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mide. Meïçour, ayant alors réuni toutes ses forces et reçu dans ses rangs le contingent edriside, se mit à la poursuite de Mouça, le vainquit dans toutes les rencontres, le chassa de toutes ses retraites et le contraignit à chercher un refuge dans le désert.

Après avoir obtenu ce résultat, Meïçour donna à El-Kacem-benEdris, surnommé Kennoun, alors chef de la famille edriside, le commandement de tout le pays conquis sur Mouça. Cependant Fès fut réservé et les Edrisides ne rentrèrent pas encore dans la métropole fondée par leur aïeul. Ils continuèrent à faire de Hadjar-en-Nacer leur capitale provisoire.

Meïçour rentra à El-Mehdia en 936 '.

Pendant que

EXPÉDITIONS FATEMIDES EN ITALIE ET EN EGYPTE. ces événements se passaient dans le Mag'reb, El-Kaïm obtenait de brillants résultats sur un autre théâtre. Une nouvelle expédition maritime envoyée d'El-Mehdia contre Gènes remportait un grand succès. Les soldats fatemides, après avoir enlevé d'assaut cette ville, la mirent au pillage et ramenèrent des captifs nombreux. A leur retour, ils portèrent le ravage sur les côtes de Sardaigne et peut-être de Corse, et rentrèrent à El-Mehdia avec un riche butin et un millier de femmes chrétiennes captives (935) 2.

En Sicile, où quelques troubles avaient éclaté, le khalife fatemide envoya comme gouverneur un certain Khalil-ben-Ouerd, homme d'une rare énergie, qui ne tarda pas à rétablir la paix et put s'appliquer tout entier à l'embellissement de Palerme.

Mais El-Kaïm avait, comme son père, les yeux tournés vers l'Orient, et il faut avouer que le moment semblait favorable pour y exécuter de nouvelles tentatives. Après la mort du khalife El-Moktader, on avait proclamé El-Kaher-b'Illah à Bagdad; mais son règne avait été fort troublé et de courte durée. Déposé en 934, il fut remplacé par son neveu Er-Radi, fils d'El-Moktader. Ce prince nomma alors au gouvernement de l'Egypte un officier d'origine turque3, nommé Abou-Beker-ben-Bordj et qui prit le titre d'Ikhchid (roi des rois). En réalité, l'Egypte devenait une vice-royauté presque indépendante, et, comme elle était très divisée par la guerre civile, il était naturel qu'El-Kaïm songeât à y intervenir.

1. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 142, 145, 529. Kartas, p. 117. El-Bekri, Idricides.

2. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 529. Amari, Musulmans de Sicile, t. III, p. 180 et suiv.

3. Il ne faut pas perdre de vue que les Turcs habitaient alors le centre

de l'Asie.

L'affranchi Zeïdane, général fatemide, partit pour l'Egypte à la tête d'une armée et entra en vainqueur à Alexandrie, mais, Ikhchid étant accouru avec des forces imposantes, Zeïdane ne jugea pas prudent de se mesurer avec lui; il s'empressa d'évacuer le pays conquis et de rentrer en Ifrikiya.

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PUISSANCE DES SANHADJA. ZIRI-BEN-MENAD. La grande tribu des Sanhadja, qui occupait la majeure partie du Tell du Mag`reb central, n'a, jusqu'à présent, joué aucun rôle actif dans l'histoire. Son territoire confrontait à l'est aux Ketama, au nord aux Zouaoua du Djerdjera, et s'étendait à l'ouest jusque vers le méridien de Ténés; il renfermait des localités importantes telles que Hamza, Djezaïr-beni-Mez ranna (Alger), Médéa et Miliana. La race des Sanhadja constituait une des plus anciennes souches berbères. La tribu des Telkata avait la prééminence sur les autres. Les Mag'raoua, qui confrontaient au sud et à l'ouest aux Sanhadja, étaient en luttes constantes avec eux.

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Vers le commencement du xe siècle, vivait chez les Sanhadja un certain Menad, sorte de marabout dont la famille était venue quelque temps auparavant s'établir dans la tribu et y avait fondé une mosquée. Il avait un fils nommé Ziri, dont les auteurs disent: «< ...Qu'on n'avait jamais vu un si bel enfant..... à l'âge de dix ans, il paraissait en avoir vingt pour la force et la vigueur ». Ses instincts belliqueux s'étaient révélés de bonne heure; aussi, dès qu'il eut atteint l'âge d'homme, il rassembla une bande de jeunes gens déterminés et alla faire des expéditions et des razias chez les Mag'raoua. Son audace et son courage, que le succès favorisa, lui procurèrent bientôt une grande influence parmi les Sanhadja. Il put alors exécuter une razia très fructueuse sur les Mar'ila, établis dans le bas Chelif, non loin de Mazouna. Retranché dans la montagne de Titeri, au sud de Médéa, il y emmagasina son butin et y logea ses chevaux. Malgré l'opposition de quelques rivaux, il ne tarda pas à devenir le chef incontesté des Sanhadja. Ayant envoyé sa soumission à El-Kaïm, il recut de ce prince l'investiture du commandement de sa tribu.

