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CHAPITRE VI

L'IFRIKIYA SOUS LES AR'LEBITES. CONQUÊTE DE LA SICILE

800-838

Edris II est pro-
Révoltes en

Ibrahim établit solidement son autorité en Ifrikiya. clamé par les Berbères. Fondation de Fez par Edris II. Ifrikiya. Mort d'Ibrahim. Abou-l'Abbas-Abd-Allah succède à son père Ibrahim. Conquêtes d'Edris II. Mort de Abd-Allah; son frère Ziadet-Allah le remplace. Espagne Révolte du faubourg. Mort d'ElHakem. Luttes de Ziadet-Allah contre les révoltes. Mort d'Edris II; partage de son empire. - Etat de la Sicile au commencement du IXe siècle. Euphemius appelle les Arabes en Sicile; expédition du cadi Aced. Conquête de la Sicile. Mort de Ziadet-Allah; son frère, Abou-Eikal-el-Ar'leb, lui succède. Guerres entre les descendants d'Edris II. L'Espagne sous Abd-er

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Rahman II.

Les Midrarides à Sidjilmassa.

Le

IBRAHIM ÉTABLIT SOLIDEMENT SON AUTORITÉ EN IFRIKIYA. choix d'Ibrahim-ben-el-Arleb, comme vice-roi de l'Ifrikiya, était le meilleur que le khalife pût faire; lui seul, par son habileté et la pratique qu'il possédait des affaires du pays, était capable d'étouffer les germes de révolte, et de contenir les Berbères sans se soumettre aux caprices de la milice. L'anarchie des dernières années provenait surtout de ce que le gouverneur n'avait aucune force sur laquelle il put compter, en dehors des miliciens d'Orient. Ceux-ci, se sentant nécessaires, devenaient intraitables. Pour remédier à cet inconvénient, il ne fallait pas penser à former des corps berbères; ce fut aux nègres qu'il eut recours pour contrebalancer la force des Syriens. Ayant acheté un grand nombre d'esclaves noirs, il les habitua à porter les armes, en laissant croire aux miliciens qu'il destinait ces nègres à être employés dans les postes les plus périlleux.

En même temps, pour s'assurer une retraite sûre, en cas de révolte, il fit construire, à trois milles de Kaïrouan, la place forte d'El-Abbassïa où il déposa ses trésors et une grande quantité d'armes. Puis il se disposa à aller s'établir dans cette résidence, qu'on appela, plus tard, El-Kasr-el-Kedim (le vieux château). Ce fut là qu'il reçut les envoyés de Charlemagne qui avaient été chargés de prendre à Karthage, à leur retour d'Orient, les reliques

de plusieurs martyrs chrétiens. En même temps, Ibrahim envoyait une ambassade à l'empereur, alors à Pavie (801) '.

L'année suivante (802), Ibrahim eut à lutter contre son représentant à Tunis, Hamdis-ben-Abd-er-Rahman-el-Kindi, qui se révolta en appelant à lui les mécontents arabes et berbères. Amran-ben-Mokhaled, général du gouverneur ar lebite, ayant marché contre les rebelles, leur livra une sanglante bataille, dans laquelle leur chef fut tué, et les mit en déroute. Ibrahim s'appliqua alors à rétablir la paix en Ifrikiya, puis il tourna ses regards vers le Magreb, où le souvenir de l'autorité arabe disparaissait de jour en jour.

EDRIS II EST PROCLAMÉ PAR LES BERBÈRES. A Oulili, le fils d'Edris I grandissait sous la tutelle éclairée de Rached et la protection des Aoureba, tandis qu'à Tlemcen, son oncle Soleïman exerçait le pouvoir en son nom. Ibrahim, considérant avec raison que l'empire edricide était le plus grand obstacle à la réalisation de ses vues ambitieuses sur le Mag`reb, espéra l'anéantir en faisant assassiner Rached. Mais ce crime tardif fut inutile et eut pour conséquence de resserrer les Berbères autour du jeune prince (802); l'un d'eux, Abou-Khaled-Yezid, se chargea de remplacer Rached, comme tuteur d'Edris, alors âgé de neuf ans. En mars 803, les Aoureba et les représentants des tribus voisines, réunis à Oulili, dans la mosquée de cette ville, prêtèrent serment solennel de fidélité à Edris II.

Ce prince, qui avait alors onze ans et montrait une intelligence très précoce, commença à gouverner sous la tutelle d'Abou-Khaled. Ainsi se consolidait l'empire edricide, malgré les intrigues entretenues en Magreb par le vice-roi ar lebite. L'attitude énergique et dévouée des Berbères, plus que la supplique adressée par Edris à Ibrahim, décida ce dernier à ajourner la réalisation de ses plans sur l'Occident. Du reste, Ibn-el-Arleb fut bientôt absorbé par d'autres soins. En 805, la garnison de Tripoli se révolta, chassa son commandant et se donna comme chef Ibrahim-ben-Sofian, Arabe de la tribu de Temim. Ibrahim dut employer toutes ses forces pour apaiser cette sédition qui ne fut domptée qu'au commencement de 806.

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2. Ibn-Khaldoun, Berbères, t. II, p. 563. En-Nouéïri, p. 401. Kartas,

p. 18. El-Bekri, Idricides.

grandissait au milieu des intrigues encouragées par son jeune âge et son inexpérience. Un certain nombre d'Arabes étaient venus, tant de l'Espagne que de l'Ifrikiya, lui offrir leurs services et avaient été bien accueillis par lui; l'un d'eux, Omaïr-ben-Moçaab, avait même reçu le titre de vizir en remplacement d'Abou-Yezid 1.

