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son armée au tyran; mais Agathocle le fit assassiner et s'attacha ses troupes. Karthage se trouvait alors dans une situation des plus critiques, et pour comble de malheur, la trahison et la guerre civile paralysaient ses forces.

Agathocle, après avoir enlevé Utique et Hippo-Zarytos 1, laissa le commandement de son armée à son fils Archagate, et rentra en Sicile, où il tenait aussi à assurer son autorité (306); aussitôt après son départ, les Karthaginois reprirent vigoureusement l'offensive et réduisirent les Grecs à l'état d'assiégés. Agathocle s'empressa de venir au secours de son fils; mais la victoire n'est pas toujours fidèle aux conquérants et il éprouva à son tour les revers de la fortune.

AGATHOCLE ÉVACUE L'AFRIque. Trahi par ses alliés berbères, n'ayant plus autour de lui que quelques soldats épuisés et démoralisés, Agathocle se décida à évacuer sa conquête; il retourna suivi de quelques officiers en Sicile, laissant à Tunis ses enfants, avec l'armée; mais les soldats, se voyant abandonnés, mirent à mort la famille de leur prince et traitèrent avec les Karthaginois auxquels ils abandonnèrent toutes les villes conquises par Agathocle.

Ainsi cette guerre qui avait mis Karthage à deux doigts de sa perte se terminait subitement au grand avantage de la métropole. punique (306). Un traité de paix ayant été conclu entre les deux puissances, les Karthaginois purent s'appliquer à réparer leurs désastres et à reprendre de nouvelles forces, tandis qu'Agathocle établissait solidement son autorité à Syracuse, devenait un véritable roi, et s'unissait à Pyrrhus d'Epire en lui donnant sa fille en mariage.

PYRRHIUS, ROI DE SICILE.

TRÉE.

NOUVELLES GUERRES DANS CETTE CON

Mais la paix entre la Sicile et Karthage ne pouvait être de longue durée. Après la mort d'Agathocle, survenue en 289, l'île devint de nouveau la proie des factions et durant près de dix années l'anarchie y règna seule. Enfin, en 279, les Syracusains menacés de l'attaque imminente de Karthage appelèrent à leur secours Pyrrhus, auquel ils avaient déjà fourni leur appui dans ses guerres contre Rome. Malgré les victoires d'Héraclée et d'Asculum si chèrement achetées, le roi d'Epire se trouvait dans la plus grande indécision, car il avait dû, pour vaincre les Romains, mettre en ligne toutes ses forces et il jugeait qu'avec les éléments hétérogènes composant son armée il ne pourrait obtenir une

1. Benzert.

seconde fois ce résultat. La discorde avait éclaté parmi ses alliés et les Tarentins, mêmes, qui l'avaient appelé, étaient sur le point de se tourner contre lui. La proposition des Syracusains lui ouvrit de nouvelles perspectives: la royauté de la Sicile était, à défaut de Rome, une riche proie; Pyrrhus passa donc le détroit et arriva à Syracuse, où il fut accueilli avec le plus grand empressement.

Les Karthaginois avaient, deux ans auparavant, renouvelé leur alliance avec les Romains et fourni à ceux-ci l'appui de leur flotte dans la dernière guerre, car c'était un véritable traité d'alliance offensive et défensive qu'ils avaient conclu ensemble contre Pyrrhus. Pendant ce temps ils avaient redoublé d'efforts pour s'emparer de la Sicile et recommencé le blocus de Syracuse. L'arrivée de Pyrrhus, amenant des troupes nombreuses et aguerries, arrêta net leurs progrès; bientôt même ils se virent assiégés dans leur quartier général de Lilybée. Mais le temps des succès de Pyrrhus était passé; ses troupes furent vaincues dans plusieurs rencontres et le roi, voyant la fidélité des populations chanceler autour de lui, voulut se la conserver par la violence; il fit gémir l'ile sous le poids de sa tyrannie, ce qui acheva de détacher de lui les Grecs. Dans cette conjoncture Pyrrhus, qui, du reste, était rappelé sur le continent par les Tarentins, se décida à laisser le champ libre aux Karthaginois et, passant de nouveau la mer, rentra en Italie (276), où le sort ne devait pas lui être plus favorable.

