Images de page
PDF
ePub

la rébellion de Firmus avait servi de prétexte, était le premier acte du drame. Les Donatistes y avaient joué un rôle trop actif pour ne pas porter la peine de la défaite. En 378, les édits qui les condamnaient furent remis en vigueur et exécutés strictement.

L'AFRIQUE SOUS GRATIEN, VALENTINIEN II ET THÉOdose. Le monde romain, assailli de tous côtés par les barbares, était dans une situation des plus critiques, et Gratien n'avait ni l'énergie ni les talents qui auraient été nécessaires dans un tel moment. Son frère, Valentinien II, empereur d'Orient, était un enfant en bas âge. Pour soulager ses épaules d'un tel fardeau, Gratien s'associa le général Théodose, fils du comte Théodose, qui avait été mis à mort par ses ordres, et l'envoya défendre les frontières de l'empire. Peu après, Maxime était proclamé par ses soldats dans les Gaules (383). Gratien, ayant marché contre lui, fut vaincu et tué par l'usurpateur, près de Lyon. On dit que sa défaite fut due à la défection de sa cavalerie maure.

Théodose, forcé de reconnaître l'usurpateur, obtint cependant que l'Italie et l'Afrique fussent attribuées à Valentinien II. Mais Maxime ne pouvait se contenter d'une position si secondaire. En 387, il attaqua Valentinien et l'expulsa de l'Afrique. L'année suivante, il était à son tour vaincu par Théodose qui, après l'avoir tué, remit Valentinien II en possession de l'Afrique. Enfin, en 392, Valentinien ayant été assassiné, le trône impérial resta à Théodose.

Mais à cette époque, les empereurs ne vivaient pas longtemps. Théodose mourut en 395 et l'empire échut à ses deux fils Arcadius et Honorius. Ce dernier, âgé de onze ans, eut l'Occident avec l'Afrique.

RÉVOLTE DE GILDON. - Pendant ces compétitions, que pouvait faire l'Afrique, sinon se lancer de nouveau dans la révolte? Nous avons vu qu'à l'arrivée du comte Théodose en Maurétanie, Gildon, frère de Firmus, s'était mis à sa disposition et lui avait amené des renforts. On avait été content de ses services et il était resté sans doute en relations intimes avec la famille de ce général. Aussi, lorsque le fils du comte Théodose eut été associé à l'empire, il songea à être utile à Gildon et lui fit donner, en 387, le commandement des troupes d'Afrique avec le titre de grand maître des deux milices. Résidant à Karthage auprès du proconsul Probinus, il joignit à la puissance dont il était revêtu l'honneur de s'allier à la famille de Théodose, en donnant sa fille à un des neveux de celui-ci.

Dès lors, l'orgueil du prince indigène ne connut plus de bornes,

et le pays commença à sentir le poids de sa tyrannie, car l'autorité du proconsul était effacée par la sienne. Cependant, lors de la révolte d'Eugène dans les Gaules, il refusa les propositions qui lui furent faites par cet usurpateur (394); mais, d'autre part, il ne montra pas grand zèle pour l'empereur et se dispensa d'envoyer les secours qu'il lui réclamait.

La mort de Théodose le décida à lever le masque, et, pour déclarer ses intentions, il retint dans le port de Karthage les blés destinés à l'alimentation de Rome (395). Cette fois, la guerre est inévitable, car la disette ne permet plus de faiblesses. Gildon est déclaré ennemi public, et Stilicon, ministre d'Honorius, se disposa à le combattre.

Dans cette conjoncture, Gildon appelle à lui le peuple indigène en se déclarant restaurateur de son indépendance. Il comble les Donatistes de ses faveurs et persécute les catholiques. Mascizel, son frère, s'étant rendu à Milan pour un motif inconnu, Gildon le soupçonne d'être allé intriguer contre lui, et, pour l'intimider, il fait mettre à mort ses deux fils; puis il adresse, pour la forme, sa soumission à l'empereur.

