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territoire de la grande et de la petite Kabilie1. Ces succès partiels ne furent pas suivis de pacifications bien solides.

PERSECUTIONS CONTRE LES CHRÉTIENS. Malgré les persécutions, la religion chrétienne faisait de rapides progrès en Afrique. Dans la Cyrénaïque surtout, un clergé organisé relevait directement du pape. L'édit de Decius, rendu en 250, organisa d'une manière régulière la persécution contre ceux qui refusaient de sacrifier aux Dieux. C'est à la suite de cette mesure que saint Denis d'Alexandrie fut exilé dans une petite bourgade de la Cyrénaïque. Valérien prescrivit de nouvelles rigueurs contre les chrétiens et, comme un certain nombre de tribus de la Proconsulaire avait embrassé le nouveau culte, ce fut une cause de plus de troubles en Afrique et de résistance au pouvoir central. Les pasteurs, décorés du nom d'évêques, se réunirent plus d'une fois en conciles pour traiter des points de doctrine, car déjà des hérésies se produisaient et souvent le clergé africain était en lutte avec ses chefs spirituels. Saint Cyprien qui, à Karthage, avait recueilli l'héritage de Tertullien, était en butte aux haines de la populace.

En 254 à Lambèse, et en 255 à Karthage, se réunirent deux conciles d'évêques de la Numidie et de la Maurétanie, auxquels assistèrent, pour le premier, soixante et onze, et, pour le second, quatre-vingt-cinq membres. Plusieurs fois saint Cyprien avait failli être jeté aux bêtes; sous Valérien il trouva le martyre ainsi qu'un certain nombre d'évêques.

PÉRIODE DES TRENTE TYRANS. Après la chute de Valérien, avait commencé le règne de Gallien et la période dite des trente tyrans. L'Afrique ne pouvait se dispenser d'avoir le sien. En 265 le proconsul Vibius Passienus et F. Pomponianus «< duc de la frontière libyque, >> allèrent chercher dans ses terres un ancien tribun, nommé Celsus, et l'ayant revêtu du manteau de pourpre de la déesse Tanit à Karthage, le proclamèrent Auguste. Quelques jours après, le tyran était mis à mort par la populace, qui l'avait élevé, et son cadavre livré en pâture aux chiens.

Vers la même époque, un parti de Franks, après avoir ravagé la Gaule et l'Espagne, fit une descente en Maurétanie: c'était un prélude à l'invasion Vandale.

En 268, Claude II succède à Gallien, et est à son tour remplacé par Aurélien (270). On devine ce que pouvaient faire les indigènes

1. Poulle, Mauretanie, p. 119-129. Berbrugger, Époques militaires de la grande Kabylie, p. 212.

de l'Afrique pendant une telle anarchie, quand on les a vu tenir tête à la puissance romaine sous Hadrien et sous Sévère : la révolte fut l'état permanent. « Le débordement général des barbares fut comme une tempête qui brise tout». L'évêque de Karthage sollicitait la charité des fidèles pour racheter les captifs faits par les << barbares » qui avaient envahi la Numidie. C'est du massif de la Grande-Kabilie (Mons-ferratus) habité par les cinq nations (quinquegentiens), que l'étincelle était partie. De là, la révolte s'était répandue, pendant le règne de Gallien (265), sur la Maurétanie orientale et la Numidie occidentale.

Le général Probus, après avoir rétabli la paix dans la Marmarique insurgée, arriva dans la Proconsulaire, vers 270, avec le titre de chef des troupes. Un Berbère, du nom d'Aradion, avait soulevé les populations de la Numidie. Tout était en révolte jusqu'aux portes de Karthage. Probus attaqua vigoureusement les rebelles, les mit en déroute et tua Aradion en combat singulier. Pour honorer le courage de ce chef, il lui fit élever par ses troupes un tombeau de deux cents pieds de largeur. Il est assez difficile de se rendre compte du théâtre de cette campagne; mais les probabilités semblent indiquer que c'est vers Sicca Veneria (le Kef) que le chef berbère trouva la mort 3.

