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relancer les Zenètes, ses ennemis et les soutiens de la cause oméïade. La province de Hebet étant tombée en son pouvoir, il se disposa à marcher sur Ceuta.

BOLOGGUINE, ARRÊTÉ A CEUTA PAR LES OMÉÏADES, ENVAHIT LE PAYS des Berg`ouaTA. Mais, pendant que ces succès couronnaient les armes du lieutenant des Fatemides, les Oméïades d'Espagne ne restaient pas inactifs. Le vizir El-Mansour-ben-Abou-Amer, qui avait supplanté, quelque temps auparavant El-Meshafi, dirigeait habilement les affaires du royaume et tenait dans une tutelle absolue le souverain Hicham II. Décidé à disputer à Bologguine la domination du Mag`reb, El-Mansour ne vit, autour de lui, aucun chef plus digne de lui être opposé que Djâfer-ben-Hamdoun, son mortel ennemi. L'ayant placé à la tête d'une armée considérable, il mit, dit-on, à sa disposition cent charges d'or et l'envoya en Afrique. Aussitôt après son débarquement, ce général rallia autour de lui les principaux chefs zenètes avec leurs contingents, et les fit camper aux environs de Ceuta. Bientôt, d'autres renforts, arrivés d'Espagne, portèrent l'effectif de l'armée oméïade à un chiffre considérable.

Pendant ce temps, Bologguine continuait sa marche sur Ceuta. Il s'était jeté dans les montagnes de Tétouan et y avait rencontré les plus grandes difficultés pour la marche de ses troupes. Enfin, à force de courage et de persévérance, la dernière montagne fut gravie et le gouverneur sanhadjien put voir à ses pieds la ville de Ceuta. Cet aspect, loin de le récompenser de ses peines par l'espoir d'un facile succès, le jeta dans le découragement. Un immense rassemblement était concentré sous la ville, et des convois arrivaient de toutes les directions pour ravitailler ces camps.

Attaquer à ce moment eût été insensé. Bologguine y renonça sur-le-champ; ramenant son armée sur ses pas, il alla détruire la ville de Basra et, de là, envahit le pays des Berg'ouata, qu'il avait déjà rencontrés dans sa précédente campagne. Ces schismatiques s'avancerent bravement à sa rencontre, sous la conduite de leur roi Abou-Mansour-Aïça. Mais les Sanhadja se lancèrent contre eux avec tant d'impétuosité qu'ils les mirent en pleine déroute après avoir tué leur chef1.

MORT DE BOLOGGUINE. SON FILS EL-MANSOUR LUI SUCCÈde. L'éloignement de Bologguine avait renversé tous les plans de

1. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 12, 131, 557, t. III, p. 218, 236. 237. El-Bekri, Berghouata. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 183.

Djafer. Bientôt les Berbères, entassés à Ceuta, manquèrent de vivres et, avec la disette, la mésintelligence entra dans le camp. Le vizir El-Mansour, qui avait besoin, en Espagne, de troupes déterminées afin d'écraser les factions adverses, en profita pour attirer dans la péninsule un grand nombre d'Africains.

Pendant ce temps, Bologguine continuait ses expéditions dans le pays des Berg'ouata. Ces farouches sectaires qui, depuis des siècles, vivaient indépendants, avaient dû se soumettre et leurs principaux chefs, chargés de fers, avaient été expédiés en Ifrikiya. Dans le cours de l'année 983, Bologguine se décida à rentrer à Kaïrouan, mais comme Ouanoudine, de la famille mag'raouienne des Beni-Khazroun, avait réussi à s'emparer de l'autorité à Sidjilmassa, il résolut de pousser d'abord une pointe dans le sud. A son approche, Ouanoudine prit la fuite. Peut-être Bologguine n'alla-t-il pas jusqu'à Sidjilmassa; sentant sans doute les atteintes du mal qui allait l'emporter, il ordonna le retour vers le nord, par la route de Tlemcen. Mais, parvenu au lieu dit Ouarekcen, au sud de cette ville, Bologguine, fils de Ziri, cessa de vivre (mai 984). Son affranchi Abou-Yor'bel envoya aussitôt la nouvelle de cette mort à El-Mansour, fils de Bologguine et son héritier présomptif, qui commandait et résidait à Achir, puis l'armée continua sa route vers l'est.

El-Mansour se rendit à Kaïrouan et reçut en route une députation des habitants de cette ville, venus pour le saluer. Il leur donna l'assurance qu'il continuerait à employer pour gouverner la voie de la douceur et de la justice. A Sabra il reçut le diplôme du khalife El-Aziz lui conférant le commandement exercé avec tant de fidélité par son père. El-Mansour répondit par l'envoi d'un million de dinars (pièces d'or) à son suzerain. Il confia le commandement de Tiharet à son oncle Abou-l'Behar et celui d'Achir à son frère Itoueft'.

