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CHAPITRE XII

L'IFRIKIYA SOUS LES ZIRIDES (SANHADJA).

SOUS LES OMELADES

973-997

LE MAG REB

Modifications ethnographiques dans le Magreb central. Succès des Oméïades dans le Mag'reb; chute des Edrisides; mort d'El-Hakem. — Expéditions des Mag'raoua contre Sidjilmassa et contre les Berg'ouata. Expédition de Bologguine dans le Mag'reb; ses succès. Bologguine, arrêté à Ceuta par les Oméïades, envahit le pays des Berg'onata. Mort de Bologguine; son fils El-Mansour lui succède. Guerre d'Italie. Les Oméïades d'Espagne étendent de nouveau leur autorité sur le Magreb. Révoltes des Ketama réprimées par El-Mansour. Les deux Mag'reb soumis à l'autorité oméïade; luttes entre les Mag'raoua et les Beni-Ifrene. Puissance de Ziri-ben-Atiya; abaissement des Beni-Ifrene. Mort du gouverneur El-Mansour; avènement de son fils Badis. Puissance des gouverneurs kelbites en Sicile. Rupture de Ziri-ben-Atiya avec les

Oméïades d'Espagne.

- Les

MODIFICATIONS ETHNOGRAPHIQUES DANS LE Mag`reb Central. résultats des dernières campagnes de Djouher et de Bologguine en Magreb avaient été très importants pour l'ethnographie de cette contrée. Les Mag'raoua et Beni-Ifrene vaincus, dispersés, rejetés vers l'ouest, durent céder la place, dans les plaines du Magreb central, à leurs cousins les Ouemannou et Iloumi, qui, jusque-là, n'avaient guère fait parler d'eux. Sur les Zenètes expulsés, un grand nombre, et, parmi eux, les Beni-Berzal, allèrent se réfugier en Espagne et fournirent d'excellents soldats au khalife oméïade. D'autres se placèrent sous les remparts de Ceuta '.

Les Sanhadja, au comble de la puissance, étendirent leurs limites et leur influence jusque dans la province d'Oran.

Un autre mouvement s'était produit dans les régions sahariennes. La grande tribu zenète des Beni-Ouacine s'avança dans le désert de la province d'Oran et se massa entre le mont Rached 2, ainsi nommé d'une de ses fractions, et le haut Moulouïa jusqu'à Sidjilmassa, prête à pénétrer, à son tour, dans le Tell 3.

1. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. III, p. 236, 294.

2. Actuellement Djebel-Amour.

3. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. III, p. 327, t. IV, p. 2, 5, 25.

Les débris des Mag'raoua, ralliés autour de la famille d'IbnKhazer, passèrent le Moulouïa et s'avancèrent du côté de Fès, en usurpant peu à peu les conquêtes des Miknaça'.

SUCCÈS DES OMÉÏADES EN MAG`REB; CHUTE DES EDRISIDES; MORT D'EL-HAKEM. El-Hakem voulut profiter du départ d'El-Moëzz pour regagner le terrain perdu en Mag`reb, et, tandis que le khalife fatemide s'éloignait vers l'est, une armée oméïade, commandée par le vizir Mohammed-ben-Tamlés, débarquait à Ceuta, avec la mission de châtier le prince edriside pour sa défection. Cette fois, El-Hassan, décidé à combattre, s'avança à la rencontre de ses ennemis et les défit complètement en avant de Tanger. Les débris de ces troupes, Africains et Maures d'Espagne, se réfugièrent à Ceuta et demandérent du secours à El-Hakem. Le khalife, plein du désir de tirer une éclatante vengeance de cet affront, réunit une nouvelle et formidable armée, en confia le commandement à son célèbre général R'aleb et l'envoya en Mag`reb. Il lui recommanda, s'il ne pouvait vaincre, de savoir mourir en combattant, et lui déclara qu'il ne voulait le revoir que victorieux. Des sommes d'argent considérables furent mises à sa disposition. La campagne devait commencer par la destruction du royaume edriside.

Cependant l'edriside El-Hassan, tenu au courant de ces préparatifs, s'empressa de renfermer ce qu'il possédait de plus précieux dans sa forteresse imprenable de Hadjar-en-Necer, puis il évacua Basra, sa capitale, et se retrancha à Kçar-Masmouda, place forte située entre Ceuta et Tanger. R'aleb ne tarda pas à venir l'attaquer et, durant plusieurs jours, on escarmoucha sans grand avantage de part ni d'autre. Le général oméïade parvint alors à corrompre, à force d'or, les principaux adhérents d'El-Hassan, et celui-ci se vit tout à coup abandonné par ses meilleurs officiers et contraint de se réfugier à Hadjar-en-Necer.

