Images de page
PDF
ePub

rappelé par lui de Fès, et il envoya à El-Moëzz un diplôme daté d'août 1006, lui conférant le titre de gouverneur du Magreb pour la dynastie oméïade. Sidjilmassa resta sous l'autorité particulière de Ouanoudine-ben-Kazroun.

El-Moëzz, fils de Ziri-ben-Atiya, s'établit alors à Fès et prit en main la direction des affaires.

GUERRES CIVILES EN ESPAGNE. LES BERBERES ET LES CHRÉTIENS Y PRENNENT PART. El-Modaffer était parvenu à rétablir la paix en Espagne, et, sous sa direction, les affaires de l'empire musulman continuaient à être florissantes, lorsqu'il mourut subitement (octobre 1008). Il laissait un frère du nom d'Abd-er-Rahman, issu de l'union de son père avec une chrétienne, fille d'un Sancho de Navarre ou de Castille. Ce jeune homme était détesté, et on lui donnait par dérision le nom de Sanchol (le petit Sancho). Plein de présomption, il prétendait néanmoins se faire décerner le titre d'héritier présomptif, que son père et son frère n'avaient osé prendre; aussitôt la guerre civile éclata dans la péninsule. Des ambitieux firent passer pour mort le khalife Hicham II, proclamèrent, comme son successeur, un arrière-petit-fils d'Abd-erRahman III, nommé Mohammed, et ayant réuni une bande d'hommes déterminés, vinrent attaquer le palais du khalife. Ils arrachèrent facilement à ce prince son acte d'abdication; le château de Zahira tomba ensuite au pouvoir de Mohammed, qui se fit proclamer khalife sous le nom d'El-Mehdi-b’Illah (le dirigé par Dieu). Sanchol (Abd-er-Rahman), qui se trouvait à Tolède, voulut marcher à la tête de ses troupes, composées en grande partie de Berbères, contre celui qu'il appelait l'usurpateur; mais ses soldats l'abandonnèrent. Peu après, il tombait aux mains de ses ennemis et était massacré. Son cadavre fut mis en croix à Cordoue (1009).

On croyait qu'après cette crise la tranquillité allait renaître; malheureusement, le nouveau khalife n'avait pas les qualités nécessaires pour conserver le pouvoir dans un tel moment. Bientôt une nouvelle révolte éclata; un petit-fils d'Abd-er-Rahman III, nommé Hicham, se fit proclamer khalife, et, soutenu principalement par les Berbères, vint attaquer El-Mehdi; mais celui-ci, avec l'aide de la population de Cordoue, triompha de son compétiteur et le fit décapiter. Un grand massacre des familles berbères suivit cette victoire.

Zaoui, oncle du gouverneur sanhadjien de Kaïrouan, qui s'était

1. Voir le texte de ce diplôme. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. III, p. 248, 249, 250.

précédemment réfugié en Espagne, rallia les Berbères, brûlant du désir de tirer vengeance des Cordouans, et leur fit proclamer un nouveau khalife, Soleïman, neveu du malheureux Hicham, sous le nom d'El-Mostaïn-l'Illah (qui implore le secours de Dieu).

Puis les Africains, conduits par ces chefs, allèrent s'emparer de Medina-Céli; mais bientôt ils y furent bloqués et se virent réduits à implorer l'assistance de Sancho, comte de Castille. Une ambassade lui avait été envoyée par El-Mehdi dans le même but, avec l'offre de lui abandonner de nombreuses places s'il l'aidait à écraser son compétiteur. Ainsi, il avait suffi de quelques années de guerre civile pour faire perdre aux Musulmans tous les avantages qu'ils avaient obtenu sur les chrétiens par de longues années de luttes.

Le comte de Castille se prononça pour les Berbères, leur envoya un ravitaillement et vint, en personne, se joindre à eux avec ses guerriers. Les confédérés marchèrent alors sur Cordoue (juillet 1009), défirent le général Ouadah, qui avait voulu les prendre à revers, et furent bientôt en vue de la capitale. El-Mehdi sortit bravement à leur rencontre et leur offrit le combat. Il fut entièrement défait; ses soldats furent massacrés par milliers, tandis que Quadah regagnait la frontière du nord et que le khalife cherchait un refuge dans son palais. Voyant sa situation désespérée, El-Medhi se décida à rendre le trône à Hicham II, qu'il avait fait passer pour mort quelque temps auparavant. Mais les Berbères, victorieux, n'étaient pas gens à tomber dans ce piège; ils entrèrent en vainqueurs à Cordoue et, aidés des Castillans, mirent cette ville au pillage. Zaoui put alors enlever le crâne de son père Ziri-benMenad du crochet où il avait été ignominieusement suspendu, le long de la muraille du château.