-

CHUTE DE GILDON. C'est à Mascizel, brûlant du désir de la vengeance, que Stilicon donna le commandement de l'expédition. En 398, ce chef débarqua en Afrique avec cinq mille légionnaires (Gaulois, Germains et auxiliaires) et marcha contre son frère qui l'attendait à la tête d'un rassemblement de soixante-dix mille guerriers, mal armés et demi-nus. Parvenu auprès de Theveste, il se trouva isolé au milieu de montagnes escarpées et entouré de ses innombrables ennemis.

Gildon est au milieu de ses cavaliers Maures et Gétules et de ses montagnards berbères; en voyant les faibles forces que son frère ose lui opposer, il donne le signal du combat comme celui d'une exécution en masse. L'action s'engage, et Mascizel, désespéré, s'avance pour parlementer. Alors un certain tumulte se produit aux premières lignes: un porte-enseigne tombe devant le chef des troupes romaines, et les Berbères croient à une trahison; ce mot se propage parmi eux comme un éclair, et bientôt cette immense armée, prise d'une terreur inexplicable, tourne le dos à l'ennemi. En même temps, les légionnaires, revenus de leur étonnement, chargent les indigènes et changent leur retraite en déroute 2.

1. Orose, 1. VII, ch. xxxIII.

2. Zosime, Hist., 1. V. Orose, 1. VII.

Après cette inexplicable défaite, Gildon, abandonné de tous, parvint à atteindre le littoral et à prendre la mer; il voulait gagner Constantinople; mais les vents contraires le rejetèrent sur la côte d'Afrique. Arrêté à Tabarka, il fut conduit à son frère qui l'accabla de reproches et le jeta en prison en attendant l'heure de son supplice. Gildon l'évita en s'étranglant de ses propres mains. Il avait gouverné l'Afrique pendant douze ans.

Mascizel, qui venait de rétablir si heureusement la paix en Afrique, et d'assurer la subsistance de l'Italie, se rendit à Milan, afin d'obtenir la récompense de ses services, c'est-à-dire sans doute la position de son frère. Mais Stilicon venait de se convaincre par la révolte de Gildon du peu de confiance que l'on pouvait accorder aux Africains; il se débarrassa du solliciteur en le faisant noyer sous ses yeux.

L'AFRIQUE SOUS HONORIUS. L'Afrique, qui depuis un an relevait de l'empire d'Orient, fut rattachée à celui d'Occident; puis on envoya à Karthage un proconsul qui réunit au fisc tous les domaines de la succession de Nubel et de Gildon. Ces biens étaient considérables et l'on dut nommer un fonctionnaire spécial pour les administrer.

La chute de Gildon fut suivie de persécutions contre ceux qui avaient pris part à sa révolte, et, comme ils étaient presque tous donatistes, ces représailles prirent la forme d'une nouvelle persécution attisée par les évêques orthodoxes. Quiconque était soupçonné d'avoir eu de la sympathie pour les rebelles se voyait dépouillé de ses biens et chassé du pays, trop heureux s'il échappait au supplice. L'évêque Optatus de Thamugas, qui avait été un des principaux auxiliaires de Gildon, fut jeté en prison et y périt. Cette terreur dura dix ans. Ce fut pour les Circoncellions une occasion de recommencer leurs désordres.

En 399, Honorius promulgua un édit par lequel il prohibait d'une façon absolue le culte des idoles. L'exécution de cette mesure rencontra en Afrique une vive opposition, car les païens y étaient encore nombreux. Le temple de Tanit à Karthage, qui avait été fermé par ordre de Théodose, fut affecté au culte chrétien, mais comme les idolâtres continuaient à y faire leurs sacrifices, on se décida à le démolir.

Cependant l'invasion des peuples du Nord achevait de se répandre sur l'Europe. Dans les premières années du ve siècle, les Vandales, les Alains et les Suèves, poussés par les Huns, partis de la Pannonie, traversent la Germanie, culbutent les Franks, pénėtrent en Gaule et, continuant leur marche à travers les Pyrénées,

s'arrêtent en Espagne. En 409, ils opèrent entre eux un premier partage du pays. Dans le cours de la même année, les Goths, conduits par Alaric, s'emparaient de Rome. Assiégé par eux dans Ravenne, Honorius était obligé d'appeler à son secours l'empereur d'Orient, son neveu Théodose II.