Ainsi l'influence arabe dominait à Oulili et allait pousser Edris à un acte autrement grave. En 808, il fit mourir Abou-Leïla-Ishak, chef des Aoureba, qui avait été le protecteur de son père et le sien. Il est probable que ce chef avait laissé entrevoir son ressentiment de la protection accordée aux Arabes. Ibn-Khaldoun, pour excuser l'ingratitude d'Edris, prétend qu'il avait découvert que ce chef entretenait des intelligences avec l'arlebite Ibrahim. Les Berbères, froissés dans leurs sentiments les plus intimes, supportérent cependant ces injustices sans protestation.

Edris II, voyant chaque jour sa puissance s'accroître, jugea que sa résidence d'Oulili ne lui suffisait plus et résolut de construire une capitale digne de son empire. Après avoir cherché longtemps, il se décida pour un emplacement traversé par un des affluents du Sebou, et occupé par des Berbères de la tribu de Zouar'a. La nouvelle ville se trouvait ainsi divisée naturellement en deux quartiers. Edris jeta en 808 les fondements de celui qui devait être appelé « des Andalous », et, l'année suivante, il fit construire l'autre, nommé plus tard « des Kairouanites ». Il dota sa capitale de nombreux édifices et notamment de la mosquée dite « des Cherifs ». Lorsqu'Edris eut atteint sa majorité, c'est-à-dire vers 810, les tribus berbères lui renouvelèrent leur serment de fidélité, et il reçut la soumission des principales contrées du Mag'reb3.

REVOLTES EN IFRIKIYA. MORT D'IBRAHIM. Pendant ce temps, Ibrahim-ben-el-Ar'leb était encore aux prises avec la révolte. Les miliciens arabes avaient vu, avec beaucoup de jalousie, les précautions prises contre eux par le vice-roi; lorsqu'il se fut établi définitivement à El-Abbassïa, sous la protection de sa garde noire, leur irritation ne connut plus de bornes, et bientôt le général Amrane donna le signal de la révolte (811). Maître de Kaïrouan, il appela à lui tous les mécontents et vint assiéger Ibrahim dans sa forteresse.

Pendant un an, on combattit sans grand avantage de part et d'autre. Enfin Ibrahim, ayant appris qu'on lui envoyait d'Egypte

1. Kartas, p. 30.

2. Lerbères, t. III, p. 561.

3. Bekri, Idricides.

un secours en argent, dépêcha son fils, Abd-Allah, vers Tripoli pour arrêter la somme au passage. Puis il fit répandre la nouvelle de la prochaine arrivée des fonds. Aussitôt la milice, qui n'avait pas touché de solde depuis qu'elle avait embrassé la cause de la révolte, commença à s'agiter dans Kaïrouan, et Amrane, dépourvu de ressources, se convainquit qu'il ne pouvait plus lutter contre ce nouvel ennemi. Il sortit nuitamment de la ville et courut se réfugier dans le Zab.

Ibrahim venait de triompher de cette longue révolte et était occupé à démanteler les fortifications de Kaïrouan, lorsqu'il apprit que son fils Abd-Allah avait été chassé de Tripoli par les troupes occupant cette place. Il lui envoya des fonds au moyen desquels Abd-Allah put enrôler un grand nombre de Berbères et rentrer en possession de Tripoli. Ce furent alors ces mêmes indigènes, appartenant à la tribu des Houara, qui se lancèrent dans la révolte. Conduits par leur chef, Aïad-ben-Ouahb, ils vinrent attaquer Tripoli qui était défendu par le général Sofiane, se rendirent maîtres de cette ville et la renversèrent presque entièrement. Abd-Allah, envoyé en toute hâte par son père, à la tête d'une armée de treize mille hommes, défit les Berbères et, étant rentré à Tripoli, s'occupa à relever les fortifications de cette ville (811) 1.

Sur ces entrefaites, Abd-el-Ouahab-ben-Rostem, roi de Tiharet, arrivé de l'Ouest avec de nombreux contingents, rallia les Houara et Nefouça et vint mettre le siège devant Tripoli. Il fit, avec soin, garder une des issues de la place et pressa l'autre avec la plus grande vigueur. Abd-Allah était sur le point de succomber, lorsqu'on reçut la nouvelle de la mort d'Ibrahim qui était décédé à l'âge de 56 ans (juillet 812), dans son château d'El-Abbassïa.

ABOU-L'ABBAS-ABD-ALLAH SUCCÈDE A SON PÈRE IBRAHIM.- Aussitôt que la mort d'Ibrahim fut connue, Abd-Allah, qui avait été désigné par lui pour lui succéder, se hâta de proposer à Ibn-Rostem de conclure le paix. Il fut convenu entre eux que le prince de Tiharet se retirerait dans les montagnes des Nefouça et que Tripoli resterait aux Ar'lebites; mais toutes les plaines de la Tripolitaine furent abandonnées aux Kharedjites.

Pendant que cette paix boiteuse se signait à Tripoli, ZiadetAllah, second fils d'Ibrahim, recevait, selon les dispositions prises. par son père, le serment des principaux citoyens de Kaïrouan.

1. Les détails donnés par les auteurs arabes sur les différentes phases de cette révolte sont assez embrouillés, et il est possible qu'Abd-Allah n'ait repris qu'une seule fois Tripoli.

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