El-Mehdi avait pu fuir et gagner Tolède; ses partisans étaient encore nombreux; Ouadah, dans le nord, était en pourparlers avec les comtes de Barcelone et d'Urgel. El-Mostaïn, ne pouvant retenir les Castillans en les récompensant, comme il s'y était engagé, par des cessions de territoire, ceux-ci regagnèrent, chargés de butin, leur province. Sur ces entrefaites, Ouadah, accompagné d'une armée catalane, commandée par les comtes Raymond et Ermengaud, opéra sa jonction avec le Mehdi à Tolède. Puis, le khalife, à la tête de toutes ses forces, marcha sur Cordoue, défit l`armée d'El-Mostaïn et rentra en maître dans sa capitale, qui fut de nouveau livrée au pillage par les Catalans (juin 1010).

Les Berbères s'étaient mis en retraite vers le sud. El-Mehdi les poursuivit, et, les ayant atteints près du confluent du Guadaira avec le Guadalquivir, leur offrit le combat. Cette fois, les Africains prirent une éclatante revanche. L'armée d'El-Mehdi fut mise en

déroute et plus de trois mille Catalans restèrent sur le champ de bataille. Les survivants de l'armée chrétienne, rentrés à Cordoue, s'y conduisirent avec une cruauté inouïe. Enfin les Catalans s'éloignèrent; peu après, El-Mehdi tombait sous les coups des officiers slaves à son service, qui rétablirent sur le trône Hicham II, ce fantôme de khalife. Ouadah, un des chefs de la conspiration, s`adjugea le poste de premier ministre 1.

TRIOMPHE DES BERBERES ET D'EL-MOSTAÏN EN ESPAGNE. Cette révolution à Cordoue ne résolvait rien, car les Berbères, victotorieux, restaient dans le midi avec El-Mostaïn, et n'étaient nullement disposés à se soumettre au slave Ouadah. Celui-ci, dans cette conjoncture, se tourna de nouveau vers le comte de Castille, en implorant son secours; mais Sancho voulut au préalable des gages, c'est-à-dire la remise entre ses mains des places conquises par IbnAbou-Amer, menaçant, en cas de refus, de se joindre aux Berbères. Ces conditions étaient dures; cependant Ouadah, ayant perdu tout autre espoir de salut, se décida à les accepter. Dans le mois de septembre 1010, fut signé le traité qui rendait aux chrétiens presque toutes les conquêtes des règnes précédents.

Cependant les Berbères avaient repris la campagne; durant l'automne et l'hiver suivants, ils répandirent dans toutes les provinces musulmanes la dévastation et la mort. Cordoue fut bloquée, et la peste vint bientôt joindre ses ravages à ceux de la guerre. Dans le mois d'octobre 1011, Ouadah fut mis à mort par les soldats révoltés. Cependant Cordoue resta encore aux mains des soldats slaves jusqu'au mois d'avril 1013. Quant aux Castillans, ils étaient rentrés, sans coup férir, en possession de leurs provinces, et ne paraissent pas s'être souciés de tenir strictement leurs promesses.

Le 29 avril, Cordoue tomba aux mains des Berbères; la plus horrible boucherie, le viol, le pillage et enfin l'incendie furent les conséquences de leur succès. Soleïman-el-Mostaïn restait enfin maître du pouvoir et obtenait du malheureux Hicham II une nouvelle abdication. « Le triomphe des Berbères, dit M. Dozy, porta le dernier coup à l'unité de l'empire. Les généraux slaves s'emparèrent des grandes villes de l'est; les chefs berbères, auxquels les Amirides (vizirs) avaient donné des fiefs et des provinces à gouverner, jouissaient aussi d'une indépendance complète, et le peu

1. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 268 et suiv. Le même, Recherches sur l'hist. de l'Espagne, t. I, p. 205 et suiv. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 60 et suiv., 153 et suiv. El-Marrakchi (éd. Dozy), p. 29 et suiv.

de familles arabes qui étaient encore assez puissantes pour se faire valoir n'obéissaient pas davantage au nouveau khalife 1. »

En Espagne comme en Afrique, l'élément berbère reprenait la prépondérance, au détriment des petits-fils des conquérants arabes.

LUTTES DE BADIS CONTRE LES BENI-KHAZROUN. HAMMAD SE DÉCLARE INDÉPENDANT A LA KALAA. - Pendant que l'Espagne était le théâtre de ces événements, sur lesquels nous nous sommes étendus en raison de leur importance pour l'histoire de la domination musulmane dans la Péninsule, les Berbères d'Afrique voyaient leur puissance s'affaiblir par l'anarchie, au moment où l'union leur aurait été si nécessaire pour résister à l'invasion hilalienne près de s'abattre sur eux.