GUERRE D'ITALIE. Pendant que le Magreb était le théâtre des luttes que nous venons de retracer, les émirs kelbites de Sicile, maîtres incontestés de l'ile, avaient reporté tous leurs efforts sur la terre ferme. L'empereur Othon I était mort, en 973, et avait été remplacé par son fils Othon II. Ce prince, guerrier et sanguinaire, profita de l'affaiblissement de l'autorité de ses deux cousins de Constantinople, pour envahir l'Italie méridionale. Benevent et Salerne tombèrent en son pouvoir, et les empereurs ne virent

1. El-Kaïrouani, p. 131, 132. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 11, 12, 130, t. III, p. 218, 235. Kartas, p. 140. El-Bekri, passim.

d'autre chance de salut, dans cette conjonture, que d'appeler les Musulmans.

Au printemps de l'année 982, Othon, ayant reçu de nombreux renforts, entra dans les possessions byzantines à la tête d'une armée composée de Saxons, Bavarois et autres Allemands, d'Italiens des provinces supérieures et de Longobards, conduits par les grands vassaux de l'empire. Tarente, mal défendue par les Grecs, fut enlevée, ainsi que Brindes. Mais le gouverneur kelbite Abou-l'Kacem, accouru avec son armée, vient offrir le combat aux envahisseurs. Après une rude bataille dans laquelle Abou-l'Kacem trouve la mort du guerrier, l'armée allemande est en pleine déroute, laissant quatre mille morts sur le terrain. Othon, presque seul, peut à grand peine s'enfuir sur une galère grecque. Il regagne le nord de l'Italie et meurt à Rome le 7 décembre 983.

Djaber, fils d'Abou-l'Kacem, rentra en Sicile avec un riche butin, sans poursuivre la campagne. Son élévation fut ratifiée par le khalife El-Aziz1.

LES OMEÏADES d'Espagne ÉTENDENT DE NOUVEAU LEUR AUTORITÉ SUR LE MAGREB.— Revenons en Mag'reb. A peine Bologguine avait-il quitté les régions du sud, que Ouanoudine, chef des Mag`raoua du sud, était rentré en maître à Sidjilmassa.

En Espagne, la révolte qui se préparait depuis longtemps contre l'omnipotence du vizir El-Mansour-ben-Abou-Amer, avait éclaté. Le célèbre général R'aleb se mit à la tête de ceux qui voulaient rendre au souverain ses prérogatives, mais il succomba dans une émeute et Ibn-Abou-Amer resta seul maître de l'autorité (981). Djâfer-ben-Hamdoun le gênait encore par son influence: il le fit assassiner (janvier 983).

guer

Pendant ce temps, l'edriside El-Hassan-ben-Kennoun quittait l'Egypte et rentrait en Ifrikiya, avec une recommandation du khalife pour son lieutenant. Celui-ci lui donna une escorte de riers sanhadjiens avec lesquels il atteignit le Mag`reb (mai 984). Il entra aussitôt en relations avec les chefs des Beni-Ifrene, dont Yeddou-ben-Yâla était le prince, et conclut avec eux un traité d'alliance contre les Oméïades. Dès lors, la guerre de partisans recommença dans le Magreb.

Le vizir Ibn-Abou-Amer, qui venait de remporter de grands avantages dans le nord de l'Espagne, voulut mettre un terme aux

1. Ibn-El-Athir, passim. Amari, Musulmans de Sicile, t. II, p. 322 et suiv. Elie de la Primaudaie, Arabes et Normands en Sicile et en Italie, p. 154 et suiv.

succès des Edrisides, et, à cet effet, envoya en Afrique un certain nombre de troupes sous le commandement de son cousin Abouel-Hakem, surnommé Azkeladja. Ce général, après avoir reçu le contingent des Magr'aoua, s'avança contre l'edriside. Aussitôt les Beni-Ifrene abandonnèrent El-Hassan, qui n'eut d'autre parti à prendre que de s'en remettre à la générosité de son vainqueur. Azkeladja promit la vie au prince edriside et l'envoya au vizir en Espagne; mais celui-ci, au mépris de la promesse donnée, le fit mettre aussitôt à mort, et, comme il avait appris que son cousin Azkeladja avait ouvertement blàmé cet acte, il le rappela de Mag`reb et lui fit subir le même sort (oct.-nov. 985). Une sentence d'exil frappa en outre les derniers descendants de la famille d'Edris'.

Dans la même année, Itoueft, frère d'El-Mansour, fut envoyé en expédition par celui-ci dans le Magreb. Il se heurta contre Ziri-ben-Atiya, chef des Mag'raoua, qui le défit complètement et le força à rétrograder au plus vite.

