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les Ketama. Mais cette révolte fut bientôt étouffée par El-Mansour lui-même, qui fit mettre à mort l'imposteur et infligea de nouvelles punitions à la tribu où ce dernier avait trouvé asile. De là, il se porta à Tiharet en poursuivant son oncle Abou-l'Behar, qui venait de se déclarer contre lui; celui-ci n'eut alors d'autre ressource que de se jeter dans les bras des Mag'raoua. El-Mansour, après être resté quelque temps à Tiharet, y laissa comme gouverneur son frère Itoueft, puis il alla à Achir recevoir la soumission de Saïd-ben-Khazroun, auquel il donna le commandement de Tobna. Il rentra ensuite à Kaïrouan (989) 1.

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LES DEUX MAG REB SOUMIS A L'AUTORITÉ OMÉÏADE; LUTTES ENTRE LES Mag`RAQUA ET LES BENI-IFRENE. Dans le Magreb, Ziri-ben-Atiya, resté seul chef des Mag'raoua, avait vu s'accroître son autorité et son influence aux dépens de Yeddou-ben-Yâla. En 987, il fut appelé à Cordoue par le vizir Ibn-Abou-Amer, qui venait de remporter sur les chrétiens de grandes victoires. Bermude, roi de Léon, avait vu jusqu'à sa capitale tomber aux mains des Musulmans et n'avait conservé que quelques cantons voisins de la mer. Le vizir fit à Ziri une réception princière.

Yeddou aurait, parait-il, été également invité à se rendre en Espagne, mais il ne jugea pas prudent d'aller se livrer aux mains de ses rivaux. Selon Ibn-Khaldoun, il se serait même écrié : « Le Vizir croit-il que l'onagre se laisse mener chez le dompteur de chevaux? » C'était la rupture définitive. Il leva l'étendard de la révolte (991) et débuta en attaquant et dépouillant les tribus fidèles aux Oméïades. Le gouverneur, Hassen-ben-Ahmed, réunit alors une armée à laquelle se joignirent les contingents de Ziri, rentré d'Espagne, puis il marcha contre le rebelle; mais ce dernier avait eu le temps de rassembler un grand nombre d'adhérents, avec lesquels il vint courageusement à la rencontre de l'armée oméïade. L'ayant attaquée, il la mit en déroute. Hassen et une masse de guerriers mag'raoua restèrent sur le champ de bataille. Yeddou, marchant alors sur Fès, enleva cette ville d'assaut et étendit son autorité sur une partie des deux Mag'reb.

A l'annonce de la défaite et de la mort de son lieutenant, le vizir Ibn-Abou - Amer nomma Ziri-ben - Atiya gouverneur du Magreb, avec ordre de reprendre Fès et d'en faire sa capitale. Ziri s'occupa d'abord de rallier les débris de la milice oméïade, puis il appela de nouveau ses Mag`raoua à la guerre. Sur ces entrefaites, Abou-l'Behar, oncle d'El-Mansour, qui, nous l'avons vu,

1. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 15, t. III, p. 238, 259. El-Kairouani, p. 133.

avait échappé à la poursuite de son neveu, vint avec un assez grand nombre d'adhérents se joindre à Ziri. Ces deux chefs attaquèrent aussitôt Yeddou-ben-Yâla et, après une campagne sanglante, dans laquelle ils prirent et perdirent deux fois Fès, ils finirent par rester maîtres du terrain, après avoir réduit Yeddou au silence.

Pendant cette guerre, Khalouf-ben-Abou-Beker, ancien gouverneur de Tiharet pour les Fatemides, et son frère Atiya, avaient achevé de détacher de l'autorité d'El-Mansour la région comprise entre les monts Quarensenis et Oran, et y avaient fait prononcer la prière au nom du khalife oméïade. Comme ils avaient agi sous l'impulsion d'Abou-l'Behar, le vizir espagnol, pour récompenser celui-ci de ces importants résultats, dont il lui attribuait le mérite, le nomma chef des contrées du Magreb central et laissa à Ziri le commandement du Magreb extrême.