Raleb l'y suivit et entreprit le siège du nid d'aigle. La position défiait toute attaque et ce n'était que par un blocus rigoureux qu'on pouvait la réduire. Pour cela, du reste, des renforts étaient nécessaires, et bientôt arriva dans le Rif une nouvelle armée oméïade, commandée par Yahïa-ben-Mohammed-et-Todjibi, général qui était investi précédemment du commandement de la frontière supérieure en Espagne. Avec de telles forces, le siège fut mené vigoureusement et il ne resta à El-Hassan d'autre parti que de se rendre à la condition d'avoir la vie sauve (octobre 973). Ainsi disparut ce qui restait du royaume edriside.

1. Loc. cit., t. I, p. 265, t, III, p. 235.

Après la chute de Hadjar-en-Necer, R'aleb rechercha partout les derniers descendants et partisans de la dynastie d'Edris, dans le Rif et le pays des R'omara. De là, il pénétra dans l'intérieur du Mag reb. Arrivé à Fès, il y rétablit l'autorité oméïade et laissa deux gouverneurs l'un dans le quartier des Kaïrouanides et l'autre dans celui des Andalous. R'aleb parcourut ainsi le Mag reb septentrional et laissa partout des représentants de l'autorité.

oméïade.

Après avoir rempli si bien son mandat, R'aleb nomma gouverneur général du Magreb Yahïa-et-Todjibi, et rentra en Espagne, traînant à sa suite les membres de la famille edriside, des prisonniers de distinction et une foule de Berbères qui avaient suivi ses drapeaux. Le khalife El-Hakem, suivi de tous les notables de Cordoue, vint au devant du général victorieux, le combla d'honneurs, et reçut avec distinction El-Hassan-ben-Kennoun et ses parents. Il fit des cadeaux à ces princes et leur assigna des pensions (septembre 974).

Peu de jours après, El-Hakem, atteint d'une grave maladie, remettait la direction des affaires de l'état à son vizir, Moushafi. Presque aussitôt, ce ministre se débarrassa des Edrisides, dont l'entretien était ruineux pour le trésor, en les expédiant vers l'Orient. On les débarqua à Alexandrie, où ils furent bien accueillis par le souverain fatemide. La maladie d'El-Hakem avait eu, en outre, pour conséquence, de redonner de l'espoir aux chrétiens du nord, et, comme la frontière avait été dégarnie de troupes, ils l'attaquèrent en différents endroits. Dans cette conjecture, le vizir n'hésita pas à rappeler d'Afrique le brave Yahïa-et-Todjibi pour l'envoyer reprendre son commandement dans le nord. Djàfer-benHamdoun, chargé de le remplacer en Mag'reb, emmena avec lui pour l'assister son frère Yahïa.

El-Hakem, sentant sa fin prochaine, réunit, le 5 février 976, tous les grands du royaume et leur fit signer un acte par lequel son jeune fils Hicham était reconnu pour son successeur. Le premier octobre suivant, le khalife mourait et l'empire passait aux mains d'un mineur : c'était la porte ouverte à toutes les compétitions et, par voie de conséquence, le salut du Mag`reb1.

Vers la même époque (975), Guillaume de Provence mettait fin à la petite république musulmane du Fraxinet. Depuis cinquante

1. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III. p. 124 et suiv. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 151, 556, 559, 570. Kartas, p. 125 et suiv., 140 et suiv. El-Bekri, passim. El-Marrakchi (éd. Dozy), p. 29 et suiv.

ans ces brigands répandaient la terreur en Provence, dans le Dauphiné, en Suisse, dans le nord de l'Italie et sur mer 1.

EXPÉDITIONS DES MAG RAOUA CONTRE SIDJIL MASSA ET CONTRE LES BERG OUATA. Arrivé en Mag`reb, à la fin de l'année 975, Djaferben-Hamdoun s'appliqua à apaiser les discussions qui avaient éclaté entre les Mag`raoua, Beni-Ifrene et Miknaça, et qui étaient la conséquence de la récente immigration des tribus zenètes. Pour les occuper, il permit aux Mag'raoua de tenter une expédition contre Sidjilmassa, où régnait toujours le Midraride Abou-Mohammed-el-Moatezz.

L'année suivante, un grand nombre de Mag raoua et de BeniIfrene, sous la conduite d'un prince de la famille de Khazer, nommé Khazroun-ben-Felfoul, se portèrent sur Sidjilmassa, et, après avoir défait les troupes d'El-Moatezz, qui s'était avancé en personne contre ses ennemis, s'emparèrent de l'oasis; El-Moatezz ayant été mis à mort, sa tête fut envoyée à Cordoue. Khazroun, qui s'était emparé de tous ses trésors, fut nommé chef du pays pour le compte du khalife d'Espagne, dont la suprématie fut proclamée dans ces contrées éloignées. Ainsi à Sidjilmassa, comme sur le cours du bas-Moulouïa, les Miknaça durent céder la place aux Zenètes-Mag raoua, qui s'installerent définitivemeut dans le Magreb extrême.

