Images de page
PDF
ePub

mama, roi des Mag'raoua, continuait à régner au milieu d'une cour brillante, et, pendant ce temps, les Beni-Ifrene, commandés par Temim, guerroyaient contre les Berg`ouata et devenaient redoutables. En 1033, ils vinrent, avec l'aide d'autres tribus zenétes, mettre le siège devant Fès. Le chef des Mag`raoua leur livra une grande bataille sous les murs de la ville; mais, après une lutte acharnée où tombèrent ses meilleurs guerriers, il fut entièrement défait. Les Beni-Ifrene entrèrent victorieux à Fès, qu'ils mirent au pillage. Le quartier des juifs, surtout, attira leur convoitise, car il était rempli de richesses; les vainqueurs massacrèrent les hommes et réduisirent les femmes en esclavage.

Temim s'installa en souverain dans Fès, tandis que Hammama se réfugiait à Oudjda et s'occupait avec activité à réunir ses adhérents, afin de prendre sa revanche. Peu de temps après, il fut en mesure de commencer les hostilités et, en 1038, il arrachait sa capitale des mains des Beni-Ifrene. Ceux-ci rentrèrent dans leurs anciens territoires; Temim se retrancha à Chella '.

Après cette victoire, Hammama se crut assez fort pour entreprendre d'autres conquêtes. A la tête d'une armée zenatienne, il se mit en marche vers l'est et envahit le territoire sanhadjien. El-Kaïd, seigneur de la Kalâa, s'avança à sa rencontre; mais, se sentant moins fort, il n'osa pas engager le combat, et préféra employer l'intrigue et la corruption pour détourner les adhérents de son adversaire. Abandonné par son armée, Hammama n'eut bientôt d'autre parti à prendre que d'accepter la paix et de rentrer chez lui. Il mourut l'année suivante (1010), laissant le pouvoir à son fils; mais la guerre civile divisa alors les Mag`raoua; et Fès fut, pendant de longues années, le théâtre de luttes et de compétitions dans lesquelles les forces des Mag'raoua s'épuisèrent.

Ab

EVÉNEMENTS DE SICILE ET D'ITALIe. Chute des Kelbites. sorbés par l'histoire de l'Afrique et de l'Espagne, nous avons perdu de vue la Sicile et l'Italie, et il convient de revenir sur nos pas afin de passer une rapide revue des événements survenus dans ces contrées.

La Sicile, indépendante de fait sous les émirs kelbites, qui reconnaissaient pour la forme l'autorité des khalifes fatemides, profita d'une période de paix, pendant laquelle fleurirent les lettres

1. Le Kartas donne pour date à cet événement l'année 1041. Nous adoptons la date et la leçon d'Ibn-Khaldoun qui paraissent plus probables.

T. I.

26

et les arts. Toutes les forces vives des Musulmans s'étaient reportées sur l'Italie. Les villes de Cagliari et de Pise avaient été pillées par les Sarrasins (1002). En 1004, le doge de Venise, P. Orseolo, vint au secours de Bari, assiégée par le renégat Safi, et força les Musulmans à la retraite. En 1005, les Pisans remportèrent l'importante bataille navale de Reggio. En 1009, les Musulmans, prenant leur revanche, s'emparèrent de Cosenza.

En 1015, une expédition musulmane assiégeait Salerne, et cette ville, pour éviter de plus grands maux, se disposait à accepter les exigences des Arabes, lorsque quarante chevaliers normands revenant de Terre sainte, qui se trouvaient de passage dans la localité, scandalisés de voir des chrétiens ainsi malmenés par des infidèles, entraînèrent à leur suite quelques hommes de cœur et forcèrent les Musulmans à se rembarquer, après avoir pillé leur camp. Refusant ensuite toutes les offres qui leur étaient faites, ils continuèrent leur chemin. Mais le prince de Salerne les fit accompagner par un envoyé chargé de ramener des champions de leur pays, en les attirant par les promesses les plus séduisantes.

Le caïd de Sicile, Youssof-el-Kelbi, ayant été frappé d'hémiplégie, avait résigné quelque temps auparavant le pouvoir entre les mains de son fils Djâfer, qui avait reçu d'El-Hakem l'investiture, avec le titre de Seïf-ed-Daoula. En 1015, Ali, frère de Djâfer, appuyé par les Berbères, se mit en état de révolte, mais il fut vaincu et tué par son frère, qui expulsa une masse de Berbères de l'île. Djâfer, vivant dans le luxe, abandonna la direction des affaires à l'Africain Hassan, de Bar'aï, et ce ministre, pour subvenir aux dépenses de son maître, ne trouva rien de mieux que d'augmenter les impôts, en percevant le cinquième sur les fruits, alors que les terres étaient déjà grevées d'une taxe foncière. Il en résulta une révolte générale (mai 1019). Djâfer fut déposé, transporté en Egypte et remplacé par son frère Ahmed-ben-el-Akehal.

