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quelques années auparavant, par Messala. Le chef des Miknaça envahit ensuite la province de Tlemcen, où se trouvait un prince edriside du nom d'El-Hacen, descendant de Soleïman, qui prit la fuite à son approche et alla se réfugier à Melila (931). Mouça entra vainqueur à Tlemcen.

Ce n'était pas sans motif que Mouça avait abandonné le Mag`reb. Nous avons vu plus haut qu'Ibn-Khazer avait conclu une alliance avec Abd-er-Rhaman III, khalife d'Espagne, surnommé En-Nacer (le victorieux), en raison de ses grands succès sur les princes de Léon'. Stimulé par les agents de ce prince, il avait reparu dans le Magreb central, après le départ d'Abou-l'Kassem, et soumis pour les Omeïades tout le pays compris entre Ténès et Oran. Il est probable que l'arrivée du chef victorieux des Miknaça, maître d'une grande partie du Magreb, força Ibn-Khazer à regagner les solitudes du désert, son refuge habituel.

Pendant ce temps, le khalife d'Espagne, ne dissimulant plus ses plans de conquête en Mag`reb, enlevait Ceuta par un coup de main. Cette ville tenait encore pour les Edrisides et sa perte fut vivement ressentie par les derniers représentants de cette dynastie (931).

MOUÇA SE PRONONCE POUR LES OMÉÏADES. IL EST VAINCU PAR LES TROUPES FATEMIDES. Une fois maîtres de Ceuta, les généraux oméïades entrèrent en pourparlers avec Mouça-ben-Abou-l'Afia qui se disposait à marcher contre eux, et lui transmirent de la part de leur maître des offres très séduisantes, s'il consentait à l'accepter pour suzerain. Le chef des Miknaça avait-il à se plaindre du mehdi, ou jugea-t-il simplement qu'il était préférable pour lui de s'attacher à la fortune du brillant En-Nacer? Nous l'ignorons; dans tous les cas, il accueillit les ouvertures à lui faites et se décida à répudier la suzeraineté fatemide pour laquelle il avait combattu jusqu'alors. S'étant déclaré le vassal du khalife d'Espagne, il fit proclamer l'autorité oméïade dans le Mag`reb.

Dès que ces graves nouvelles furent parvenues en Ifrikiya, le mehdi expédia au gouverneur de Tiharet l'ordre de marcher contre ses ennemis du Magreb; mais les descendants de Messala, qui y commandaient, ne possédaient pas de forces suffisantes pour entreprendre une campagne sérieuse, et l'année 932 se passa en escarmouches sans importance. L'année suivante (933), une armée fatemide se mit en route vers l'ouest, sous le commandement de Homeïd-ben-Isliten, neveu de Messala, traversa sans peine le

1. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 49 et suiv.

Magreb central et pénétra dans le Magreb extrême. Mouça attendait ses ennemis en avant de Taza, sur la rive gauche de la Moulouïa, au lieu dit Messoun. Après plusieurs jours de lutte, les troupes fatemides parvinrent à se rendre maîtresses du camp ennemi, ce qui contraignit Mouça à se jeter dans Teçoul, et à appeler à son aide le général Ibn-Abou-l'Fetah, resté en observation devant Hadjar-en-Necer. Aussitôt l'edriside Ibrahim et ses partisans reprirent l'offensive et vinrent attaquer les derrières de Mouça. Au profit de cette diversion, qui immobilisait le chef miknacien, Homeïd continua sa marche sur Fès, où il entra sans coup férir, car Medin, fils de Mouça, avait abandonné la ville à son approche. Après avoir rétabli l'autorité fatemide en Mag`reb, Homeïd reprit la route de l'Ifrikiya en laissant comme gouverneur à Fès Hâmed-ben-Hamdoun1.

MORT D'OBEÏD-ALLAH, LE MEHDI. — Peu de temps après le retour de l'armée, Obéïd-Allah mourut à El-Mehdïa (3 mars 934). Il était âgé de soixante-trois ans et avait régné près de vingt-cinq ans. Il laissait sept fils et huit filles. Les astrologues de la cour prétendirent qu'au moment de sa mort la lune avait subi une éclipse totale.