Mais, peu de temps après, Khalouf, irrité de voir que la récompense qu'il avait méritée avait été recueillie par un autre, abandonna le parti des Oméïades pour rentrer dans celui d'El-Mansour. Ziri-ben-Atiya pressa en vain Aboul-l'Behar de marcher contre le transfuge. N'ayant pu l'y décider, il se mit lui-même à sa poursuite, l'atteignit, mit ses adhérents en déroute et le tua; Atiya put s'échapper et se réfugier, suivi de quelques cavaliers, dans le désert (novembre 991) '.

PUISSANCE DE ZIRI-BEN-ATIYA; ABAISSEMENT DES BENI-IFRENE. Débarrassé de cet ennemi, Ziri, qui avait reçu à sa solde une partie de ses adhérents, expulsa tous les Beni-Ifrene de ses provinces et s'installa fortement à Fès avec ses Mag'raoua, auxquels il donna les contrées environnantes. Le refus d'Abou-l'Behar de concourir à la dernière campagne amena entre les deux chefs une mésintelligence qui se transforma bientôt en conflit. Ils en vinrent aux mains, et Abou-l'Behar, battu, se vit contraint de chercher un refuge auprès de la garnison oméïade de Ceuta. Il écrivit, de là, à la cour d'Espagne, pour demander réparation; en même temps, il envoyait un émissaire à Kaïrouan afin d'offrir sa soumission à son neveu El-Mansour. Aussi, lorsque le vizir oméïade, qui considérait ce personnage comme un homme très influent qu'il tenait à ménager, lui eut envoyé à Ceuta son propre secrétaire pour recevoir ses explications et ses plaintes, Abou-l'Behar évita de le rencontrer et, peu après, gagna le chemin de l'est.

1. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 15 et suiv., t. III, p. 220, 221, 240, 241. Kartas, p. 141, 142. El-Bekri, passim.

Aussitôt, le vizir Ibn-Abou-Amer accorda à Ziri le gouvernement des deux Mag`reb, avec ordre de combattre cet ennemi. Ziri vint alors attaquer Abou-l Behar, lui prit Tlemcen et toute la contrée jusqu'à Tiharet, et le contraignit à la fuite. Ce chef, s'étant rendu à Kaïrouan, fut bien accueilli par son neveu El-Mansour, qui lui confia de nouveau le commandement de Tiharet.

Maître enfin, sans conteste, des deux Mag`reb, Ziri-ben-Atiya y régna plutôt en prince indépendant, qu'en représentant des khalifes de Cordoue. Après la mort de Yeddou, les Beni-Ifrene s'étaient ralliés autour de son neveu Habbous, mais bientôt ce chef avait été, à son tour, assassiné, et le commandement avait été pris par Hammama, petit-fils de Yâla, qui avait emmené les débris de la tribu dans le territoire de Salé et était venu s'implanter entre cette ville et Tedla.

En l'an 994, Ziri, qui avait pu juger par lui-même de l'inconvénient qu'offrait la ville de Fès, comme capitale, en cas d'attaque, fonda, près de l'Oued-Isli, la ville d'Oudjda, où il s'établit avec sa famille et ses trésors. En outre de la force de la position, il comptait sur les montagnes voisines pour lui servir de refuge, s'il était

vaincu.

MORT DU GOUVERNEUR EL-MANSOUR. AVÈNEMENT DE SON FILS BADIS. -Quelque temps après, El Mansour mourut à Kaïrouan (fin mars 996), et fut inhumé dans le grand château de Sabra; il avait régné treize ans. Son fils Badis, qu'il avait précédemment désigné comme héritier présomptif, lui succéda en prenant le nom d'AbouMenad-Nacir-ed-Daoula. Il confia à ses deux oncles, Hammad et Itoueft, les charges et les commandements les plus importants. Ayant reçu du Caire un diplôme confirmant son élévation, Badis se serait écrié : « Je tiens ce royaume de mon père et de mon « grand-père un diplôme ne peut me le donner, ni un rescrit me <«<le retirer1». Six mois après la mort d'El-Mansour, eut lieu celle du khalife fatemide El-Aziz. Son fils El-Hakem-bi-AmerAllah lui succéda. C'était un enfant en bas âge, que les Ketama proclamèrent sous la tutelle de l'un des leurs, Hassan-ben-Ammar, qui prit le titre d'Ouacita ou de Amin-ed-Daoula (intermédiaire ou intendant de l'empire).

