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son ensemble avait trop bien reconquis son indépendance pour qu'on puisse croire que l'action du gouverneur byzantin s'exerçât à ce point sur elle, et ce serait une grave erreur de ranger dans cette catégorie les Louata de la Tripolitaine, les Berbères de l'Aourès et les Maures de l'Ouest.

Troglita fit tous ses efforts pour assurer son occupation et se garantir des incursions indigènes par des postes fortifiés avec les ruines des cités détruites, on construisit des retranchements et des forteresses derrière lesquels les garnisons byzantines s'abritèrent, et quelques colons cherchèrent sous leur protection à rentrer en possession de leurs champs dévastés.

L'AFRIQUE PENDANT LA DEUXIÈME moitié du vio SIÈCLE. Privés des documents si précis laissés par Procope, nous ne possédons, sur la phase de l'histoire africaine par nous atteinte, que des détails épars et sans suite. C'est ainsi qu'on ignore l'époque du départ de Jean Troglita.

En 563, Rogathinus, préfet du prétoire d'Afrique, fit traîtreusement assassiner Cutzinas, chef de la région orientale de l'Aourès, qui était venu à Karthage réclamer au sujet d'immunités dont on l'avait frustré. Les services rendus par ce chef eussent dû lui épargner un semblable traitement; aussi la nouvelle de sa mort fut-elle le signal d'une levée de boucliers des Berbères, appelés aux armes par ses fils. Justinien dut envoyer en Afrique Marcien, maître de la milice1, qui contraignit les rebelles à la

soumission.

son neveu

Justinien termina sa longue carrière le 14 novembre 565, sans avoir pu réaliser le vaste projet qu'il avait conçu. Sa mort paraît avoir été le signal de nouvelles révoltes en Berbérie. Un certain Gasmul, roi des Maures, entre en scène et se fait remarquer par son ardeur à combattre l'étranger. Dans ces luttes périssent successivement: Théodore, préfet d'Afrique (568), Théoctiste, maître de la milice (569), et Amabilis, successeur du précédent (570).

C'est Gasmul qui obtient ces succès. « Devenu tout puissant par ses victoires, Gasmul, en 574, donne à ses tribus errantes des établissements fixes, et s'empare peut-être de Césarée. L'année suivante (575), il marche contre les Francs et tente l'invasion des Gaules, mais il échoue dans cette entreprise. » Si ces faits sont

1. D'Avezac, Afrique ancienne, p. 256.

2. Morcelli et Travaux de l'Académie des Inscriptions, apud Ragot, (loc. cit., p. 317).

exacts, on ne saurait trop regretter l'absence de documents historiques précis à cet égard.

Cet état de rébellion permanente durait toujours lorsque l'empereur Tibère II, qui venait de succéder à Justin II, nomma comme exarque de l'Afrique un officier du nom de Gennadius, militaire d'une réelle valeur. Dès lors la situation changea. En 580, ce général attaqua Gasmul, le tua de sa propre main, massacra un grand nombre de Maures, et leur reprit toutes les conquêtes qu'ils avaient faites.

Gennadius fut nommé préfet du prétoire d'Afrique, et il est probable que, sous sa main ferme, le pays retrouva quelques jours de tranquillité. Cependant, selon le rapport de Théophane, un soulèvement général des Berbères aurait eu lieu en 588; mais nous ne possédons aucun détail sur ce fait. Il est probable, en raison de l'état d'affaiblissement où était tombé l'empire, que les gouverneurs byzantins de l'Afrique étaient à peu près abandonnés à eux-mêmes, et que les Berbères, réellement maîtres du pays, continuaient leur mouvement d'expansion et de reconstitution.

En 597, nouvelle révolte des Berbères: ils viennent tumultueusement assiéger Karthage, ce qui indique suffisamment qu'ils sont à peu près maîtres du reste du pays. Gennadius, manquant de soldats pour entreprendre une lutte ouverte, feint d'être disposé à traiter avec les indigènes, et à accepter leurs exigences. Il leur envoie des vivres et du vin et, profitant du moment où les Berbères se livrent à la joie et font bombance, il les attaque à l'improviste et les massacre sans peine1.

Voilà quelle était la situation de l'Afrique à la fin du vio siècle.

DERNIERS JOURS DE LA DOMINATION BYZANTINE. - Le 16 novembre 602, le centurion Phocas avait assassiné l'empereur Maurice et s'était emparé du pouvoir. Il en résulta des révoltes et de longues luttes dans les provinces.

L'exarque Héraclius, qui commandait en Afrique avec le patrice Grégoire, comme légat, se mit en état de révolte (608) et retint les blés destinés à l'Orient. Deux ans plus tard, le fils d'Héraclius, portant le même nom que son père, partait par mer pour Constantinople, en même temps que le fils de Grégoire s'y rendait par terre, en passant par l'Egypte et la Syrie. Arrivé le premier, Héraclius mettait fin à la tyrannie de Phocas et s'emparait de l'autorité souveraine. En 618, il fut sur le point d'abandonner son empire, alors ravagé par la famine et par la peste, et de retourner

1. Fournel, Berbers, p. 107.

T. I.

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dans cette Afrique qu'il regrettait et que la conquête arabe allait bientôt arracher de sa couronne. On dit qu'il ne se décida à rester qu'en cédant aux supplications et aux larmes de ses sujets.