Le nouveau gouverneur, après avoir rétabli la paix en Sicile, entreprit des expéditions en Italie. L'empereur Basile, qui avait tenu sous le joug les Musulmans d'Orient, les Russes et les Bulgares, se prépara, malgré ses soixante-huit ans, à faire une descente en Sicile. Son aide de camp Oreste le précéda avec une nombreuse armée et chassa de Calabre tous les Musulmans; il attendait l'empereur pour passer en Sicile lorsque celui-ci mourut (décembre 1025).

Averti du péril qui menaçait la Sicile, El-Moëzz offrit son aide à El-Akehal, qui l'accepta. Mais la flotte envoyée d'Afrique fut détruite par une tempête (1026). Oreste, débarqué en Sicile, ne sut pas tirer parti des circonstances; il laissa affaiblir son armée par la

maladie et, lorsque les Musulmans attaquèrent, il se trouva hors d'état de leur résister.

Toutes les tentatives tournaient au profit des Musulmans. Les flottes combinées d'El-Moëzz et d'El-Akehal sillonnèrent alors les mers du Levant et allèrent porter le ravage sur les côtes d'Illyrie, des îles de la Grèce, des Cyclades et de la Thrace. Mais, dans la Méditerranée, les chrétiens, oubliant leurs dissensions particulières, s'unissaient partout pour combattre l'influence musulmane. C'est ainsi que les Pisans, aidés sans doute des Génois, armèrent en 1034 une flotte imposante et effectuèrent une descente en Afrique. Bône, objectif de l'expédition, fut prise et pillée par les chrétiens. En 1035, la cour de Byzance envoya des ambassadeurs à El-Moëzz pour traiter de la paix. Sur ces entrefaites, une révolte éclata en Sicile contre El-Akehal, qui avait voulu encore augmenter les impôts pour subvenir aux frais de la guerre. La situation devenant périlleuse, ce prince se hâta de faire la paix avec l'empire et d'accepter le titre de maître, qui impliquait une sorte de vasselage; il demanda alors des secours aux Byzantins, tandis que les rebelles appelaient à leur aide El-Moëzz.

Le gouverneur de Kaïrouan leur envoya son propre fils AbdAllah, avec trois mille cavaliers et autant de fantassins. En 1036, Léon Opus, qui commandait en Calabre, passa en Sicile pour secourir le nouveau vassal de l'empire et défit l'armée berbère; mais, craignant des embûches, il ne profita pas de sa victoire et rentra en Italie, accompagné de quinze mille chrétiens qui avaient suivi sa fortune. Bientôt El-Akehal fut assassiné, et Abd-Allah resta seul maître de l'autorité '.

EXPLOITS DES NORMANDS En Italie et en SICILE. ROBERT WISCARD. Nous avons vu que le prince de Salerne, enthousiasmé des exploits des Normands, avait député une ambassade pour décider leurs compatriotes à lui prêter l'appui de leurs bras. Son appel fut entendu, et bientôt une petite compagnie d'aventuriers normands arriva en Italie, sous la conduite d'un certain Drengot (1017). Présentés au pape Benoît VIII, ils furent encouragés par le pontife à lutter contre les Byzantins, qui se rendaient odieux par leur tyrannie et dont l'ambition portait ombrage à tous les souverains de l'Italie centrale. Après avoir, tout d'abord, infligé aux Grecs des pertes sensibles, les Normands ressentirent à leur tour les effets de la fortune adverse et furent cruellement éprou

1. Amari, Musulmans de Sicile, t. II, p. 341 et suiv. Elie de la Primaudaie, Arabes et Normands, p. 159 et suiv.

vés par le fer de l'ennemi. Le katapan Boïannès les expulsa de toutes leurs conquêtes et rétablit l'autorité de l'empire jusque sur l'Apulie.

Le pape Benoît VIII appela alors à son aide l'empereur Henri II, qui envahit l'Italie à la tête d'une nombreuse armée; les Normands se joignirent à lui et l'aidèrent à triompher des Grecs. Mais bientôt l'armée allemande reprit la route de son pays, et les Normands demeurèrent livrés à eux-mêmes sans ressources, et se virent forcés de vivre de brigandage et d'offrir leurs bras aux princes ou aux républiques qui voudraient bien les employer.