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Dans les dernières années, la cour du Caire, loin de tenir rigueur au vassal de Kaïrouan, avait tout fait pour resserrer les liens l'unissant à elle et empêcher une rupture trop facile à prévoir. Parmi les présents envoyés du Caire en 983 par le khalife à El-Mansour,

1. Baïan, t. I.

se trouvait un éléphant qui excita, à Kaïrouan, la curiosité publique au plus haut degré et que le gouverneur eut soin de faire figurer dans les fêtes 1.

Pendant que

PUISSANCE DES GOUVERNEURS KELBITES EN SICILE. l'Afrique était le théâtre de tous ces événements, la Sicile devenait florissante sous le commandement des émirs kelbites. Djaber, se livrant à la débauche et ayant laissé péricliter l'état, avait été bientôt déposé par le khalife du Caire et remplacé par Djâfer-benAbd-Allah. Celui-ci, après avoir gouverné avec intelligence et équité, mourut en 986. Son frère et successeur, Abd-Allah, qui suivit sa voie, eut également un règne très court. Après sa mort, survenue en décembre 989, il fut remplacé par son fils AbouI'Fetouh-Youssof. Sous l'égide de ce prince, la Sicile, soumise et tranquille, fleurit et devint le séjour favori des poètes et des lettrés. Vers la fin du x siècle, les Byzantins reconquirent sans peine la Calabre et la Pouille, et placèrent le siège de leur commandement à Bari; le gouverneur prit le titre de Katapan. Mais bientôt, les exactions des Grecs indisposèrent les populations qui appelèrent souvent à leur aide les Musulmans. Ainsi, les gouverneurs de Sicile se trouvaient ramenés, pour ainsi dire, malgré eux, sur cette terre d'Italie, où ils avaient combattu depuis près de deux siècles sans conserver de leurs victoires de réels avantages matériels 2.

RUPTURE DE ZIRI AVEC LES OMÉÏADES D'ESPagne. Dans ces dernières années, l'Espagne avait vu une tentative du souverain légitime Hicham II, agissant sous l'impulsion de sa mère Aurore, pour reprendre le pouvoir des mains du vizir Ibn-Abou-Amer. Cette femme ambitieuse et énergique avait compté sur l'émir des Mag`raoua, le berbère Ziri-ben-Atiya, pour l'appuyer dans son dessein, au milieu d'une cour efféminée et courbée sous le despotisme. Ziri avait, en effet, soutenu les revendications du prince légitime dont il avait proclamé le nom en Afrique, en même temps que la déchéance du Vizir.

Mais le chef berbère avait compté sans la hardiesse d'Ibn-AbouAmer et l'influence qu'il exerçait sur son souverain. Celui-ci n'avait pas tardé à regretter son éclair d'énergie, et, de lui-même, s'était replacé sous le joug. Le Vizir était sorti de cette épreuve

1. El-Kairouani, p. 115, 133, 134, 135. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 15 et

suiv.

2. Amari, Musulmans de Sicile, t. II, p. 330 et suiv. Elie de la Primaudaie, Arabes et Normands de Sicile, p. 158.

plus fort que jamais; pour en donner la preuve, il commença par supprimer à Ziri tous ses subsides, puis il appela aux armes les Berbères dépossédés: Beni-Khazer, Miknaça, Azdadja, BeniBerzal, etc.; il en forma une armée, destinée à opérer en Mag`reb, et en confia le commandement à l'affranchi Ouadah. En même temps, il prépara une expédition contre Bermude et tous ses ennemis de la Péninsule. Cette fois, c'était la basilique de saint Jacques de Compostelle, célèbre dans toute la chrétienté, qui devait lui servir d'objectif (fin 996).

1. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 222 et suiv. Ibn-Khaldoun, t. III, p. 243, 244. El-Bekri, passim.

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T. 1.

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