Héraclius ne tarda pas à entreprendre une longue série de guerres dans lesquelles les Africains lui fournirent des contingents importants. En 641, l'empereur mourait après avoir eu la douleur de voir la Syrie et la Palestine, et enfin l'Egypte, tomber aux mains des conquérants arabes.

Les premières courses des Arabes en Afrique datent de cette époque. L'histoire de la Berbérie va entrer dans une autre phase.

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- Posi

Le peuple berlère; mours et religion. Organisation politique. pement des familles de la race. — Division des tribus berbères. tion de ces tribus. Les Arabes; notice sur ce peuple. Mœurs et religions des Arabes anté-islamiques. Mahomet; fondation de l'islamisme. Abou Beker, deuxième khalife; ses conquêtes.- Khalifat d'Omar; conquête de l'Egypte.

LE PEUPLE BERBERE. MOEURS ET RELIGION. Nous nous sommes efforcé, dans la première partie, de suivre les vicissitudes traversées par la race indigène et d'indiquer les transformations survenues dans ses éléments constitutifs, de façon à relier la chaîne de son histoire, si négligée par les historiens de l'antiquité, avec la période qui va suivre. Grâce aux auteurs arabes, tout ce qui se rapporte à la nation qu'ils ont nommée eux-mêmes Berbère, en lui restituant son unité, va devenir précis, et il convient, avant de reprendre le récit des faits, d'entrer dans quelques détails sur ce peuple et d'indiquer sa division en tribus, et les positions respectives occupées par les groupes. Ainsi, aux désignations vagues de Numides, de Maures et de Gétules, vont succéder des appellations précises. Les noms appliqués aux localités vont changer également ', et c'est bien dans une nouvelle phase qu'entre l'histoire de l'Afrique septentrionale.

Les Berbères formaient un grand nombre de groupes que les Arabes appelèrent tribus, par analogie avec les peuplades de l'Orient. Ils avaient des mœurs et des habitudes diverses, selon les lieux que les vicissitudes de leur histoire leur avaient assignés

1. Voir, au commencement du livre, la notice géographique.

comme demeure: cultivateurs sur le littoral et dans les montagnes, ils vivaient attachés au sol, habitant des cabanes de branchages ou de pierres couvertes en chaume; pasteurs dans l'intérieur, ils menaient la vie semi-nomade, couchant sous la tente et parcourant avec leurs troupeaux les hauts plateaux du Tel jusqu'à la limite du désert, selon la saison; enfin, dans le Sahara, leurs conditions normales d'existence étaient, en outre de l'accompagnement des caravanes, la guerre et le pillage, tant aux dépens de leurs frères les Berbères pasteurs du nord que des populations nègres du sud. « La classe des Berbères qui vit en nomade, dit Ibn-Khaldoun, parcourt le pays avec ses chameaux et, toujours la lance en main, elle s'occupe également à multiplier ses troupeaux et à dévaliser les voyageurs. » Telle est encore, de nos jours, la manière d'être des habitants du désert.

Le costume des Berbères se composait d'un vêtement de dessous rayé, dont ils rejetaient un pan sur l'épaule gauche, et d'un burnous noir mis par-dessus. Ils se faisaient raser la tête et ne portaient souvent aucune coiffure. Dans le Sahara, ils se cachaient la figure au moyen d'un voile, le litham, encore usité par les Touareg et autres Berbères de l'extrême sud. Quant à leur langue, elle se composait de plusieurs dialectes aux racines non sémitiques, se rattachant à la même souche. C'est celle qui se parle de nos jours dans le désert sous le nom de Tamacher't et dont les différents idiomes, plus ou moins arabisés, s'appellent en Algérie, en Tunisie, au Maroc et jusqu'au Sénégal: Chelha, Zenatïya, Chaouïa, Kebailiya, Zenaga, Tifinar', etc.

Comme religion, ils professaient généralement l'idolâtrie et le culte du feu; cependant dans les plaines avoisinant les pays autrefois romanisés, et où la religion chrétienne avait régné, deux siècles auparavant, sans conteste, il restait encore un grand nombre d'indigènes chrétiens. Ailleurs, des tribus entières étaient juives. Enfin des peuplades avaient conservé le souvenir des rites importés par les Phéniciens, et s'il faut en croire Corippus, elles offraient encore, au sixième siècle, des sacrifices humains à Gurzil, Mastiman et autres divinités barbares. Nous avons vu que certaines tribus avaient une idole spéciale confiée au soin d'un grand-prêtre.

ORGANISATION POLITIQUE. Chaque tribu nommait un roi, ou chef, et souvent plusieurs tribus formaient une confédération soumise au commandement suprême du même prince. Ce droit de

1. Hist. des Berbères, trad. de Slane, t. I, p. 166. 2. Ibid., p. 167.

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