Le vizir Ibn-Abou-Amer nomma au gouvernement du Mag`reb Hassen-ben-Ahmed-es-Selmi, et l'envoya à Fès avec ordre de protéger les princes mag'raouiens de la famille d'Ibn-Khazer, et de les opposer aux Ifrenides qui manifestaient de plus en plus d'éloignement à l'égard de la dynastie oméïade. Le nouveau gouverneur arriva à Fès en 986 et, par son habileté et sa fermeté dans l'exécution des instructions reçues, ne tarda pas à rétablir la paix dans le Mag reb. Ziri-ben-Atiya fut comblé d'honneurs, ce qui acheva d'indisposer Yeddou-ben-Yala, chef des Beni-Ifrene, et le décida à lever le masque dès qu'une occasion favorable se présenterait.

Tandis que

RÉVOLTES DES KETAMA RÉPRIMÉES PAR EL-MANSOUR. l'influence fatemide s'affaiblissait de plus en plus dans le Magreb, les séditions intestines retenaient El-Mansour à Kaïrouan et absorbaient toutes ses forces. La grande tribu des Ketama, si honorée sous le gouvernement fatemide, en raison des immenses services par elle rendus à cette dynastie, voyait, avec la plus vive jalousie, celle des Sanhadja se substituer à elle et absorber successivement tous les emplois. Déjà un grand nombre de Ketamiens étaient. partis pour l'Egypte avec El-Moëzz et s'y étaient fixés; des rapports constants s'établirent entre ces émigrés et leurs frères du Magreb, et ils se firent les intermédiaires de ces derniers pour présenter leurs doléances au khalife. Fatigué de leurs récriminations, El-Aziz-Nizar envoya à Kaïrouan un agent secret du nom d'Abou-l'Fahm-ben-Nasrouïa, avec mission de tout étudier par

1. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 201 et suiv.

lui-même. Cet émissaire fut adressé par le khalife à Youçof, fils d'Abd-Allah-el-Kateb, ancien officier de Bologguine, personnage très influent, qui avait acquis, dans ses divers emplois, une fortune scandaleuse, et dont El-Mansour n'avait osé se défaire à cause de sa puissance.

Ainsi protégé dans l'entourage même du gouverneur, AbouI'Fahm, après avoir séjourné quelque temps à Kaïrouan, gagna le pays des Ketama, où il commença à prêcher la révolte à ces Berbères. Cependant El-Mansour, ayant été instruit de toutes ces intrigues, fit tomber Abd-Allah-el-Kateb et son fils Youçof dans un guet-apens où ils trouvèrent la mort (987). Il les frappa, dit-on, de sa propre main. Débarrassé de ces dangereux ennemis, il se disposa à combattre l'agitateur, qui avait pleinement réussi à soulever les Ketama et déjà battait monnaie en son nom.

Sur ces entrefaites, arrivèrent d'Egypte deux envoyés, apportant, de la part du khalife El-Aziz, un message par lequel il défendait à El-Mansour de s'opposer aux actes d'Abou-l'Fahm et le menaçait du poids de sa colère s'il transgressait cet ordre; les messagers déclarèrent même que, dans ce cas, ils devraient le conduire, la corde au cou, à leur maître. Ces menaces causèrent au fils de Bologguine la plus violente indignation et eurent un effet tout opposé à celui qu'on en attendait. Au lieu de se conformer aux ordres d'un suzerain qui reconnaissait si mal les services de sa famille, El-Mansour commença par séquestrer les deux officiers, puis il pressa de toutes ses forces les préparatifs de la campagne. Bientôt, il se mit en marche et vint directement enlever Mila, qu'il livra au pillage. Les Ketama avaient fui: il porta la destruction dans tous leurs villages, atteignit Abou-l'Fahm non loin de Sétif et le mit en déroute. L'agitateur chercha un refuge dans une montagne escarpée, mais il fut pris et conduit au gouverneur. El-Mansour ordonna de le mettre en pièces devant les envoyés du khalife El-Aziz, qu'il avait traînés à sa suite dans la campagne; des esclaves nègres, après avoir dépecé le corps d'Abou-l'Fahm, le firent cuire et en mangèrent les morceaux en leur présence. Les envoyés reçurent alors licence de retourner au Caire; ils y arrivèrent terrifiés et racontèrent à leur maître ce dont ils avaient été témoins, déclarant qu'« ils revenaient de chez des démons mangeurs d'hommes et non d'un pays habité par des humains 1».

Au mois de mai 988, El-Mansour rentra à Kaïrouan. L'année suivante, un Juif, du nom d'Abou-l'Feredj, réussit encore, en se faisant passer pour un petit-fils d'El-Kaïm, à soulever

1. En-Nouéiri, apud Ibn-Khaldoun, t. II, p. 14, 15.

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