, mais comme les maîtres de la mer. Les Berbères de l'Afrique propre sont ses vassaux; ceux du sud et de l'ouest ses alliés : tous lui fournissent des mercenaires pour ses campagnes lointaines. La civilisation Karthaginoise se répandit au loin et exerça la plus grande influence, particulièrement sur la Grèce et le midi de l'Italie.

GUERRES DE SICILE. Mais ce fut contre la Sicile que Karthage concentra ses plus grands efforts; elle était attirée vers cette conquête par la richesse et la proximité de l'île, et aussi par le désir d'abattre la puissance des Grecs en Occident. Alors commença ce duel séculaire, qui devait avoir pour résultat d'arrêter la colonisation grecque dans la Méditerranée, mais dont Rome devait recueillir tous les fruits.

Alliés à Xerxès par un traité fait dans le but d'opérer simultanément contre les Grecs, les Karthaginois firent passer en Sicile une armée considérable sous la conduite d'Amilcar 2, fils de Magon; mais cette alliance ne leur fut pas favorable et, tandis que les Perses étaient écrasés à Salamine, les Phéniciens éprouvaient un véritable désastre en Sicile (vers 480).

La guerre continua pendant de longues années en Sicile, sans que les Karthaginois y obtinssent de grands succès: les revers, la peste, les calamités de toute sorte semblaient stimuler leur ardeur. Néanmoins, vers la fin du ve siècle, Hannibal et Himilcon, de la famille de Hannon, remportèrent de grandes victoires et conquirent aux Karthaginois près d'un tiers de l'île, avec des villes telles que Selinonte, Hymère, Agrigente, etc. 3.

Denys, tyran de Syracuse, les arrêta dans leurs succès et les força à signer un traité, ou plutôt une trêve, pendant laquelle les deux adversaires se préparèrent à une lutte plus sérieuse (401). En 399 Denys envahit les possessions Karthaginoises; Himilcon,

1. Polybe.

2. C'est à tort que M. Mommsen et les Allemands orthographient ce nom par un H. La première lettre est un Aïn ( ) et non un Heth ( ). 3. Diodore.

nommé suffetę, arrive avec une flotte nombreuse devant Syracuse, force l'entrée du port et coule les vaisseaux ennemis (396). L'année suivante, il revient en force, s'empare de Motya, de Messine, de Catane, de presque toute l'ile, vient mettre le siège devant Syracuse et porte le ravage dans la contrée environnante. Au moment où il est sur le point de triompher de son ennemi, la peste éclate dans son armée. Denys profite de cette circonstance pour attaquer les Karthaginois démoralisés, les bat sur terre et sur mer et force le suffète à souscrire à une capitulation qui consacre la perte de toutes ses conquêtes. Ainsi finit cette campagne si brillamment commencée 1.

REVOLTE DES BERBÈRES. A la nouvelle de ce désastre, les indigènes de l'Afrique croient que le moment est venu de reconquérir leur indépendance. Ils se réunissent en grandes masses et viennent tumultueusement attaquer Karthage (395). Tunis tombe en leur pouvoir et la métropole punique se trouve exposée au plus grand danger. Mais bientôt la discorde se met parmi ces hordes sans chefs, qui ne veulent obéir à aucune règle, et ce rassemblement se fond et se désagrège. Ainsi nous verrons constamment les Berbères profiter des malheurs dont leurs dominateurs sont victimes pour se lever contre eux : la révolte éclate comme la foudre; mais bientôt la dé-union et l'indiscipline font leur œuvre, la réunion se dissout en quelques jours et les indigènes retombent sous le joug de l'étranger 2.

SUITE DES GUERRES DE SICILE. A peine Karthage avait-elle triomphé des Berbères qu'elle envoya Magon en Sicile avec de nouvelles forces. La guerre recommença aussitôt entre Denys et les Karthaginois, et se prolongea avec des chances diverses pendant plusieurs années. Magon, ayant péri dans une bataille, fut remplacé par son fils portant le même nom. En 368, Denys cessa de vivre et eut pour successeur son fils Denys le jeune. Malgré ces changements, la guerre continuait avec acharnement de part et d'autre c'était comme un héritage que les pères transmettaient en mourant à leurs enfants.

Mais si les Grecs de Sicile avaient recouvré une certaine puissance sous la ferme main de Denys, le règne de son successeur ne leur procura pas les mêmes avantages. Poussés à bout par les vices de Denys le jeune, les Syracusains l'expulsèrent de leur ville;

1. Diodore, 1. XXIV.

2. Diodore, 1. XIV, ch. LXXII.

mais comme un tyran a toujours des partisans, la guerre civile divisa les Grecs. Karthage saisit avec empressement cette occasion pour envoyer de nouvelles troupes en Sicile avec Magon, en chargeant ce général de reprendre avec vigueur les opérations militaires. Vers le même temps elle concluait avec Rome un nouveau traité d'alliance tout en sa faveur, car elle imposait à celle-ci de ne pas naviguer au delà du détroit de Gadès, à l'Ouest, et du cap Bon, à l'Est, et lui interdisait même de faire du commerce en Afrique (318).