Ce prince laissait à son fils un immense empire qui s'étendait de la grande Syrte au cœur du Mag`reb. Il faut reconnaître qu'une rare fortune avait secondé l'ambition de ce messie (mehdi), qui, après avoir erré en proscrit, durant de longues années, était venu s'asseoir en triomphateur sur le trône préparé par un disciple dont l'abnégation égalait le dévouement. Grâce à son énergie invincible, Obéïd-Allah sut conserver, étendre et établir sur des bases durables un pouvoir assez précaire au début. Nul doute que, sans les mesures rigoureuses qu'il prit et dont les premières conséquences furent de sacrifier ceux auxquels il devait tout, il eût été renversé après un court règne.

Et cependant l'ambition constante du mehdi, le désir de toute sa vie n'était pas réalisé. C'est vers l'Orient qu'il avait les yeux tournés et c'est sur le trône des khalifes, où son ancêtre Ali n'avait pu se maintenir, qu'il voulait s'asseoir. Après l'insuccès de ses tentatives militaires en Egypte, il dut se borner à employer l'intrigue, et ce fut, dit-on, par un de ses émissaires que le khalife El-Moktader fut tué pendant les guerres qui suivirent la révolte de Mounės. Suivant l'historien Es-Saouli, cité par Ibn

1. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. I, p. 268, t. II, p. 528, 569, t. III, p. 231. Kartas, p. 111 et suiv. Bekri, passim.

Hammad, il aurait même annoncé officiellement cette nouvelle dans une assemblée politique où il reçut les félicitations du peuple.

Le mehdi établit quelques modifications de rite dans la pratique de la religion musulmane. La révolte des Karmates, qui ensanglanta l'Orient pendant la fin de son règne, favorisa ces innovations. Le pèlerinage, une des bases de la religion islamique, était devenu impossible depuis que les farouches sectaires avaient mis la ville sainte au pillage et enlevé la pierre noire de la Kaâba1.

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EXPÉDITIONS DES FATEMIDES EN ITALIE. Avant de terminer ce chapitre, nous devons passer une rapide revue des expéditions faites en Europe pendant les dernières années du règne du mehdi. A la suite d'une alliance conclue avec les ambassadeurs slaves venus de Dalmatie en Afrique, une expédition fut faite, vers 925, de concert avec eux, dans le midi de l'Italie. Les alliés s'emparérent d'un certain nombre de villes détachées de l'obéissance de l'empire, et notamment d'Otrante. Saïn, chef des Slaves, força Naples et Salerne à lui verser une rançon, puis il fit payer tribut à la Calabre et retourna à Palerme avec un riche butin. Les Slaves avaient en effet pris l'habitude d'hiverner dans cette ville, dont un quartier conserva leur nom. Beaucoup d'entre eux passèrent en Espagne et entrèrent au service des princes oméïades.

Malgré l'appui prêté par les Fatemides à Saïn dans son expédition d'Italie, le tribut stipulé par les précédents traités fut régulièrement servi à Obéïd-Allah jusqu'à sa mort, par les Byzantins.

En 933, une flotte envoyée contre Gênes par le mehdi porta le ravage dans les environs de cette ville.

1. Ibn-Khaldoun, t. II, p. 529 et suiv. Ibn-Hammad, passim. El-Kaïrouani, p. 96,

2. Amari, Musulmans de Sicile, t. II, p. 176 et suiv. Dozy, Musulmans d'Espagne, t. III, p. 61.

CHAPITRE X

SUITE DES FATEMIDES. RÉVOLTE DE L'HOMME A L'ANE

934-947.

Règne d'El-Kaïm; premières révoltes.

Succès de Meïçour, général fatemide, en Magreb; Mouça, vaincu, se réfugie dans le désert. - Expéditions fatemides en Italie et en Egypte. Puissance des Sanhadja; Ziri-benMenad. Succès des Edrisides; mort de Mouça-ben-Abou-l’Afia. — Révolte d'Abou-Yezid, l'homme à l'âne. Succès d'Abou-Yezid; il marche sur l'Ifrikiya. Prise de Kaïrouan par Abou-Yezid. Nouvelle victoire d'AbouYezid, suivie d'inaction. Siège d'El-Medhia par Abou-Yezid. - Levée Mort d'El-Kaïm; règne d'Ismaïl-el-Mançour. - Défaites d'Abou-Yezid. - Poursuite d'Abou-Yezid par Ismaïl. d'Abou-Yezid.

du siège d'El-Mehdia.