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ANARCHIE EN SICILE. Le départ du roi laissait la Sicile en proie aux factions. Un grand nombre de mercenaires de toutes races avaient été appelés dans l'île par Agathocle ou y avaient été amenés par Pyrrhus. Abandonn's par leurs chefs, ils s'étaient d'abord livrés au brigandage, puis avaient formé de petites colonies indépendantes. La principale était celle des Mamertins ou soldats de Mars, nom que s'était donné un groupe d'aventuriers campaniens établis à Messine. Les Syracusains, après le départ de Pyrrhus, avaient élu comme chef un officier de fortune nommé Hiéron qui avait pris en main la direction de la résistance contre les Karthaginois et, pendant sept années, avait lutté contre eux, non sans succès. Pendant ce temps les Mamertins, alliés à des brigands de leur espèce établis à Rhige, sur la côte italienne, en face de Messine, avaient vu leur puissance s'accroître et étaient devenus un véritable danger pour les Grecs de Sicile, pour les Karthaginois et même pour les Romains. Cette situation allait donner naissance aux plus graves événements et déterminer une rupture, depuis quelque temps imminente, entre Rome et Karthage.

CHAPITRE II

PREMIÈRE GUERRE PUNIQUE

268-220

Causes de la première guerre punique.-Rupture de Rome avec Karthage.Première guerre punique.-Succès des Romains en Sicile.- Les Romains portent la guerre en Afrique. Victoire des Karthaginois à Tunis; les Romains évacuent l'Afrique. Reprise de la guerre en Sicile. - Grand siège de Lilybée. - Bataille des iles Egates; fin de la première guerre punique. Divisions géographiques adoptées par les Romains. — Guerre des mercenaires. — Karthage, après avoir établi son autorité en Afrique, porte la guerre en Espagne. Succès des Karthaginois en Espagne.

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CAUSES DE LA PREMIÈRE GUERRE PUNIQUE. Les échecs éprouvés par Pyrrhus dans l'Italie méridionale, son retour en Epire, sa mort (272), avaient délivré Rome d'un des plus grands dangers qu'elle eût courus. Sa puissance s'était augmentée d'autant, car elle avait hérité de presque toutes les conquêtes du roi d'Epire. Si donc les Romains avaient, dans le moment du danger, recherché l'alliance des Karthaginois contre l'ennemi commun, cette union momentanée de deux peuples ayant des intérêts absolument opposés ne pouvait subsister après la disparition des causes spéciales qui l'avaient amenée. Maîtresse de l'Italie méridionale, Rome jetait les yeux sur la Sicile, que Karthage considérait comme sa conquête, car depuis plusieurs siècles elle se consumait en efforts pour achever de s'en approprier la possession; c'est sur ce champ que la lutte de la race sémitique contre la race ariane allait commencer. Un des premiers actes des Romains, après le départ de Pyrrhus, avait été de détruire le nid de brigands campaniens établis à Rhige. Les Mamertins de Messine, réduits ainsi à leurs seules forces, avaient alors été en butte aux attaques des Syracusains, habilement dirigés par Hiéron. Vers 268, leur situation n'étant plus tenable, ils se virent dans la nécessité de se rendre soit aux Grecs, leurs plus grands ennemis, soit aux Karthaginois. Un certain nombre d'entre eux entrèrent en pourparlers avec ceux-ci; mais les autres se décidèrent à faire hommage de leur cité aux Romains. Le Sénat de Rome, après quelque hésitation, admit les brigands campaniens dans la confédération italique et, dès lors, la rupture avec Karthage ne fut plus qu'une question de jours. Les

prétextes, comme cela arrive dans de tels cas, ne manquaient pas; les Romains, notamment, reprochaient à Karthage d'avoir violé plus d'une clause de leurs précédents traités et d'avoir profité des embarras que leur causait la guerre de Pyrrhus, pour tenter de s'emparer de Tarente et de prendre pied sur le continent.