Sur ces entrefaites, arriva de Normandie une nouvelle troupe commandée par de braves chevaliers, fils d'un homme noble des environs de Coutances, nommé Tancrède de Hauteville, qui, à défaut d'autre patrimoine, avait donné à ses douze fils l'éducation militaire de son temps. C'était un puissant renfort que de tels hommes, et, comme la guerre venait d'éclater entre le prince de Salerne et celui de Capoue, ils trouvèrent immédiatement à s'employer. Plus tard, ils s'attachèrent aux uns et aux autres avec des chances diverses.

Vers 1036, le général Georges Maniakès débarqua en Italie à la tête d'une armée byzantine considérable; il réussit à s'adjoindre les Normands du comté de Salerne et passa en Sicile (1038). Débarqués à Messine, les chrétiens ne tardèrent pas à rencontrer les Musulmans; ils les mirent en déroute, après un rude combat, dans lequel Guillaume Bras de fer, un des fils de Tancrède, fit des prodiges de valeur à la tête des Normands. Messine capitule; puis on assiège Rametta, où les Musulmans ont concentré leurs forces. Maniakės triomphe sur tous les points. Les chrétiens mettent alors le siège devant Syracuse; mais cette ville résiste avec énergie. Abd-Allah reçoit des renforts d'Afrique et porte son camp sur les plateaux de Traïana, au nord de l'Etna. Mais l'habile Maniakės, secondé par les Normands, met encore une fois en déroute les Musulmans.

Sur ces entrefaites, une brouille étant survenue entre Maniakės et le Lombard Ardoin, qui avait le commandement de la compagnie normande, ce chef ramena ses hommes en Italie et appela le peuple aux armes contre les Byzantins. Cependant Syracuse était tombée aux mains du général grec, et bientôt il allait achever la conquête de toute l'ile, lorsque, par suite d'intrigues, il fut rappelé en Orient et jeté dans les fers. La révolte éclata dans la Pouille sous l'impulsion des Normands; une partie des troupes impériales furent rappelées de Sicile et les Musulmans respi

rèrent.

En 1040, les Musulmans se lancent également dans la rébellion, et Abd-Allah, après avoir vu tomber la plupart de ses adhérents, est contraint de rentrer à Kaïrouan, en abandonnant la Sicile à son compétiteur Simsam, frère d'El-Akehal. Les Byzantins sont bientôt expulsés de l'ile (1042). Mais la Sicile se divise en un grand nombre de principautés indépendantes, obéissant à des officiers d'origine diverse, souvent obscure.

En Italie, les Normands avaient obtenu de grands succès et conquis un vaste territoire dont ils s'étaient partagé les villes. Amalfi, neutralisée, devint la capitale de ce petit royaume, et Guillaume en fut nommé chef, sous le nom de comte de la Pouille. Mais en 1042, Maniakės, qui avait recouvré la liberté, reparut en Italie, et, comme toujours, la victoire couronna ses armes. Par bonheur pour les Normands, il se fit proclamer empereur et passa en Grèce, où il fut tué par surprise. La ligue normande acquit dès lors une grande puissance. A la mort de Guillaume, survenue en 1016, les frères de Hauteville se disputèrent sa succession, et la ligue fut rompue. Le plus jeune d'entre eux, nommé Robert, arrivé depuis peu en Italie, ayant trouvé tous les bons postes occupés, se distingua par sa hardiesse et les ressources de son esprit; il reçut pour cela le surnom de Wiscard ou Guiscard (fort et prudent). Après avoir guerroyé avec succès en Calabre, il se forma un groupe de compagnons dévoués et courageux. Nous verrons avant peu quel parti il en tira.

Quelques années plus tard, les forces combinées de Gènes, de Pise et du Saint-Siège parviennent à expulser les Musulmans de la Sardaigne (1050). Cet île obéissait aux émirs espagnols et la lutte avait duré de longues années 1.

RUPTURE ENTRE EL-MOEZZ ET LE HAMMADITE EL-KAÏD. Pendant que l'Italie et la Sicile étaient le théâtre de ces événements, une rupture, depuis longtemps imminente, éclatait entre El-Moëzz et son parent El-Kaïd, de la Kalâa, qui s'était rendu entièrement indépendant du gouverneur de Kaïrouan. Par esprit d'opposition, El-Kaïd refusait en outre de suivre El-Moëzz dans son hostilité contre les khalifes du Caire.

Le gouverneur, s'étant mis à la tête de ses troupes, vint luimême assiéger la Kalâa; mais cette place, par sa forte position, défiait toute surprise. Aussi, après l'avoir tenue longtemps blo

1. Amari, Musulmans de Sicile, t. II, p. 367 et suiv. Elie de la Primaudaie, Arabes et Normands, p. 166 et suiv. De Mas Latrie, Traités de paix, etc., p. 21 et suiv.

« PrécédentContinuer »