Quelque temps après, une querelle s'éleva entre Djafer-benHamdoun et son frère Yahia. Ce dernier vint alors, avec un certain nombre de Zenètes, se retrancher dans la ville de Basra, non loin de Ceuta, où résidait un commandant oméïade. Djafer voulait marcher contre lui; mais, voyant ses troupes peu disposées à entreprendre une campagne dans le Rif et, en partie, sur le point de l'abandonner, il les entraîna vers l'ouest, contre les Berg'ouata. Cette grande tribu masmoudienne, cantonnée au pied des versants occidentaux de l'Atlas et sur les bords de l'Océan, était devenue le centre d'un schisme religieux, qui y avait pris naissance environ un siècle et demi auparavant, à la voix d'un réformateur nommé El-Yas. Après la mort de ce marabout, son fils Younos avait réuni tous ses adhérents et contraint par la force ses compatriotes à accepter la nouvelle doctrine. De grandes guerres avaient désolé alors le sud du Mag'reb; deux cent quatre-vingt-sept villes avaient été ruinées. La puissance des Berg'ouata était devenue redou

1. Voir Raynaud, Expéditions des Sarrasins dans le midi de la France, pass. et Elie de la Primaudaie, Arabes et Normands, passim. 2. Voir ci-devant, p. 238, 255.

table, et, plusieurs fois, les Edrisides et les descendants de BenAbou-l'Afia avaient tenté, mais en vain, de réduire ces hérétiques'.

Ce fut du nom de guerre sainte que Djâfer colora son expédition contre les Berg'ouata. Il s'avança jusqu'au cœur de leur pays, mais alors, ces indigènes, s'étant rassemblés en grand nombre, écrasèrent son armée composée de Mag`raoua et autres Zenètes; les débris de ces troupes se refugièrent à Basra, et Djâfer rentra en Espagne. Le Vizir, qui craignait l'influence de ce général en Magreb, confirma, pour l'affaiblir, son frère Yahïa dans le commandement de la ville de Basra et du Rif, et n'inquiéta pas celui-ci, au sujet de sa défection qui avait été si préjudiciable à Djâfer2.

EXPÉDITION DE Bologguine daNS LE MAG REB; SES SUCCÈS. Bologguine, en Ifrikiya, suivait avec attention les événements dont le Mag`reb était le théâtre et attendait le moment favorable pour intervenir; mais il devait au préalable assurer sa position à Kaïrouan, et l'on ne saurait trop admirer la prudence et l'esprit politique dont le chef berbère fit preuve en cette circonstance. Son protecteur, le khalife El-Moëzz, était mort peu de temps après son arrivée au Caire (975) et avait été remplacé par son fils El-AzizNizar. Bologguine obtint de lui, en 977, la suppression du gouvernement isolé de la Tripolitaine, tel qu'il avait été établi par ElMoëzz, lors de son départ. Ainsi, le prince berbère étendit son autorité jusqu'à l'Egypte et, tranquille du côté de l'est, il put se préparer à intervenir activement en Mag'reb.

En 979, Bologguine, à la tête d'une armée considérable, partit. pour les régions de l'Occident. Il traversa sans difficulté le Mag'reb central, et, ayant franchi la Moulouïa, trouva déserts les pays occupés alors par les tribus zenètes, celles-ci s'étant refugiées, à son approche, soit dans le sud, soit sous les murs de Ceuta. Il s'avança ainsi, sans coup férir jusqu'à Fès, entra en maître dans cette ville et, de là, se porta vers le sud. Ayant remonté le cours de la Moulouïa, il parvint, en chassant devant lui les Mag'raoua, jusqu'à Sidjilmassa. Cette oasis lui ouvrit ses portes. El-Kheir-benKhazer, ayant été pris, fut mis à mort. Les familles de Yâla l'ifremide, d'Atiya-ben-Khazer et des Beni-Khazroun trouvèrent un refuge à Ceuta. Bologguine, laissant des officiers dans les provinces qu'il venait de conquérir, reprit la route du nord, pour y

1. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 125 et suiv. El-Bekri, Berghouata. IbnHaukal, passim.

2. Ibn-Khaldoun, t. I, p. 265, t. II, p. 156, 556, 557, t. III, 235 et suiv. Kartas, p. 140. El-Bekri, passim.

p. 218,

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