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ne tarda pas à venir camper dans la plaine de Mecila, et, de là, fit commencer le blocus de la capitale de son oncle. Pendant les opérations de ce siège, Badis mourut subitement dans sa tente (juin 1016). Comme la peste avait reparu en Afrique, il est possible qu'il succomba au fléau. Cet événement porta le désordre dans l'armée assiégeante composée d'éléments hétérogènes; les auxiliaires s'étant débandés, la Kalàa fut débloquée. Les officiers proclamèrent le jeune El-Moëzz, fils de Badis, âgé seulement de huit ans, et le conduisirent à Kaïrouan pendant que son oncle Kerama essayait de couvrir Achir. Les restes de Badis furent rapportés à Kaïrouan, puis on procéda à l'inauguration de son successeur dont l'extrême jeunesse allait favoriser si bien les projets ambitieux de son grand-oncle. El-Moëzz reçut d'Orient un diplôme où le titre de Cherf-ed-Daoula (noblesse de l'empire) lui était donné 1.

CONCLUSION DE LA PAIX ENTRE EL-MOEZZ ET HAMMAD. Hammad avait repris vigousement l'offensive; après être rentré en possession de son ancien territoire, il vint mettre le siège devant Bar'aï. Mais il avait trop présumé de ses forces; son neveu ayant marché contre lui le mit en déroute et le réduisit encore à la dernière extrémité (1017). Hammad s'était réfugié derrière les remparts de sa Kalâa, tandis que le vainqueur s'avançait jusqu'à Sétif; il fit proposer à celui-ci un arrangement que le jeune El-Moëzz, bien conseillé, refusa.

Le gouverneur était rentré à Kaïrouan, mais la situation de son grand-oncle ne restait pas moins critique abandonné de tous, sans argent, il se décida à faire une nouvelle démarche auprès de son petit-neveu et lui dépêcha en Ifrikiya son propre fils El-Kaïd, porteur de riches présents. L'ambassade fut accueillie avec de grands honneurs et, enfin, on arriva à conclure un traité de paix par lequel Hammad reçut le gouvernement du Zab et du pays des Sanhadja, avec les villes de Tobna, Mecila, Achir, Tiharet et tout ce qu'il pourrait conquérir à l'ouest. C'était la consécration du démembrement de l'empire fondé par Bologguine. El-Kaïd reçut aussi un commandement et revint à la Kalaa avec des cadeaux somptueux pour son père (1017).

Espagne, chute des OmÉÏades : l'édriside ALI-BEN-HAMMOUD MONTE SUR LE TRÔNE. Pendant que ces événements se passaient en

1. Ibn-el-Athir, année 403.

Afrique, l'Espagne était le théâtre d'une nouvelle révolution. ElMostaïn, parvenu au trône avec l'appui des Berbères et des chrétiens, n'avait aucune sympathie parmi la population musulmane espagnole; quant aux Berbères, ils ne lui accordaient qu'une confiance relative et ne reconnaissaient, en réalité, que leurs propres chefs, parmi lesquels le sanhadjien Zaoui, gouverneur de Grenade, et l'edriside Ali-ben-Hammoud, commandant de Tanger, avaient la plus grande influence. Les Slaves, qui constituaient un élément important dans l'armée, conservaient toute leur fidélité à Hicham II, bien qu'en réalité personne ne sût s'il était encore vivant.

Khéïrane, chef des Slaves, ayant conclu une alliance avec Aliben-Hammoud, celui-ci traversa le détroit, à la tête de ses partisans, avec l'aide de son frère Kacem, gouverneur d'Algésiras; après avoir rejoint les Slaves, il marcha directement sur la capitale. Zaoui se prononça aussitôt pour lui. Le 1er juillet 1016, Aliben-Hammoud entra en maître à Cordoue. El-Mostaïn et ses parents furent mis à mort, et, quand on eut acquis la certitude que Hicham n'existait plus, tout le monde se rallia à Ali, qui fut proclamé khalife, sous le nom d'El-Metaoukkel-li-Dine-Allah (celui qui s'appuie sur la religion de Dieu). Ainsi finit la dynastie oméïade, qui régnait sur l'Espagne depuis près de trois siècles et qui avait donné à l'empire musulman de si beaux jours de gloire. Un Arabe de race, dont la famille, bien que d'origine cherifienne, était devenue berbère, et qui lui-même ne parlait que très mal l'arabe, monta sur le trône de Cordoue.