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Chute

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REGNE D'EL-KAÏM; PREMIÈRES RÉVOLTES. Le prince AbouI'Kassem avait pris, depuis longtemps, en main la direction des affaires de l'empire fatemide; il lui fut donc possible de tenir secrète la mort de son père pendant un certain temps'. Il envoya dans l'est et dans l'ouest des forces suffisantes pour étouffer dans leur germe les rébellions qui auraient pu se produire à la nouvelle du décès du mehdi. Après avoir pris ces habiles dispositions, il annonça le fatal événement et se fit proclamer sous le nom d'ElKaim-bi-Amr-Allah (celui qui exécute les ordres de Dieu). Il ordonna alors un deuil public en l'honneur du mehdi et manifesta le plus grand chagrin de sa mort, s'abstenant de passer à cheval dans les rues d'El-Mehdia.

El-Kaïm, c'est ainsi que nous le désignerons maintenant, était alors un homme de quarante-deux à quarante-trois ans. Il avait, quelque temps auparavant, institué à El-Mehdïa un véritable cérémonial de cour et pris l'habitude de ne sortir qu'avec le parasol, qui devint l'emblème de la dynastie fatemide. Selon Ibn-Hammad, ce parasol, semblable à un bouclier fiché au bout d'une lance, était porté au-dessus de sa tête par un cavalier.

A peine la nouvelle de la mort du souverain fatemide se fut-elle répandue qu'une révolte éclata dans la province de Tripoli, à la voix d'un aventurier, Ibn-Talout, qui se faisait passer pour le fils

1. Les auteurs varient entre un mois et un an.

du mehdi. Entouré d'un grand nombre de partisans, cet agitateur poussa l'audace jusqu'à attaquer Tripoli, mais son ardeur s'usa contre les remparts de cette place et bientôt ses adeptes se tournèrent contre lui, le mirent à mort et envoyèrent sa tête à El-Kaïm. Dans la province de Kastiliya, un agitateur religieux du nom d'Abou-Yezid commençait ses prédications. Ce marabout allait, avant peu, mettre l'empire fatemide à deux doigts de sa perte1.

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SUCCES DE MEIÇOUR, GÉNÉRAL FATEMIDE, EN MAG'REB. MOUÇA, VAINCU, SE RÉFUGIE DANS LE DÉSERT. Lorsque, dans le Mag'reb, Mouça-ben-Abou-l'Afia apprit la mort du mehdi, il sortit de sa retraite, et, avec l'appui des forces oméïades, se rendit maître de Fès. Après avoir fait mourir Hâmed-ben-Hamdoun, il se porta dans le Rif avec l'espoir de tirer une éclatante vengeance de ses ennemis les Edrisides, qu'il rendait responsables de ses dernières défaites.

Cependant, l'armée fatemide, envoyée dans l'ouest, sous le commandement de l'eunuque Meïçour, avait commencé par réduire à la soumission les populations des environs de Tiharet qui, après avoir mis à mort leur gouverneur, s'étaient placées sous la protection de Mohamed-ben-Abou-Aoun, commandant d'Oran pour les Oméïades. Ce dernier, attaqué à son tour, avait dû également se soumettre au vainqueur. Ayant ainsi assuré ses derrières, Meïçour n'hésita pas à marcher directement sur Fès. Il mit le siège devant cette ville, mais il y rencontra une résistance désespérée et fut retenu sous ses murailles pendant de longs mois.

El-Kaïm, ne recevant plus de nouvelles de son armée, lui expédia du renfort sous le commandement de son nègre Sandal. Cet officier, parvenu dans le Mag`reb, commença par se rendre maître de Nokour, que les descendants des Beni-Salah avaient relevée de ses ruines; puis, il opéra sa jonction à Meïçour. Les princes edrisides entrèrent alors en pourparlers avec ce dernier et lui proposèrent de le soutenir s'il voulait attaquer leur ennemi mortel, Mouça. Cette démarche devait consacrer une rupture définitive entre eux et les Oméïades. Mais, que pouvaient-ils attendre d'Abd-er-Rahman, représenté en Mag'reb par Ben-Aboul'Afia?

Meïçour, qui, depuis sept mois, assiégeait inutilement Fès, accepta les propositions des Edrisides et se décida à traiter avec les assiégés. Ceux-ci reconnurent, pour la forme, l'autorité fate

1. Ibn-Hammad, passim. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p 328 et suiv. et t. III, p. 201 et suiv.

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