Vers 275, des Franks, faits prisonniers par Probus, et transportés par lui en Asie-Mineure, parvinrent à s'échapper sur quelques navires. En passant devant les côtes de la Maurétanie césarienne, ils firent une descente et mirent tout au pillage. Il fallut un envoi de troupes de Karthage pour les forcer à reprendre la mer. Ils traversèrent le détroit et rentrèrent chez eux par l'embouchure du Rhin.

Lorsque Probus eut été proclamé empereur, l'Afrique, au lieu de se souvenir de ses services, soutint son compétiteur Florien. Sous le règne de son successeur Carus (282), eut lieu le premier partage du monde romain. L'Afrique, avec le reste de l'occident, fut donnée à Carus.

DIOCLETIEN. RÉVOLTE DES QUINQUEGENTIENS.

Dioclétien parvenu

au trône en 284, essaya en vain de gouverner seul: deux années plus tard, il s'associa Maximien Hercule, auquel il donna en apanage l'Italie, l'Afrique et l'Hispanie. Mais ce n'était pas encore assez de deux maîtres pour gouverner le monde romain dans l'état

1. Aurélius Victor.

2. Vopiscus, Hist. de Probus, cap. IX.

3. V. Recueil de la Soc. arch. de Constantine, 1854-1855.

de désagrégation où il se trouvait, et sous la pression générale des barbares qui l'entouraient. Afin d'arrêter le débordement, les deux augustes s'adjoignirent deux césars, Galère et Constance Chlore. Il fallut partager l'empire en quatre parties. Maximien conserva l'Afrique, moins peut-être la Tingitane. La Cyrénaïque et la Libye échurent à Dioclétien qui avait l'Orient pour lot.

Le moment était trop opportun pour que l'Afrique le laissât échapper, et du reste la révolte était pour ainsi dire à l'état permanent dans la Maurétanie. Dès 288, la grande confédération des Quinquégentiens était en pleine insurrection. Le præses de la Césarienne, Aurélius Litua, obtint contre eux quelques avantages et les contraignit à une soumission éphémère.

Mais bientôt les Quinquégentiens reprennent les armes et portent le ravage dans la Numidie. Le mouvement se propage à l'est. Un certain Julien, sur lequel on n'a que des renseignements vagues, est proclamé à Karthage. La situation devient si grave que Maximien passe lui-même en Afrique pour prendre la direction des opérations. Il combat les farouches Quinquégentiens, les repousse chez eux et les poursuit jusque sur les sommets de leurs montagnes inaccessibles. Cette fois la répression est sérieuse et la soumission réelle. Pour en assurer les effets, Maximien juge nécessaire de transporter une partie de ces tribus indomptées 1 (297).

Vers le même temps, l'usurpateur Julien cessait de vivre; cependant la révolte persista encore dans les Syrtes, et ce fut en vain que l'empereur essaya de la réduire.

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NOUVELLES DIVISIONS GÉOGRAPHIQUES DE L'AFRIQUE. Sous le règne de Dioclétien, les divisions administratives de l'empire furent modifiées et il en fut ainsi notamment en Afrique. On suppose que ces remaniements ont été effectués par Maximien, après sa victoire sur les Quinquégentiens (297). Morcelli les place en 297, à la même date que la reconstitution générale de l'empire. Il est probable que la confédération des cinq républiques cirtéennes, (Cuicul (Djemila) avait été ajoutée aux quatre précédentes), fut dissoute un peu auparavant, car il n'en est plus fait mention depuis l'époque d'Alexandre Sévère. La séparation de la Numidie en territoire militaire et territoire civil, fournit naturellement l'occa

1. Eutrope, 1. VIII, 5, 6. Mammertin, III, 17. P. Orose, 1. IX, 14. Aurel. Victor, ch. XXXIX. On ignore l'endroit où ces tribus ont été transportées, M. Fournel penche pour le désert, mais cette conjecture nous semble peu justifiée.

sion de faire cesser une anomalie qui ne pouvait être que préjudiciable au bon ordre, dans une époque aussi troublée.