Tandis que Rome adres

RUPTURE DE ROME AVEC KARTHAGE. sait à Hieron l'ordre de cesser toute agression contre ses alliés les Mamertins, et se préparait à faire passer des troupes à Messine (265), elle envoyait à Karthage une députation chargée de demander des explications sur l'affaire de Tarente survenue sept ans auparavant1. C'était, en réalité, un ultimatum, et Karthage parut essayer d'éviter la guerre en désavouant les actes de son amiral. En même temps elle entrait en pourparlers avec Hiéron; le groupe de Mamertins dissidents amenait un rapprochement entre ces ennemis et obtenait que Messine fût livrée aux Syracusains, leurs nouveaux alliés. Au moment donc où les troupes romaines réunies à Rhège se disposaient à traverser le détroit, on apprit que la flotte phénicienne commandée par Hiéron se trouvait dans le port de Messine et que la forteresse de cette ville était occupée par les Karthaginois (264). Sans se laisser arrêter par cette surprise, les Romains mirent à la voile et parvinrent à s'emparer, plutôt par la ruse que par la force, de Messine, car les chefs Karthaginois, liés des instructions leur recommandant la plus grande prudence afin d'éviter une rupture, n'osèrent pas repousser les Italiens par l'emploi de toutes leurs forces. Maintenant la rupture était consommée et la guerre allait commencer avec la plus grande énergie de part et d'autre.

par

PREMIÈRE GUERRE PUNIQUE. Dès qu'on eut appris à Karthage l'occupation de Messine par les Italiens, la guerre fut décidée. Une flotte nombreuse vint, sous la conduite de Hannon, bloquer la ville par mer, tandis que les troupes puniques, d'un côté, et Hiéron, avec les Syracusains, de l'autre, l'assiégeaient par terre. Mais les Romains n'étaient pas disposés à se laisser enlever leur nouvelle colonie. Le consul Appius Claudius étant parvenu à passer le détroit contraignit bientôt les alliés à lever le siège et vint même

1. En vertu du traité d'alliance les unissant aux Romains, les Karthaginois avaient envoyé à ceux-ci pour les aider dans leur guerre contre Pyrrhus une flotte de 120 navires. Mais on avait pris ombrage à Rome de cet empressement et l'amiral punique avait dû reprendre la mer. C'est alors qu'il était allé à Tarente offrir sa médiation ou peut-être ses services à Pyrrhus. (Justin, XVIII).

faire une démonstration contre Syracuse. L'année suivante les Romains remportèrent de grands succès, dont la conséquence fut de détacher Hiéron du parti des Karthaginois et d'obtenir son alliance contre ceux-ci (263); les colonies grecques de l'île suivirent son exemple et dès lors Karthage se trouva isolée, sur un sol étranger, et obligée de faire face à des ennemis s'appuyant sur des forteresses telles que Messine et Syracuse. Bientôt les Phéniciens en furent réduits à se retrancher derrière leurs places fortes.

Dans ces conjonctures, les Karthaginois jugèrent qu'il y avait lieu de tenter un grand effort; ils réunirent une armée imposante de mercenaires liguriens, espagnols et gaulois et, l'ayant fait passer en Sicile, la répartirent dans leurs places fortes et s'établirent solidement à Agrigente (Akragas), afin de faire de cette ville le noud de leur résistance. Bientôt les consuls vinrent attaquer ce camp retranché, mais, n'ayant pu l'enlever d'un coup de main, ils durent en faire le siège régulier. Hannibal, fils de Giscon, défendait avec habileté la ville et était aidé par Hiéron qui avait contracté une nouvelle alliance avec les Karthaginois. Quant aux Romains, ils recevaient constamment d'Italie des vivres et des renforts et resserraient chaque jour le blocus.

SUCCÈS DES ROMAINS EN SICILE. Sur ces entrefaites, le général Hannon, envoyé de Karthage avec une nouvelle et puissante armée, débarque en Sicile et vient attaquer les Romains dans leur camp. Mais le sort des armes est favorable à ceux-ci; les Karthaginois, écrasés, laissent leur camp aux mains des vainqueurs; Hannon parvient, non sans peine, à se réfugier dans Héraclée avec une poignée de soldats. Cette bataille décida du sort d'Agrigente: Hannibal s'ouvrit un passage à la pointe de l'épée, au milieu des ennemis, et abandonna la ville aux Romains (262). Les habitants de la cité furent vendus comme esclaves.

Malgré les succès des Italiens, la situation en Sicile n'était pas désespérée pour les Karthaginois, car ils tenaient encore une grande partie de l'île et avaient souvent l'appui des colonies grecques. Une guerre incessante, guerre d'escarmouches et de surprises, sur mer et sur terre, remplaça les grandes batailles. La flotte punique, beaucoup plus puissante que celle des Romains, causa de grands dommages sur les côtes italiennes et fit un tort considérable au commerce. Force fut aux latins de se construire

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