Ali avait espéré, paraît-il, rendre à l'Espagne la paix et le bonheur, mais il comptait sans les factions. Kheïrane, le chef des Slaves, voulut jouer le rôle de premier ministre tout-puissant; mais le prince edriside n'entendait nullement partager son autorité. Déçu dans ses espérances, le chef des Slaves se mit à conspirer et entraîna dans son parti ses compatriotes et les Andalous. Il fallait un khalife on trouva un petit-fils d'Abd-er-Rhaman III, que l'on para de ce titre. Moundir, ouali de Saragosse, soutenu par son allié Raymond, comte de Barcelone, se joignit aux rebelles et, au printemps de l'année 1017, tous marchèrent contre le souverain. Ali, qui jusque là avait écarté les Berbères et résisté à leurs prétentions, se jeta dans leurs bras et, avec leur appui, triompha sans peine de ses ennemis. Dès lors, il renonça à faire le bonheur des Andalous, qui reconnaissaient si mal ses bonnes intentions; le pays fut livré de nouveau à la tyrannie des Berbères, et le kha

life donna lui-même l'exemple de l'avidité et de la cruauté. Peu

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de temps après, il fut assassiné par trois Slaves, au moment où il préparait une grande expédition (17 avril 1018) '.

ANARCHIE EN ESPAGNE; FRACTIonnement de l'empire musulman. Ali laissa deux fils, dont l'aîné, Yahïa, était gouverneur de Ceuta, mais Kacem, frère d'Ali, avait une plus grande notoriété et ce fut lui que les Berbères proclamèrent. De leur côté, Khéïrane et Moundir élirent le petit-fils d'En-Nacer, sous le nom d'Abd-erRahman IV, avec le titre d'El-Mortada (l'agréé de Dieu. Zaoui, le sanhadjien, dont la puissance était grande, restait dans l'expectative. Les adhérents du prétendant oméïade essayèrent de l'entraîner dans leur parti et, n'ayant pu y parvenir, marchérent contre lui, mais ils furent défaits et, peu après, El-Mortada était assassiné par ses partisans. Kacem, resté ainsi seul maître du pouvoir, essaya de rendre un peu de tranquillité à la malheureuse Espagne. Pour cela, il fit la paix avec Kheïrane et les principaux chefs slaves et andalous et leur donna le commandement de villes ou de provinces, où ils s'établirent en maîtres. Ainsi la paix ne s'obtenait que par le morcellement de l'empire musulman.

Vers cette époque (1020), Zaoui abandonna le commandement de la province de Grenade à son fils et rentra à Kaïrouan, après une absence de vingt années; il y fut reçu avec de grands honneurs par son neveu El-Moëzz.

Mais bientôt, Yahïa, fils d'Ali, leva l'étendard de la révolte et, soutenu par les Berbères et les Slaves, marcha sur la capitale. Abandonné de tous, Kacem dut céder la place (août 1021). Yahïa ne tarda pas à éprouver à son tour le même revers de fortune, et Kacem remonta sur le trône (février 1023). Dès lors, la guerre devint incessante entre les Edrisides, et s'étendit jusqu'au Mag`reb où un de leurs parents, du nom d'Edris, allié à Yahïa, parvint à s'emparer de Tanger. L'Espagne se trouva encore livrée aux fureurs de la guerre civile. Yahia, ayant triomphé une dernière fois de son oncle, le tint dans une étroite captivité; mais alors, les Cordouans, profitant de ce que Yahïa avait choisi Malaga comme résidence, proclamèrent un prince oméïade, Abd-er-Rahman V, sous le nom d'El-Mostad'hir : c'était la réaction de la noblesse arabe contre l'élément berbère. Mais cette société caduque et corrom

1. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 313 et suiv. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 61, 153, 154. El-Bekri, trad. art. Idricides. El-Marrakchi (éd. Dozy), p. 42 et suiv.

2. Ibn-Khaldoun, t. II. p. 61, 62.

pue était incapable de se gouverner; bientôt une nouvelle sédition renversa El-Mostad hir et le remplaça par El-Moktafa, sans pour cela ramener la paix, si bien que les Cordouans se décidèrent à appeler chez eux Yahïa, afin de mettre un terme à cette anarchie. Yahïa leur envoya un de ses généraux (novembre 1025). Quelques mois après, une nouvelle émeute plaçait sur le trône de Cordoue un souverain éphémère du nom de Hicham III, appartenant à la famille oméïade 1.