Ziri songea alors à se construire une capitale digne de lui et reçut à cette occasion les conseils et les secours du souverain fatemide, trop heureux de voir s'établir une puissance rivale de celle des Mag'raoua et destinée à servir de rempart contre eux. Le fils de Menad choisit l'emplacement de sa capitale dans le

1. Voir au chap. 1, 2° partie, les subdivisions de cette tribu. 2. En-Nouéïri, apud Ibn-Khaldoun, t. II, p. 487.

T. I.

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Djebel-el-Akhdar (Titeri), près de Médéa, et lui donna le nom d'Achir. Lorsqu'elle fut achevée, il fit appel aux habitants de Tobna, de Mecila et de Hamza pour la peupler 1.

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SUCCÈS DES EDRISIDES; MORT DE MOUÇA-BEN-ABOU-L'AFIA. — Dans le Magreb, les Edrisides consolidaient le pouvoir qu'ils avaient recouvré et l'autorité qu'ils tenaient du général fatemide. En 936, Kacem-Kennoun, chef de cette dynastie, s'emparait d'Azila et, pendant ce temps, son cousin El-Hassen rentrait en vainqueur à Tlemcen. Mouça, réduit à l'impuissance, suivait de loin ces événements, en guettant l'occasion de reprendre l'offensive.

Abd-er-Rahman-en-Nacer était alors retenu par ses guerres contre les rois de Galice et de Léon. La fortune, jusqu'alors fidèle, l'avait trahi, et il avait essuyé de sérieux échecs qu'il brûlait du désir de venger. C'est ce qui explique que ses partisans du Mag`reb restaient abandonnés à eux-mêmes 2.

En 938, eut lieu la mort de Mouça, «< pendant qu'il travaillait, dit Ibn-Khaldoun, de concert avec son puissant voisin (Ibn-Khazer), à fortifier la cause des Oméïades ». On ignore s'il fut tué dans un combat ou s'il mourut de maladie. Son fils Medine recueillit sa succession et reçut du khalife oméïade le titre platonique de gouverneur du Mag`reb. Il contracta avec El-Kheir, fils de Mohammed-ben-Khazer, une alliance semblable à celle qui avait existé entre leurs pères, d'où il y a lieu de conjecturer que ce dernier était mort vers la même époque.

RÉVOLTE D'ABOU-YEZID, L'HOMME A L'ANE. - Abou-Yezid, fils de Makhled-ben-Keïdad, zenète de la tribu des Beni-Ifrene, fraction des Ouargou, avait été élevé à Takious, dans le pays de Kastiliya. Il était né, dit-on, au Soudan, du commerce de son père avec une négresse, dans un voyage effectué par Makhled pour ses affaires. Il avait fait ses études à Takious et à Touzer, où il avait reçu les leçons du Mokaddem (évêque) des cïbadites Abou-Ammar, l'aveugle. Il s'était ainsi pénétré, dès son jeune âge, des principes de ces sectaires et particulièrement de la fraction qui était désignée sous le nom de Nekkariens. C'étaient des puritains militants qui permettaient le meurtre, le viol et la spoliation sur tous ceux qui n'appartenaient pas à leur secte.

Abou-Yezid était contrefait, boiteux de naissance et fort laid, mais, dans cette enveloppe frêle et disgracieuse, brûlait une âme

1. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 4 et suiv. En-Nouéiri, loc. cit. El-Bekri, art. Achir.

2. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. II, p. 64 et suiv.

ardente et d'une énergie invincible. Il possédait à un haut degré l'éloquence qui entraîne les masses. Dès qu'il eut atteint l'âge d'homme, il s'adonna à l'enseignement, c'est-à-dire qu'il s'appliqua à répandre les doctrines de sa secte, et ses prédications enflammées n'avaient qu'un but pousser à la révolte contre l'autorité constituée. Il parcourut les tribus kharedjites en pratiquant le métier d'apôtre, et se trouvait à Tiharet au moment du triomphe du mehdi. Il se posa, dès lors, en adversaire résolu de la dynastie fatemide. Forcé de fuir de Tiharet, il rentra dans le pays de Kastiliya et ne tarda pas à se faire mettre hors la loi par les magistrats de cette province. Il tenta alors d'effectuer le pèlerinage, mais il ne paraît pas qu'il eût réalisé ce projet, qui n'était peut-être qu'une ruse de sa part pour détourner l'attention.