Dans cette conjoncture, l'Afrique resta fidèle à l'empereur et continua à assurer la subsistance de l'Italie. Les Goths firent plusieurs tentatives infructueuses pour s'en emparer1. Le gouverneur, Héraclien, défendit avec habileté sa province et la conserva à l'empire; le chef des Goths abandonnant ses projets se contenta de la cession d'un territoire dans la Novempopulanie. Alaric, de son côté, avait des vues sur l'Afrique; il se disposait à se mettre en personne à la tête d'une expédition et préparait une flotte à cet effet; mais la tempête détruisit ses navires, et il dut y renoncer. Pendant ce temps, les Austrusiens et les Maxyes mettaient la Tripolitaine au pillage; le commandant militaire qui avait licencié une partie de ses troupes pour s'approprier leur solde, s'empressa de prendre la mer en laissant les populations se défendre comme elles le pourraient.

En 413, Héraclien qui s'était emparé des biens des émigrants réfugiés en Afrique pour fuir les Goths, se déclara indépendant et commença sa révolte en retenant les blés. Bientôt il passa en Italie à la tête d'une armée considérable, mais il fut entièrement défait près d'Orticoli; après quoi il chercha un refuge à Karthage où il ne trouva que la mort.

1. Lebeau, Histoire du Bas-Empire, 1. XXVIII.

CHAPITRE X

PÉRIODE VANDALE

415-531

Boniface

- Fondation

Le christianisme en Afrique au commencement du ve siècle. gouverneur d'Afrique; il traite avec les Vandales. Les Vandales envahissent l'Afrique. Lutte de Boniface contre les Vandales. de l'empire vandale. Nouveau traité de Genseric avec l'empire; organisation de l'Afrique Vandale. Mort de Valenthinien III; pillage de Rome par Genseric Suite des guerres des Vandales. Apogée de la puissance de Genséric; sa mort. Règne de Hunéric; persécutions contre les catholiques. - Révolte des Berbères. Cruautés de Hunéric. Concile de Karthage; mort de Hunéric. Règne de Goudamond. Règne de Trasamond. Règne de Hildéric. Révoltes des Berbères; usurpation de Gélimer.

LE CHRISTIANISME EN AFRIQUE AU COMMENCEMENT DU ve Siècle. Avant d'entreprendre le récit des événements qui vont faire entrer l'histoire de la Berbérie dans une nouvelle phase, il convient de jeter un coup d'œil sur la situation du christianisme en Afrique au commencement du ve siècle. Si nous sommes entrés dans des détails un peu plus complets que ne semble le comporter le cadre de ce récit, sur cette question, c'est que l'établissement de la religion chrétienne fut une des principales causes du désastre de l'Afrique1. Les premières persécutions commencèrent à porter un grand trouble dans la population coloniale et à diminuer sa force en présence de l'élément berbère en reconstitution. Et cependant cette période est la plus belle, car les chrétiens unis dans un malheur commun donnent l'exemple de l'union et de la concorde. Aussitôt que la cause pour laquelle ils ont tant souffert vient à triompher, une scission radicale, irrémédiable, se produit dans leur sein et ils se traitent avec la haine la plus féroce. « Il n'y a pas de bêtes si cruelles aux hommes que la plupart des chrétiens le sont les uns

1. C'est l'opinion d'un homme dont on ne contestera ni la compétence ni le catholicisme, M. Lacroix. «Il ne faut pas se dissimuler, dit-il dans son ouvrage inédit, que le christianisme eut une large part à revendiquer dans le désastre de l'Afrique. . . . . . Nul doute que les déplorables dissensions dont la population créole offrit alors le triste spectacle n'ait hâté la chute du colosse.» (Revue africaine, no 72 et suivants.)

« PrécédentContinuer »