A l'arrivée de Magon en Sicile, un groupe de citoyens de Syracuse, car la ville elle-même était divisée en plusieurs camps, fit appel aux Corinthiens fondateurs de leur cité, en implorant leur secours. Ceux-ci envoyèrent Timoléon avec une petite armée d'un millier d'hommes. Syracuse était alors sur le point de tomber: un parti avait livré le port aux Karthaginois; Denys occupait le château; Icetas le reste de la ville. Timoléon obtint la soumission de Denys et la remise de la citadelle et força les Karthaginois à une trêve pendant laquelle il détacha de Magon ses auxiliaires grecs. Celui-ci, se croyant perdu, s'embarqua précipitamment et vint chercher un refuge à Karthage, où, pour échapper à un supplice ignominieux, il se donna la mort.

Karthage, brûlant du désir de tirer vengeance de ces échecs, fit passer, en 340, de nouvelles troupes en Sicile sous le commandement de Hannibal et de Amilcar; mais ce ne fut que pour essuyer un nouveau et plus complet désastre. Timoléon, bien qu'il disposat d'un nombre beaucoup moins grand de soldats, réussit, après une lutte acharnée dans laquelle les Karthaginois déployèrent le plus grand courage, à triompher d'eux. En 338 un traité fut conclu entre les Syracusains et les Karthaginois. Timoléon fit ainsi reconnaitre l'intégrité de Syracuse et de son territoire et recula les bornes des possessions puniques, en imposant aux Karthaginois la défense de soutenir à l'avenir les tyrans.

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IL PORTE

LA GUERRE EN

AGATHOCLE, TYRAN DE SYRACUSE. AFRIQUE. Quelques années plus tard, un homme de la plus basse extraction, sans mœurs, mais d'un caractère énergique et ambitieux, parvint, avec l'appui d'Amilcar, à s'emparer par un coup de force de l'autorité à Syracuse; il mit à mort les citoyens les plus honorables et se proclama roi des Grecs (319). Bien qu'il eût juré à Amilcar, pour obtenir son appui, une fidélité éternelle à Karthage, il se considéra comme dégagé de son serment par la mort de son ancien protecteur et envahit les possessions puniques. Aussitôt, Karthage fit passer en Sicile une armée nombreuse sous

la conduite de Amilcar, fils de Giscon, et ses troupes remportérent sur Agathocle une victoire décisive et vinrent mettre le siège devant Syracuse.

Agathocle, réduit à la dernière extrémité, ne possédant plus que la ville dans laquelle il est bloqué, repoussé par les Grecs auxquels il s'est rendu odieux par sa tyrannie, conçoit le dessein hardi de se débarrasser de ses ennemis en allant porter la guerre chez eux. Il supplie les Syracusains de résister encore quelques jours, parvient, au moyen d'un stratagème, à attirer les vaisseaux Karthaginois en dehors du port, profite de ce moment pour en sortir luimême avec quelques navires, et fait voile vers l'Afrique. Poursuivi par la flotte de ses ennemis, il parvient à lui échapper et, après six jours d'une traversée des plus périlleuses, aborde dans le golfe même de Tunis et se retranche dans les carrières, après avoir brûlé ses vaisseaux afin d'enlever à ses troupes toute pensée de retour (310).

Revenus de la stupeur que leur a causée cette attaque imprévue, les Karthaginois appellent tous les hommes aux armes et chargent les généraux Hannon et Bomilcar de repousser l'usurpateur qui s'est déjà emparé de plusieurs villes. Mais le sort des armes est funeste aux Phéniciens; leurs troupes sont écrasées par Agathocle qui vient mettre le siège devant Karthage (309).

Pendant que les Phéniciens démoralisés multiplient les offrandes à leurs dieux pour apaiser leur courroux, en sacrifiant même leurs propres enfants, la renommée porte de tous côtés, en Berbérie, la nouvelle des succès de l'envahisseur et de la destruction de l'armée Karthaginoise. Les indigènes, tributaires ou alliés, accourent en foule au camp d'Agathocle pour l'aider à écraser leurs maîtres ou leurs amis.

En Sicile, Amilcar a continué le siège de Syracuse: mais bientôt le bruit des victoires des Grecs parvient aux assiégés et, par un puissant effort, ils obligent les Karthaginois à lever le blocus. (309). L'année suivante, Amilcar essaie en vain d'enlever Syracuse; il est vaincu, fait prisonnier et expire dans les supplices.

Cependant Agathocle, solidement établi à Tunis, continuait de menacer Karthage et en même temps parcourait en vainqueur le pays, au sud et à l'est, faisant reconnaître son autorité par les Berbères; dans une seule campagne, plus de deux cents villes lui ont fait leur soumission. Après avoir, avec une audacieuse habileté, réprimé une révolte qui avait éclaté contre lui au milieu de ses soldats, Agathocle entra en pourparlers avec Ophellas, roi de la Cyrénaïque, ancien lieutenant d'Alexandre, et lui demanda son alliance. Séduit par ses promesses, Ophellas n' n'hésita pas à amener

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