Badis avait lutté en vain pour anéantir le royaume mag raouien fondé à Tripoli par Felfoul-ben-Kazroun. Ce chef avait résisté avec avantage et était parvenu à conserver le pays conquis. Abandonné par le khalife fatemide du Caire, il avait proclamé la suzeraineté des Oméïades et était mort en l'an 1010. Son frère Ouerrou avait recueilli son héritage et offert sa soumission à Badis, mais bientôt la guerre avait recommencé dans la Tripolitaine et le Djerid entre lui, plusieurs de ses parents et les officiers sanhadjiens. En vain le gouverneur essaya de s'interposer et de rétablir la paix, Ouerrou conserva Tripoli et y commanda en chef indépendant.

Dans le Magreb central, la situation était autrement grave. Hammad, après avoir soumis la partie occidentale de l'empire sanhadjien, s'était occupé activement de la construction de sa capitale; bientôt la Kalâa, peuplée des meilleurs artisans et ornée des richesses enlevées aux villes voisines, était devenue une cité de premier ordre. Son fondateur y commandait en roi, exerçant une autorité indépendante sur le Zab, Constantine et le pays propre des Sanhadja, avec Achir, l'ancienne capitale. D'après M. de MasLatrie, un groupe important de Berbères chrétiens contribua à former la population de la Kalâa. Des privilèges leur furent accordés pour le libre exercice de leur culte et un évêque leur fut donné plus tard par le pape Grégoire VII. Les historiens musulmans sont muets sur ce point.

La jalousie de Badis, excitée par les ennemis de son oncle, qui présentaient le fondateur de la Kalâa comme visant à l'indépendance, ne tarda pas à amener entre eux une rupture. El-Moëzz,

1. Musulmans d'Espagne, t. III, p. 212.

2. Traités de paix et de commerce concernant les relations des Chrétiens avec les Arabes de l'Afrique septentrionale au Moyen Age. T. I, p. 52 et suiv.

fils de Badis, venait d'être reconnu par le khalife comme héritier présomptif de son père; celui-ci invita alors son oncle Hammad à remettre au jeune prince le commandement de la région de Constantine.

Cette décision, qui cachait peu les sentiments de défiance de Badis, fut très mal accueillie par Hammad. Il y répondit par un refus formel. En même temps, il se déclara indépendant, répudia hautement la suzeraineté des Fatemides, massacra leurs partisans et fit proclamer dans les mosquées la suprématie des Abbassides. La doctrine chiaïte fut proscrite de ses états et le culte sonnite déclaré seul orthodoxe : 10111. La réaction des Sonnites contre les Chiaïtes commença à se manifester dans les villes habitées par des populations d'origine arabe. L'entourage même du jeune El-Moëzz ressentit les effets de ce mouvement des esprits, le précepteur du prince étant orthodoxe. Bientôt un massacre général des Chiaïtes eut lieu en Ifrikiya 2.

GUERRE ENTRE BADIS ET HAMMAD. MORT DE BADIS. AVÈNEMENT D'EL-MOEZZ. -Prenant alors l'offensive, Hammad fit irruption en Ifrikiya, à la tête de nombreux contingents des tribus sanhadjiennes et de quelques Zenètes (Ouadjidjen, Ouar'mert), et vint enlever la ville de Badja, à l'ouest de Tunis. Badis envoya contre lui son oncle Brahim; mais celui-ci passa du côté de son frère, et le gouverneur n'eut d'autre ressource que de se mettre luimême à la tête de ses troupes. A son approche, l'armée envahissante se débanda et Hammad se vit contraint de fuir. Il se réfugia d'une traite derrière le Chelif.

Badis le poursuivit l'épée dans les reins, entra en vainqueur à Achir, pénétra dans les hauts plateaux, reçut la soumission des tribus zenètes, telles que les Beni-Toudjine, et s'avança jusqu'au plateau de Seressou. Renforcé par un contingent de trois mille Beni-Toudjne, commandés par Yedder, fils de leur chef Lokmane, le gouverneur descendit dans la plaine, passa le Chelif et attaqua son oncle Hammad qui l'attendait dans une position retranchée. Cette fois encore, la victoire se prononça pour Badis, une partie des adhérents de son compétiteur l'ayant abandonné et le reste ayant été facilement dispersé.

Hammad se réfugia, non sans peine, dans sa Kalâa, mais Badis

1. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 18, 4, t. III, p. 263, 264. El-Kaïrouani, p. 136, 137.

2. Ibn-el-Athir, année 407.

« PrécédentContinuer »