GUERRES ENTRE LES MAG RAOUA ET LES BENI-IFRENE. Dans le Magreb, El-Moëzz, fils de Ziri-ben-Atiya, chef des Mag raoua, ayant voulu arracher Sidjilmassa des mains des Beni-Khazroun, qui s'étaient déclarés indépendants, avait été entièrement défait et contraint de rentrer dans Fès, après avoir perdu presque toute son armée 1016). Dès lors la puissance des Mag'raoua de Fès fut contrebalancée par celle de leurs cousins du sud. Ils se firent une guerre incessante, dont le résultat fut préjudiciable à El-Moëzz. Son adversaire, Ouanoudine, s'empara de la vallée de la Moulouïa, mit des officiers dans toutes les places fortes et vint même enlever Sofraoua, une des dépendances de Fès. En 1026, El-Moëzz cessa de vivre et fut remplacé par son cousin Hammama. Sous l'énergique direction de ce chef, les Mag'raoua se relevèrent de leurs humiliations en faisant subir de nombreuses défaites aux BeniKhazroun de Sidjilmassa.

Les Beni-Ifrene étaient, en partie, passés en Espagne; mais un groupe important, resté dans le Magreb, se réunit à Tlemcen, autour des descendants de Yeddou-ben-Yála. Après avoir étendu de nouveau leur autorité sur le Magreb central, ils attaquèrent les Mag`raoua de Fès, mais sans réussir à les vaincre; conduits par leur chef Temim, petit-fils de Yâla, ils se portèrent alors sur Salé, enlevèrent cette ville et, de là, allèrent guerroyer contre les Berg'ouata hérétiques.

LUTTES DU SANHADJIEN EL-MOEZZ CONTRE LES BENI-KHAZROUN DE TRIPOLI. PRÉLUDES DE SA RUPTURE AVEC LES FATEMIDES. En Ifrikiya, la puissance du gouverneur sanhadjien continuait à décliner. Renonçant, pour ainsi dire, aux régions de l'ouest, abandonnées de fait à Hammad, El-Moëzz ne s'occupait guère que des

1. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 19, 62, 154. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 351 et suiv. El-Bekri, Idricides.

2. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 131, t. III, p. 215, 224, 235, 257, 271. ElBekri, passim.

Beni-Khazroun de la province de Tripoli. L'anarchie y était en permanence. Ouerrou, frère de Felfoul, étant mort en 1015, son fils Khalifa voulut prendre le commandement des Zenètes, mais ces Berbères se divisèrent, et une partie suivit les étendards de Khazroun, frère de Ouerrou.

Après une courte lutte, celui-ci resta maître de l'autorité et entraîna ses adhérents à des incursions sur les territoires de Gabès et de Tripoli, où un gouverneur, du nom d'Abd-Allah-benHacen, commandait pour El-Moëzz. En 1026, cet Abd-Allah, dont le frère venait d'être mis à mort à Kaïrouan, par l'ordre du gouverneur, livra, pour se venger, Tripoli à Khalifa, chef des Zenètes, et celui-ci, étant ainsi devenu maître de cette place, en expulsa Abd-Allah et fit massacrer tous les Sanhadja qui s'y trouvaient.

El-Moëzz, bien qu'ayant été élevé dans les principes de la doctrine chiaïte, s'était rattaché à la secte de Malek et n'avait pas tardé à persécuter ses anciens coreligionnaires. A El-Mehdia, à Kaïrouan, les Chiaïtes étaient poursuivis, molestés, torturés même. Leur sang avait coulé à flots et ces mauvais traitements les avaient forcés, en maints endroits, à l'exil volontaire. La Sicile et l'Orient avaient vu arriver ces malheureux dans le plus triste état. Cette attitude n'était rien moins que la révolte contre les khalifes d'Egypte. En vain El-Hakem, qui régnait alors, essaya de ramener à l'obéissance son représentant de Kaïrouan, en le comblant de cadeaux; il ne réussit qu'à retarder une rupture inévitable.

Khalifa, de Tripoli, exploitant la situation, entra en rapports avec la cour du Caire et reçut du khalife un diplôme lui conférant le commandement de la Tripolitaine. C'était, entre les deux cours, un échange d'hostilités indirectes, prélude d'actes plus décisifs.

En 1028, Hammad mourut à la Kalâa, et fut remplacé par son fils El-Kaïd, qui confia à ses frères les grands commandements de son empire. Les bons rapports continuèrent pendant quelque temps entre lui et son cousin de Kaïrouan, mais, de ce côté aussi, une rupture était imminente 1.

Guerre entre les Mag`raoua et les Beni-Ifrene.

A Fès, Ham

1. Ibn-Khaldoun, t. I, p. 30, t. II, p. 20, 21, 45, 131, t. III, p. 266, 267. El-Kairouani, p. 140, 141. El-Bekri, passim. Amari, Musulmans de Sicile, t. II, p. 357 et suiv.

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