Vers 928, il était de retour à Takious et, dès l'année suivante, commençait à grouper autour de lui des partisans prêts à le soutenir dans la lutte ouverte qu'il allait entamer. En 934, il se crut assez fort pour lever l'étendard de la révolte à Takious, mais le souverain fatemide s'étant décidé à agir sérieusement contre lui, Abou-Yezid dut encore prendre la fuite. Il renouvela sa tactique et simula ou effectua un voyage en Orient. Après quelques années de silence, il rentrait à la faveur d'un déguisement à Touzer (938); mais ayant été reconnu, il fut arrêté par le gouverneur et jeté en prison. A cette nouvelle, son ancien précepteur AbouAmmar, l'aveugle, mokaddem des Nekkariens, cédant aux instances de deux des fils d'Abou-Yezid, nommés Fadel et Yezid, réunit un groupe de ses adeptes et alla délivrer le prisonnier.

Cette fois, il n'y avait plus à tergiverser et il ne restait à AbouYezid qu'à combattre ouvertement. Il se réfugia dans le sud chez les Beni-Zendak, tribu zenète, et, de là, essaya d'agir sur les populations zenetes de l'Aourès et du Zab et notamment sur les Beni-Berzal. Il avait soixante ans, mais son ardeur n'était nullement diminuée, malgré l'âge et les infirmités. Après plusieurs années d'efforts persévérants, il parvint à décider ces populations à la lutte. Vers 912, il réunit ses principaux adhérents dans l'Aourès, se fit proclamer par eux cheikh des vrais croyants, leur fit jurer haine à mort aux Fatemides et les invita à reconnaître la suprématie des Oméïades d'Espagne. Il leur promit en outre qu'après la victoire, le peuple berbère serait administré, sous la forme républicaine, par un conseil de douze cheiks. L'homicide et la spoliation étaient déclarés licites à l'encontre des prétendus orthodoxes, dont les familles devaient être réduites en esclavage1.

1. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 530 et suiv., t. III, p. 201 et suiv.

SUCCES D'ABOU-YEZID. IL MARCHE SUR L'IFRIKIYA.-En 942, AbouYezid profita de l'absence du gouverneur de Bar'aï pour venir, à la tête de ses partisans, ravager les environs de cette place forte. Une nouvelle course dans la même direction fut moins heureuse, car le gouverneur, qui, cette fois, était sur ses gardes, repoussa les Nekkariens et les poursuivit dans la montagne; mais, s'étant engagé dans des défilés escarpés, il se vit entouré de kharedjites et forcé de chercher un refuge derrière les remparts de sa citadelle. Abou-Yezid essaya en vain de le réduire; manquant de moyens pour faire, avec succès, le siège de Bar'aï, il changea de tactique. Des ordres, expédiés par lui aux Beni-Ouacin, ses serviteurs spirituels, établis dans la partie méridionale du pays de Kastiliya, leur prescrivirent d'entreprendre le siège de Touzer et des principales villes du Djerid. Cette feinte réussit à merveille, et, tandis que toutes les troupes des postes du sud se portaient vers les points menacés, Abou-Yezid venait s'emparer sans coup férir de Tebessa et de Medjana. La place de Mermadjenna éprouva bientôt le même sort; dans cette localité, le chef de la révolte reçut en présent un âne gris dont il fit sa monture. C'est pourquoi on le désigna ensuite sous le sobriquet de l'homme à l'âne.

De là, Abou-Yezid se porta sur El-Orbos, et, après avoir mis en déroute le corps de troupes ketamiennes qui protégeait cette place, il s'en empara et la livra au pillage toute la population réfugiée dans la grande mosquée fut massacrée par ses troupes, qui se livrèrent aux plus grands excès. Ainsi, un succès inespéré couronnait les efforts de l'apôtre. L'homme à l'âne prit alors le titre de Cheikh des Croyants: vêtu de la grossière chemise de laine à manches courtes usitée dans le sud, il affectait une grande humilité, n'avait comme arme qu'un bâton et comme monture qu'un âne.

En présence du danger qui le menaçait, El-Kaïm, sans s'émouvoir, réunit des troupes et les envoya renforcer les garnisons des places fortes. Avec le reste de ses soldats, il forma trois corps dont il donna le commandement en chef à Meïçour. L'esclavon Bochra partit à la tête d'une de ces divisions pour couvrir Badja, menacée par les Nekkariens. Le général Khalil-ben-Ishak alla occuper Kaïrouan et Rakkada, avec le second corps. Enfin Meïçour demeura avec le dernier à la garde d'El-Mehdia.

Ibn-Hammad, passim. El-Bekri, art. Abou-Yezid. El-Kaïrouani, p. 98 et suiv. Voir aussi l'étude publiée par Cherbonneau dans la Revue africaine, sous le titre Documents inédits sur l'hérétique Abou-Yezid, no 78 et dans le Journal asiatique, passim.

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