La Maurétanie orientale fut divisée en deux parties: celle de l'est avec Sitifis pour chef-lieu, reçut le nom de Sitifienne; celle de l'ouest conservant Césarée, comme siège du gouverneur, continua à être appelée Césarienne.

Dès lors, l'Afrique fut divisée de la manière suivante :

1° Cyrénaïque, ayant un gouverneur particulier, rattachée au diocèse d'Orient.

2o Diocèse d'Afrique comprenant:

La Tripolitaine depuis la Cyrénaïque jusqu'au Triton.
La Bysacène ou Valérie, du Triton jusqu'à Horréa.
L'Afrique propre, d'Horréa à Tabarka.

La Numidie divisée elle-même en Numidie cirtéenne (avec Cirta), et Numidie militaire avec Lambèse, comme chef-lieu, de Tabarka à l'Amsaga.

La Maurétanie sétifienne, de l'Amsaga à Saldæ.

Et la Maurétanie césarienne de Saldæ à la Malua (Moulouïa). Ces provinces étaient administrées civilement par des præses relevant du vicaire d'Afrique. Le commandement militaire était confié au comte d'Afrique, ayant sous ses ordres des præpositi limitum '.

3o Et la Maurétanie Tingitane, rattachée au diocèse d'Espagne, et commandée par un comes Tingitanae, relevant directement du magister peditum (sorte de ministre de la guerre) de Rome. Son administration civile était confiée à un præses obéissant au vicaire d'Espagne. Le manque de communication terrestre entre la Tingitane et la Césarienne, ses relations constantes avec l'Hispanie, si proches, expliquent ce rattachement à l'Europe.

1. Pallu de Lessert, loc. cit., p. 81.

CHAPITRE IX

L'AFRIQUE SOUS L'AUTORITÉ ROMAINE (Suite).

297-415.

Etat de l'Afrique à la fin du me siècle.

Grandes persécutions contre les chrétiens. Tyrannie de Galère en Afrique. Constantin et Maxence, usurpation d'Alexandre. - Triomphe de Maxence en Afrique; ses dévastations. Triomphe de Constantin. — Cessation des persécutions contre les chrétiens; les Donatistes; schisme d'Arius. - Organisation administrative et militaire de l'Afrique par Constantin. Puissance des Donatistes. Les Circoncellions. Les fils de Constantin; persécution des Donatistes par Constant. Constance et Julien; excès des Donatistes. Exactions du comte Romanus.- Révolte de Firmus. — Pacification générale. L'Afrique sous Gratien, Valentinien II et Théodose. Gildon. Chute de Gildon. — L'Afrique sous Honorius.

Révolte de

ETAT DE L'AFRIQUE A LA FIN DU I SIÈCLE. Nous avons vu dans le chapitre qui précède, combien les révoltes des indigènes rendaient précaire la situation de la colonisation africaine. Quatre siècles et demi s'étaient écoulés depuis la chute de Karthage, et les Romains avaient effectué leur conquête avec la plus grande prudence, ménageant les transitions et n'ayançant que méthodiquement. Ils avaient fait des efforts considérables pour coloniser l'Afrique et avaient pu croire un instant au succès; mais sous les règnes les plus brillants, les révoltes des Berbères avaient démontré la précarité de cette occupation et, malgré le déploiement d'un appareil militaire formidable pour l'époque, la puissance de l'empereur avait été insultée par les sauvages africains.

Cette situation, dont le danger déjà pressenti allait se démontrer par des faits, était la conséquence d'une erreur ou d'un oubli des maîtres du monde, dans leur tentative de colonisation. Ils n'avaient pas assez tenu compte de la race indigène et, se contentant de la refouler dans les plaines livrées aux colons, ils l'avaient laissée se concentrer, se renforcer au milieu d'eux, dans de vastes contrées comme le pays des Quinquégentiens et le massif de l'Aourès. Ils voyaient bien aussi les tribus nomades du sud se masser sur la ligne du désert, mais ils se contentaient de renforcer leurs postes ou de les reporter plus au sud.

Certes, dans les plaines et le Tel de l'Afrique propre et de l'an

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